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Vincent Benard

Vincent Benard

Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et  de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !

France: La bulle immobilière est d’abord foncière, en voici la preuve

Audience de l'article : 8858 lectures
Nombre de commentaires : 2 réactions
Étonnant paradoxe. Depuis 1996, l'immobilier français a augmenté de 80% plus vite que le revenu des ménages. On pourrait s'attendre que face à un tel signal de prix, les offreurs se bousculent au portillon pour tenter de ramasser le jackpot. Pourtant, rien de tel ne se produit. Malgré quelques incertitudes statistiques, il apparaît que 2014 fut la pire année pour la construction de logements depuis le début des années 80.

Mes lecteurs réguliers connaissent ma thèse: l'essentiel des hausses de l'immobilier est liée à la rareté foncière entretenue par une réglementation des sols d'inspiration planificatrice, étatiste, qui rend par défaut tout terrain inconstructible, et qui incite les élus locaux à renverser cette inconstructibilité avec beaucoup de circonspection.

Mais jusqu'ici, je manquais de chiffres franco-français précis pour l'étayer. Cette lacune est désormais comblée.

Le professeur d'économie Immobilière Joseph Comby apporte de nombreux éléments de réponse dans la "Revue Foncière" de janvier 2015 (n°3, non encore disponible en ligne), numéro en partie consacré à la problématique du gel des terrains constructibles. A partir des données INSEE-Notaires-Ministère du logement, il y rappelle que l'essentiel du gonflement des prix s'est produit entre 1996 et 2007. Dans ce laps de temps, le ratio prix du logement/revenu disponible des ménages a augmenté de 82%. 

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Un second graphe du même article nous apprend que la part moyenne de la valeur des terrains dans l’immobilier bâti est passée de 15% à 50% entre 1996 et 2007, pour redescendre légèrement à 45% en 2013. Naturellement, ces chiffres sont des moyennes nationales et masquent de fortes disparités locales.


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J'ai recoupé les graphes de J. Comby avec les données les plus récentes publiées par l'INSEE. Comment ces chiffres se traduisent ils en terme de variation des prix des terrains et de la construction entre 1996 (creux de la vague) et 2007 (sommet de bulle) ? J’ai résumé les information ci dessus dans un tableau: 

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Si l’indice des prix des maisons, exprimé à revenu constant des ménages, est passé de 100 à 182, et la part foncière du terrain de 15 à 50%, alors l’indice de valeur du terrain est passé de 15 à 91 (X6), soit une augmentation moyenne d’environ 500%. Par soustraction, l’indice de valeur de ce qui est construit sur le terrain, rapporté au revenu disponible, n’est passé que de 85 à 91, soit +7%.

Cette estimation de l’ envolée des terrains est recoupée par l’enquête “patrimoines” de l’INSEE de fin 2013, également citée par Joseph Comby, qui nous apprend que la valeur totale des terrains bâtis est passée de 67% du PIB en 1998 à 308% en 2007 !


C’est tout à fait cohérent avec ce que j’ai pu lire ici et là, mais nous en avons ici une confirmation statistique éloquente: la solvabilisation des ménages permise par l’écroulement des taux d’intérêts entre 1996 et la période actuelle a été plus qu’ intégralement absorbée par les propriétaires de la composante foncière des logements. Comme le répètent à l’envi nombre de lotisseurs assez anciens dans le métier, “le prix des terrains en Euros aujourd’hui est à peu près le prix en Francs d’avant 2000”.

Voilà qui explique pourquoi la hausse des prix du logement n’a pas suscité une hausse de l’offre, bien au contraire: le foncier constructible étant délivré au compte-gouttes, du fait de nos lois malthusiennes en la matière,  les offreurs de foncier sont en position de force par rapport aux promoteurs et bâtisseurs. Ceux ci doivent leur faire la meilleure offre pour pouvoir obtenir les terrains leur permettant de travailler, et donc ne peuvent pas faire de meilleurs marges qu’il y a quinze ans, malgré un prix de sortie des logements en forte hausse.

Dans ce type de marchés, le seul facteur de production rare, et pourtant indispensable, est le foncier constructible. Ce sont donc les détenteurs de cette ressource qui captent presque toute la hausse de solvabilité des ménages. Ils sont même incités à pratiquer eux même un certain niveau de rétention foncière tant qu’ils croient la hausse des prix soutenable.

Dans tous les marchés qui ne connaissent pas un tel goulot d’étranglement malgré des niveaux de demande tout à fait robustes (automobile, équipement de la maison, électronique grand public, etc... mais aussi immobilier à Houston, Dallas et Atlanta, où le terrain est par défaut constructible, donc par nature surabondant par rapport à la demande), une telle  bulle de prix ne peut tout simplement pas se former (cf. Paul Krugman, 2005).

Si nous voulons arrêter d’avoir à payer plus du quart de nos ressources simplement pour avoir un toit, nous devons impérativement faire sauter le bouchon du foncier constructible et libéraliser notre droit des sols vers bien plus de flexibilité.

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Liens

Insee, infos diverses sur l’évolution du prix du logement, 1996 - 2009

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1297#inter3 




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2 Commentaires

  • Lien vers le commentaire lebobclefeu vendredi, 13 mars 2015 15:27 Posté par lebobclefeu

    Bonjour et merci pour votre article,


    je suis bien d'accord sur la rétention foncière cause de bien des maux. Dans ma campagne, la terre cultivée valant 5€ le mètre carré n'est séparée du terrain constructible à 300€ le mètre carré que par une ligne en pointillé sur une carte administrative.


    Mais si on parle de bulle immobilière, n'est-ce pas forcément une bulle sur le foncier ?


     

  • Lien vers le commentaire Pierre vendredi, 13 mars 2015 09:07 Posté par 8ball

    Intéressant. Je serais curieux de savoir si l'explosion du prix du terrain est également réparti en France, ou si un différentiel fort et croissant existe entre les massives zones qui n'intéressent personne (urbanisées ou pas) et les zones denses (paris intra...) et / ou zones d'intérêt touristique (Carcassone, carnac, cannes...), où la planification du développement urbain n'est quand même cas complètement idiot pour préserver la poule aux oeufs d'or (cf. Costa brava pour le contre exemple).