C’est Nicole Bricq qui, au cours de cette conférence de presse, a le mieux décrit les attentes concernant la « Marque France » : « La Marque France doit être un outil fédérateur au service de la compétitivité de nos entreprises ». Et de poursuivre : « un des premiers objectifs que je me permets d’assigner à cette mission s’adresse à nous : il faut nous rendre fiers d’être français, elle doit nous aider à dépasser la crise de confiance que connait notre pays. » Analyse intéressante, mais un peu courte : s’il suffisait d’une marque pour redonner confiance aux entrepreneurs d’un pays, cela se saurait. Mais la ministre pense que cette marque permettra de combattre deux problèmes français : le scepticisme des citoyens et une certaine image de la France qui est considérée comme un musée.
En effet, le gouvernement a conscience que les français sont sceptiques envers leur pays. Nicole Bricq s’en alarme en rappelant que « la France est un grand pays, par sa diplomatie, par son appareil de défense, par sa place déterminante en Europe, ses grandes entreprises qui sont présentes dans le monde entier, mais elle ne le sait pas. Et les français figurent au rang peu enviable de numéro un pour le scepticisme. » Pour elle, la « Marque France » va tout résoudre et éclairer les français qui, selon son analyse, ne connaissent pas leur pays, ni les grandes entreprises tels que Chanel, Vuitton, EADS, etc.
Ensuite, Nicole Bricq s’insurge contre l’idée que la France est un musée et elle partage une anecdote significative : « Rentrant de Chine la semaine dernière, je regarde le petit film diffusé dans les avions de notre compagnie nationale à usage vraisemblablement du public chinois sur ce qui les attendaient en France, je résume à peine : la France, dans ce message, ce sont les fromages, les Champs-Elysées, le Châteaux de la Loire et des amoureux, bref un musée où l’on s’aime. » Mais comme chacun sait, on ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche et un musée expose des choses mortes. Là aussi, la « Marque France », selon elle, va redonner de la vie à la France.
A la suite de Nicole Bricq, la ministre Sylvia Pinel pense qu’avec cette marque pensée par le gouvernement les entreprises françaises pourront « acquérir un nouveau dynamisme » car « la création de la Marque France doit nous permettre de mieux coordonner les actions des collectivités locales comme celles des entreprises sous une bannière unique à l’étranger ». Fleur Pellerin, de son côté, affirme qu’il y a « une French Touch qu’il nous appartient de mieux valoriser » et parle du patriotisme économique en désignant Arnaud Montebourg comme étant le champion. Celui-ci vante l’expérience de la commission mise en place, certain que le publicitaire Philippe Lentschener fera de la « Marque France » un outil de redressement productif.
Mais voilà, pour redresser toute l’économie d’un pays, il ne s’agit pas de faire de la pub. Or c’est bien ce que la commission « Marque France » fera. En effet, Philippe Lentschener veut « comprendre les composantes qui peuvent fonder le récit économique français » et donc faire du story telling, en d’autres termes il veut vendre aux français une histoire sur la France. Tout cela aux frais des contribuables bien entendu. Certes, si Philippe Lentschener, Clara Gaymard, Robert Zarader et Agnès b. ne sont pas rémunérés pour cette mission, il n’en sera pas de même pour les moyens, et donc de l’argent public, mis à leur disposition par chacun des ministères concernés. Et une fois les conclusions de la commission rendue, le 1er mai prochain, les contribuables paieront aussi la création du logo, la recherche du slogan et la campagne publicitaire pour le lancement de la « Marque France ». Pour quels résultats concrets ? Très franchement, les entrepreneurs français sont bien assez grands et intelligents pour faire eux-mêmes leur campagne marketing.
Si donc le gouvernement veut améliorer l’image du pays, qu’il cesse de gaspiller l’argent des contribuables en mettant en place ce genre de « gadgets politiques » d’où il ne sortira que des mots. Les investisseurs et les entrepreneurs ne jugent pas un pays sur un logo et un slogan, mais sur sa fiscalité et ses politiques publiques. Et les contribuables, eux, jugent leur gouvernement sur la manière dont il dépense leur argent. De là découle la confiance ou la méfiance : ne dit-on pas d’ailleurs « accorder une marque de confiance » ? C’est quand même plus important qu’une vague « Marque France », non ?