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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !

J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...

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Made in France, E14 : « Mireille l’abeille face au ratel étatique »

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Tranches de vie ordinaires en République Démocratique (et Populaire) Française, imaginées mais pas dénuées de réalité – Épisode 14 : « Mireille l’abeille face au ratel étatique »

Par h16 et Baptiste Créteur.

Comme l’ont prouvé les prix Nobels d’économie Martine Aubry et Lionel Jospin, le travail en France est un gros gâteau de taille fixe qu’il convient de découper en parts de plus en plus fines à mesure que le nombre de demandeurs d’emploi augmente. Mais attention : si on fait des parts trop fines, le travailleur se rabougrit, s’étiole, se fane et ne repousse plus. S’il faut un plafond, il faut aussi un plancher. Et c’est ce plancher que Mireille a récemment découvert.

D’ailleurs, ça tombe bien qu’on parle plancher, parce que Mireille s’en occupe très souvent. Mireille est de ces femmes courageuses qui ne rechignent pas à la tâche. Parce qu’elle aime rendre service et est, de son propre aveu, maniaque de la propreté, Mireille est devenue femme de ménage. Alors les planchers, ça la connaît.

Mais bon, même si elle aime le travail bien fait et la propreté impeccable, elle ne peut pas travailler à temps plein. Physiquement, à 53 ans, elle ne se sent plus la force d’abattre plus de 15 à 18 heures dans une semaine, ce que lui demandent ses cinq à six employeurs. En outre, elle dispose d’un petit revenu foncier, ce qui lui permet de boucler ses fins de mois. Ce n’est certes pas mirobolant, mais si on le lui demande, Mireille dira sans problèmes qu’elle est une femme heureuse : un travail qui lui plaît en qualité et en quantité, que demander de plus ?

retro vintage cleaning comic 50s ladyCependant, récemment, trois de ses clients sont partis en maison de retraite car, même avec son aide, ils ne parvenaient plus à affronter le quotidien. Porter une casserole d’eau quand on a de l’arthrose, signer une déclaration d’impôt pour la première fois de sa vie, monter les escaliers avec des rhumatismes et entretenir une maison, aussi petite soit-elle, ce n’est pas une mince affaire et Mireille en sait quelque chose. Et elle sait aussi que le plus dur, quand on vieillit, c’est la solitude et l’ennui ; alors, au lieu de s’apitoyer sur son sort, Mireille va régulièrement visiter ses anciens clients à la maison de retraite. Il n’en reste pas moins que sa charge hebdomadaire a diminué de moitié, et ses revenus ont sensiblement diminué. Et si la perspective de payer un peu moins d’impôt peut, éventuellement, adoucir la situation, Mireille se demande comment elle va s’adapter à ce changement de situation financière.

Un beau jour, alors qu’elle va chez son dentiste pour une visite de routine qui se transformera en ajustement d’un plombage (dont plusieurs euros seront remboursés par la sécurité sociale que le monde nous envie et qui grève si allègrement le salaire de l’industrieuse femme de ménage), Mireille discute sur le fauteuil réglable, qu’elle a toujours trouvé amusant. Entre le dentiste équipé de son masque et Mireille qui tente d’articuler avec les instruments dans la bouche, la conversation a un air comique, mais c’est très sérieusement que le dentiste lui propose de nettoyer son cabinet trois heures par semaine.

C’est inespéré pour Mireille : voilà qu’on lui propose un travail moins éreintant que chez des particuliers, qui comble en partie les heures récemment perdues, avec un salaire un peu meilleur ! Rarement visite chez le dentiste aura été plus agréable.

Rassurez-vous, nous sommes en France et la joie de Mireille sera donc de courte durée.

we can do itLe dentiste, préalablement à l’embauche de sa nouvelle femme de ménage, a consulté son expert-comptable pour les douloureuses questions de salaire. Ce dernier l’a donc naturellement informé d’une loi, qui le concerne en tant qu’employeur « non particulier » et qui entrera bientôt en vigueur, et qui portera la durée minimale hebdomadaire du travail à 24 heures. Lorsqu’il informe Mireille, elle est interloquée ; elle devra lire plusieurs fois les explications emberlificotées des sites internets barbouillés par l’administration pour comprendre exactement de quoi il retourne.

Mireille ne sait pas bien comment faire. D’une part, elle se voit mal astiquer le cabinet du dentiste 24 heures par semaine, la propreté a des limites. D’autre part, elle sent physiquement qu’elle ne pourra pas travailler plus. Sur le papier, cependant, la loi l’y oblige.

Renseignements pris, Mireille ne trouve malgré tout aucune solution. En plus, il n’y a pas beaucoup plus de gens qui ont besoin de ses services dans le voisinage, c’est-à-dire à moins d’une heure en voiture de chez elle… Et d’ailleurs, deux heures aller-retour pour une heure ou deux de ménage, le calcul économique n’est guère réjouissant.

Mireille ne baisse pas les bras. Elle qui aime se faire appeler « Mireille l’abeille » car elle est « travailleuse et sociable » ne veut pas devoir arrêter, contrainte par une loi mal boutiquée, abandonner ses clients et, pompon de l’affaire, vivre de subsides. D’abord, elle s’en est toujours sortie par elle-même et n’a pas l’intention de changer maintenant. Mais tout ceci finit par l’agacer : d’un côté, on la bassine sans arrêt avec le chômage, qui justifie toutes les ponctions, les taxes et les agitations politiciennes et de l’autre, ces mêmes agitations se traduisent par des lois … pour empêcher les gens de travailler comme ils l’entendent.

Heureusement, l’entrée en vigueur de la loi, initialement prévue pour le premier janvier 2014, a été repoussée de six mois. Mais quand elle lit que le gouvernement fait de cette loi un moyen de lutte contre la précarité, elle fulmine : c’est précisément à cause de cette loi en carton rédigée par une bande de bivalves accrochés à leur rocher républicain loin de toute réalité de terrain qu’elle va se retrouver dans la précarité, ou l’obliger à travailler bien plus que ce qu’elle aimerait, ou, tout simplement, pourrait. C’est parfaitement grotesque.

my cleaning ladyAussi grotesque, finalement, que ces salariés licenciés suite aux décisions prises contre le travail du dimanche. Mireille se demande pourquoi, alors que les Français butinent, l’État détruit leur vie et pille leur miel durement gagné. À ce rythme, non seulement elle va devoir renoncer au beurre, mais aussi aux épinards.

Mireille pourrait écrire aux députés et sénateurs, mais ça ne servira à rien, comme écrire au gouvernement ou pisser dans un violon : les politiciens n’écoutent pas les gens comme elle et n’ont aucune expérience de l’entreprise. Elle pourrait tenter de trouver un truc, pour échapper à cette loi débile. Mais plus probablement, elle ira travailler au noir. Ou, magie socialiste, plus du tout.

Merci qui ? Merci l’État !

Vous vous reconnaissez dans cette histoire ? Vous pensez qu’elle ressemble à des douzaines de cas relatés par la presse ? Vous lui trouvez une résonance particulière dans votre vie ? N’hésitez pas à en faire part dans les commentaires ci-dessous !
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