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Les métacoins

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Aujourd’hui je vais vous parler de ce qu’il est maintenant coutume d’appeler, dans le monde des crypto-monnaies, les métacoins. Ces derniers sont définis comme des unités de paiement d’un protocole se servant du protocole Bitcoin pour fonctionner.

En effet, de la même manière que le protocole HTTP est basé sur le protocole TCP/IP, et permet d’augmenter son utilité, il est possible d’utiliser Bitcoin pour implémenter une nouvelle couche protocolaire, et ainsi obtenir des fonctionnalités que le protocole Bitcoin ne pourrait pas à lui seul permettre. Les métacoins sont donc à différencier des altcoins, puisque cela reste la blockchain de Bitcoin qui enregistre leur circulation, alors que les altcoins, de leur côté, circulent à l’intérieur d’une blockchain entièrement différente (une blockchain alternative).

Concrètement, cela signifie que grâce à ces méta-protocoles, il est possible d’assigner une signification différente aux transferts de données ayant lieu dans la blockchain (transferts de données qui, en dehors du cadre de ces protocoles supplémentaires, représentent uniquement des transferts de bitcoins). C’est-à-dire qu’à l’intérieur du paradigme de ces nouveaux protocoles, un envoi de bitcoins ne représente plus simplement un transfert monétaire mais, au choix :

  • La création d’actions ou d’obligations d’entreprises, et le versement de dividendes et d’intérêts associés.
  • La création de produits dérivés, de paris sportifs, la participation à des jeux de hasard et d’argent.
  • Un échange de titres de propriété.
Il existe actuellement trois méta-protocoles, et donc trois métacoins associés : le Master protocole (utilisant les mastercoins, ou MSC), Counterparty (utilisant les XCP), Chancecoin (utilisant les chancecoins, ou CHA).

Chancecoin est le projet le moins ambitieux. Il a uniquement vocation à offrir la possibilité de jouer de l’argent sur le résultat d’une sorte de tirage de dés virtuels. C’est la blockchain qui valide le tirage et ensuite distribue les gains et les pertes au joueur en fonction du résultat. La « maison » a un avantage de 1%. En l’espèce « la maison » représente les détenteurs de chancecoins, puisque le bénéfice va dans leurs poches. C’est une sorte de dividende.

On peut noter que l’avantage de la maison est extrêmement réduit par rapport aux loteries du monde réel et aux casinos virtuels traditionnels. Même si ce n’est pas Chancecoin, il y a fort à parier que la loterie du futur ressemblera à quelque chose d’approchant. L’automatisation complète de tout le processus de mise et de distribution des gains par la blockchain rendant possible un taux de retour aux joueurs bien meilleur. Voilà encore un business model qui risque d’être menacés par l’invention de la technologie de la blockchain !

Le Master protocole et Counterparty se positionnent quant à eux sur plusieurs domaines à la fois, chacun représentant un marché très important. Les services que rendent possibles ces deux protocoles sont les suivants : la création de produits dérivés et de paris sportifs, la possibilité d’effectuer du crowdfunding et d’émettre des d’actions et d’obligations, en offrant en plus de cela une place boursière où échanger toutes ces choses. Le tout se déroulant de manière totalement peer-to-peer, à l’intérieur de la blockchain. C’est-à-dire sans aucun intermédiaire, ce qui implique des frais extrêmement réduits par rapport aux alternatives déjà existantes. Et sans risque de contrepartie, puisque tout est automatisée.

Pour l’instant, Counterparty est beaucoup plus avancé que le Master protocole dans le développement de toutes ces fonctionnalités. Un site de paris sportifs qui exploite les possibilités de Counterparty vient récemment de voir le jour. Contrairement aux sites de paris traditionnels, l’utilisateur ne parie pas suivant la cote offerte par le bookmakeur (qui est forcément fixée à son désavantage par le bookmakeur, puisque c’est comme ça qu’il gagne son argent) mais contre les autres joueurs.

