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Les altcoins anonymes

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Nous venons de voir que la transparence intrinsèque de Bitcoin laissera à l’avenir une place de choix à un altcoin ayant la capacité de garantir l’anonymat des individus l’utilisant pour effectuer leurs transactions. Quels sont donc les prétendants à ce titre ? Pour l’instant, il y a deux altcoins qui sortent du lot, auquel il convient d’ajouter un concurrent de poids qui arrivera sur le marché probablement dans les 6 mois à venir : Darkcoin (DRK), Monero (XMR) et Zerocash (c’est celui-là qui n’existe pas encore).


Darkcoin

Le premier altcoin à mettre en avant un anonymat renforcé a été Darkcoin. Il possède grosso modo  les mêmes caractéristiques qu’un altcoin standard (i.e. c’est un copié-collé du protocole Bitcoin, avec seulement quelques modifications), à la différence près que toutes les transactions en darkcoins transitent et sont mélangées par des noeuds-maîtres, avant d’être finalement envoyées à leur destinataires. Le mélange effectué rend ainsi difficile pour une tierce partie d’associer l’adresse émettrice avec l’adresse réceptrice d’une transaction.

Darkcoin est en réalité une implémentation de CoinJoin, un procédé initialement conçu pour mixer des transactions en bitcoins. L’option SharedCoins proposé par le webwalletblockchain.info et bientôt Darkwallet (encore en développement) sont les principales mises en application de CoinJoin. A l’avenir, il sera donc possible de réduire la traçabilité de ses bitcoins en utilisant ces services.

L’avantage de Darkcoin est que le mélange se fait systématiquement et automatiquement pour toutes les transactions en darkcoins, alors qu’avec Bitcoin il faut faire l’effort supplémentaire d’utiliser volontairement un des services de mixage mentionnés. Or plus il y a des transactions mélangées ensemble, plus le mélange est efficace. Un mixage par défaut comme le propose Darkcoin, plutôt que sur la base du volontariat, est donc un point positif.

Là où le bat blesse est que CoinJoin est loin d’être la panacée en matière d’anonymat. Comme l’indique l’expert en sécurité Kristov Atlasles implémentations de CoinJoin permettent d’améliorer le respect la vie privée mais ne fournissent en aucun cas l’anonymat que beaucoup des utilisateurs espèrent. Kristov a en effet créé un logiciel qui permet d’annihiler les effets du mixage et de retrouver la trace de qui a envoyé quoi, et à qui. Il affirme  à juste titre que ce genre de logiciel va se démocratiser à l’avenir, ce qui rendra les transactions mixées vulnérables à l’analyse de n’importe quel utilisateur un tant soit peu compétent techniquement. Les implémentations CoinJoin vous protègent donc de votre voisin un peu trop curieux, mais pas des individus ou entités fortement déterminés à vous nuire.

Pour résumer, Darkcoin est légèrement mieux que les transactions en bitcoins faites via des services de mixage, mais il souffre des limites inhérentes à CoinJoin. Et si vous voulez mon avis, il est loin de satisfaire les besoins du marché pour un moyen de paiement complétement anonyme.

Monero


Monero, quant à lui, est une implémentation de CryptoNote, un protocole entièrement différent de celui de Bitcoin. A l’heure actuelle, extrêmement peu d’alcoins peuvent se targuer d’avoir un code qui n’est pas simplement une légère modification de celui de Bitcoin (NXT est l’autre altcoin notable dans ce cas).

Ce qui rend la technologie CryptoNote particulièrement intéressante est le fait qu’elle utilise le procédé cryptographique des signatures de cercle, inventé en 2001. Nous avons déjà vu ensemble qu’avec Bitcoin, une transaction doit préalablement être signée par la personne voulant envoyer de l’argent. Or, avec les signatures de cercle une même signature est attribuée à tout un groupe d’utilisateurs, rendant ainsi impossible de savoir quel utilisateur à l’intérieur dudit groupe a effectivement signé une transaction donnée.

Une autre caractéristique primordiale de la technologie CryptoNote est que des adresses à usage unique sont automatiquement liées à la clé publique de l’utilisateur, ainsi chaque paiement reçu demeure indépendant des autres. En résumé, les signatures en cercle rendent impossible la traçabilité des paiement effectués et les adresses à usage unique rendent impossible de lier les paiement reçus entre eux.

