Les pays développés du monde entier font face à une crise des retraites. Une pratique spirituelle du deuxième millénaire avant JC pourrait bien être la réponse à nos problèmes.
La plupart des gens savent que les Dix Commandements ordonnent aux personnes de travailler pendant six jours et de se reposer le septième. Une caractéristique de ces commandements beaucoup plus communément ignorée est que dans le schéma initial livré à Moïse sur le mont Sinaï, l'homme n'était pas censé prendre qu’une seule journée de la semaine pour se reposer. L'ensemble de sa communauté était censée prendre une année entière de repos - tous les sept ans. En d'autres termes, les anciens Israélites étaient censés prendre une année sabbatique. D’ailleurs, l'année juive qui vient de se terminer en septembre était une chemitta* (shemitah ou shmita) : une année sabbatique
L’année sabbatique pourrait être la solution à nos systèmes de retraites de plus en plus fragiles. Les gens vivent plus longtemps, ce qui signifie qu'ils continuent à puiser dans les réserves de fonds accumulées, siphonnant les réserves financières destinées aux générations futures. Pendant ce temps, les taux de natalité et la croissance économique ont été trop faibles pour soutenir les populations vieillissantes du monde occidental.
Le problème n’est pas seulement une question de répartition des euros et des dollars. Nos systèmes de retraites ont été conçus à une époque différente, où les personnes pouvaient raisonnablement attendre de passer leurs vies entières à occuper un seul emploi, un travail souvent pénible qui les affaiblissaient et les précipitaient encore plus rapidement dans la vieillesse. Il était donc logique de consacrer une grande partie de notre vie à travailler, et puis un autre gros morceau à ne rien faire.
Aujourd'hui, la nature du travail a été grandement altérée par la mondialisation et les bouleversements technologiques, ainsi que par des tendances émergentes comme ce que les Anglo-Saxons qualifient de « gig economy» - plus connue chez nous comme « l’uberisation de l’économie ». Bref, si on voit le verre à moitié plein, il s’agit d’une « économie collaborative » peuplée par des travailleurs indépendants et coordonnées par la techno.
D’un autre côté, grâce à la médecine moderne et aux changements de mode de vie, la plupart d'entre nous a encore un corps alerte et un esprit vif à 65 ans. En réalité, un nombre croissant de recherches suggèrent que de trop nombreuses années à la retraite peuvent émousser vos capacités mentales, sans omettre l’isolement social.
Nous avons besoin d'un moyen de réformer le système des retraites, de sorte qu'il soit à la fois économiquement durable et qu’il assure une meilleure relation avec le travail tout au long de nos vies.
Bienvenue dans la pratique spirituelle juive du Shabbat.
Aujourd'hui, les années sabbatiques sont un privilège principalement réservé aux universitaires, aux employés hautement qualifiés et à ceux qui sont assez riches pour se payer le prix d’une introspection de douze mois.
Mais il devrait en être autrement. Les entreprises qui offrent à leurs employés une chance d’avoir de congés sabbatiques, comme la société de logiciels VMWare et le cabinet de conseil en gestion BCG, ont tendance à souligner que leurs collaborateurs reviennent frais et dispos - et la tête pleine de bonnes idées.
Un congé sabbatique d’une année nous donnerait un break, un intervalle de temps ininterrompu dans nos vies pour se concentrer sur nos projets et nos passions personnelles, que cela implique la construction d'une cabane dans les bois, l'écriture d'un roman ou pourvoir enfin maîtriser le mandarin. Les parents seraient en mesure de prendre du temps pour se concentrer sur leurs familles pendant que leurs jeunes enfants vivent encore à la maison, plutôt que de retarder le temps libre jusqu'à ce les enfants soient devenus adultes. Ceux d'entre nous qui se sentent angoissés ou insatisfaits de l'état de leurs vies devraient être en mesure de sortir de la routine quotidienne, pour faire le point et décider d'une nouvelle direction à prendre, entre le démarrage d'une entreprise, par exemple, ou un retour sur les bancs de la fac.
De part sa nature, les exigences de l'époque moderne imposent aux personnes de réinventer leurs compétences de manière cyclique, afin d'atteindre et de maintenir un niveau de succès. La liberté conféré par des congés sabbatiques aurait un effet d'entraînement positif sur l'économie, stimulerait la productivité ainsi que le bonheur personnel.
Il ne s’agit pas ici d’abolir complètement la retraite. Les personnes qui sont vraiment âgées, ainsi que les personnes qui ont une certaine forme de handicap, ne devraient pas être obligées de travailler.
Mais une année sabbatique rendrait le système de retraites plus fort dans son ensemble. Les préférences personnelles ont tendance à être biaisées par la vision à court terme. Cela signifie que la majorité des personnes seraient heureuses de prendre dès maintenant l’argent équivalent à un an de leur retraite, même si cela implique qu'ils doivent reculer leurs départs de la vie active. Donc, le système des pensions devraient redistribuer moins d’argent aux travailleurs pendant leurs vies, contribuant à garder le système solvable. Cette approche permettrait également d’aider à vendre une question politiquement brûlante, offrant aux personnes un avantage tangible en échange de réformes douloureuses.
Nulle part dans les lois de l'univers il est écrit que nous devons d'abord travailler pendant 40 années consécutives, avant de parvenir à atteindre 20 ans de repos. Nous avons besoin d'un mécanisme qui permettra de rétablir de l'équilibre et de la flexibilité dans nos vies. Nous devons avoir un jour de shabbat, et pas uniquement, semaine après semaine, mais tout au long de nos vies.
* La chemitta est une année sabbatique définie et prescrite par la Torah. C'est une année qui revient tous les 7 ans, où la terre est mise en jachère, en repos. Comme l’indique Dieu à Moïse (Lévitique 25) : « Mais la septième année sera un sabbat, un temps de repos pour la terre, un sabbat en l’honneur de l’Éternel : tu n’ensemenceras point ton champ, et tu ne tailleras point ta vigne. »