En plus de permettre d’éviter de payer un bookmakeur, le parieur n’a plus besoin de faire confiance au bookmakeur pour recevoir ce qui est lui est dû puisque les résultats des paris sont faits respecter par la blockchain, et l’argent est transmis au gagnant automatiquement. Que des avantages !

La première utilisation de grande ampleur d’un de ces méta-protocoles a eu lieu fin avril, avec la levée de fonds de la fondation MaidSafe sur le Master protocole (malgré son développement encore à un stade primitif). MaidSafe est une entreprise qui a développé ces 8 dernières années une technologie permettant de stocker des donnés en P2P. Son ambition est d’inventer un Internet 2.0 complétement décentralisé, sans datacenters, et garantissant le droit à la vie privée grâce au chiffrement systématique des données circulant sur le réseau.

MaidSafe a reçu des bitcoins et des mastercoins pour financer leurs futurs efforts de développement. En échange l’entreprise a fourni aux investisseurs des MaidSafecoins, qui seront dans quelques semaines convertis en Safecoins. Les Safecoins seront la seule unité monétaire permettant d’acheter et de vendre des services sur le nouveau réseau construit par MaidSafe. C’est donc la première levée de fonds décentralisée a avoir eu lieu grâce à la blockchain de Bitcoin (il y a tout de même eu un moment où les développeurs du Master protocole et l’équipe de MaidSafe ont dû intervenir manuellement, mais à terme tout devrait être automatisé), et aux fonctionnalités supplémentaires permises par le Master protocole.

Ces dernières années il y a eu un essor du crowdfunding via des sites web comme Kickstater ouIndiego, qui permettent – moyennant une commission – à tout un chacun de participer au financement des projets qui les intéressent, et de recevoir en contrepartie des cadeaux ou des avantages futurs liés au projet. La pérennité de ces sites de crowdfunding risque donc être menacé par le développement de l’utilisation de Counterparty et du Master protocole.

Il faut noter que ces sites, pour des raisons légales, ne permettent pas de vendre des actions (ce que l’on appelle des offres publique initiales, ou IPO). Les IPOs sont en effet la chasse gardée des acteurs des marchés financiers traditionnels – plus spécifiquement des brokers et des banques d’investissement – et les législateurs, sous prétexte de protéger le consommateur, interdisent à quiconque de lorgner sur ce pré carré et d’entamer le profit des intermédiaires qui organisent ces IPOs.

Or avec les méta-protocoles, il sera possible d’effectuer des IPOs avec une facilité déconcertante et à un coût modique. Les législateurs auront donc du mal à justifier encore longtemps le monopole qu’ils accordent au monde de la finance traditionnel pour effectuer des IPOs. De plus, la blockchain n’étant située dans aucune juridiction, elle est immunisée contre la corruption et l’incompétence des politiciens.

Les actions créées à l’intérieur de la blockchain pourront ensuite être échangées de manière totalement décentralisée, sans frais et sans risque de contrepartie. Il n’y aura même plus besoin de plateformes d’échange centralisées telles que Kraken ou Bitstamp : toutes les transactions se dérouleront en peer to peer à l’intérieur de la blockchain. Au fil du temps, plus les entreprises choisiront de faire des IPOs via Counterparty et le Master protocole (ou simplement de digitaliser et faire coter leurs actions dans la blockchain) et plus les places de marché telles que le New-York Stock Exchange ou le NASDAQ perdront en volume et en influence.

Nous voyons donc qu’en plus de révolutionner la sphère monétaire, la blockchain de Bitcoin pourrait bien modifier l’organisation de l’ensemble des marchés financiers. La blockchain est fondamentalement un livre de compte qui permet d’enregistrer automatiquement l’échange de propriété, rendant obsolète toute la l’infrastructure financière qui remplissait cette fonction jusqu’à présent.
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