Bytecoin est le premier altcoin a avoir implémenté CryptoNote. Il y a deux semaines nous avons vu que l’effet réseau – et donc l’avantage d’être le premier – est primordial dans le secteur des crypto-monnaies, seulement Bytecoin a une tare rédhibitoire : il a été miné dans le plus grand secret par quelques personnes souhaitant s’enrichir en accumulant un maximum d’unités monétaires avant le lancement officiel. Environ 80% des bytecoins avaient déjà été créés lorsque l’existence de Bytecoin a été rendue publique.

En réaction à cette situation éthiquement douteuse et économiquement catastrophique (en raison de la concentration des unités monétaires entre peu de mains), Monero – une copie de Bytecoin résolvant le problème de pré-minage – a été lancé, officiellement et publiquement, le 18 avril 2014. Il a reçu un accueil très positif de la communauté des crypto-monnaies et est aujourd’hui l’altcoin reposant sur la technologie CryptoNote (de nombreux clones de Bytecoin et Monero ont vu le jour depuis) ayant l’avenir le plus prometteur.

Zerocash

Zerocash sera le descendant de Zerocoin, qui est une proposition de modification du protocole Bitcoin pour le rendre totalement opaque. Devant le manque d’enthousiasme des développeurs de Bitcoin pour effectuer une modification profonde du protocole, les chercheurs en cryptographie qui ont mis au point Zerocoin ont décidé de créer leur propre altcoin : Zerocash. La blockchain de Zerocash sera encore plus opaque que celle de Monero puisque même quelqu’un qui connaîtrait la totalité de vos adresses serait incapable de savoir la somme que vous avez sur ces adresses.

En contrepartie de cette prouesse technique, Zerocash a deux problèmes majeurs : il utilisera une technique cryptographique récente, ce qui, dans le merveilleux monde de la cryptographie, est un gros inconvénient. En effet, une technique de chiffrement est jugée sûre uniquement lorsque de féroces cryptanalystes ont essayé en vain de la décrypter pendant une ou deux décennies. Le temps est le juge de paix de la fiabilité des méthodes de chiffrement : plus l’on a eu du mal à casser une méthode dans le passé (c’est le cas des algorithmes utilisés par Bitcoin), et plus la probabilité est grande qu’elle restera inviolée encore longtemps dans le futur. Zerocash partira donc avec un statut de monnaie « cryptographiquement fragile ».

L’autre problème est que le mécanisme qui rend les transactions opaques doit nécessairement être initié par une tierce partie (concrètement, ce sera l’équipe de développeurs) à l’aide d’un mot de passe. Ce mot de passe permet à celui qui le connait de créer de nouvelles unités monétaires à volonté (ce dont personne ne s’apercevra, puisque la blockchain restera obscure pour quiconque n’a pas le mot de passe). Il faut donc que l’équipe de développeurs imagine un procédé d’initiation du mécanisme d’obscurcissement puis de destruction du mot de passe qui fasse naître suffisamment de confiance pour que les investisseurs et utilisateurs croient en l’impossibilité de créer des unités de zerocash à volonté (et donc croient à la pérennité de la valeur des unités monétaires).

Conclusion

Il y a des raisons de penser qu’à long terme l’altcoin le plus utilisé avec Bitcoin sera Monero. Il est pour l’instant moins bien évalué par le marché que Darkcoin car il est plus récent et a donc un déficit de réputation à rattraper. De plus, il se base sur un protocole entièrement nouveau à la différence de 98% des altcoins – ce qui rend son développement beaucoup plus lent. Notamment, il faut coder depuis zéro toutes les interfaces utilisateurs, et il est plus difficile techniquement pour les plateformes d’échanges de l’intégrer à la plateforme qu’une copie de BTC. Le manque de présence sur les plateformes d’échanges et la difficulté technique à utiliser le wallet entravent son adoption. Mais c’est un point positif du point de vue de l’investisseur long terme, car cela signifie qu’il y a un fort potentiel de hausse une fois que ces obstacles techniques temporaires seront surmontés.

Il sera temps de réévaluer cette analyse lorsque Zerocash – qui a lui aussi de très bonnes caractéristiques intrinsèques à faire valoir – verra le jour. Suivant la manière dont le marché acceuillera son lancement, il est possible qu’il prenne la pole positon actuellement occupée par Monero.

Sachez enfin que tous ces efforts pour rendre opaques les blockchains ne permettent pas de masquer l’IP des connexions Internet impliquées dans les transactions. Pour palier ce problème, ces projets prévoient à terme d’intégrer I2P – un réseau anonyme permettant de masquer les IP – à chacun de leur wallet respectif.
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