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Jean Aubignat

Jean Aubignat

Jean AUBIGNAT, ancien directeur juridique d’une multinationale et actuellement avocat d’affaires, est conseil dans de très nombreux dossiers dans les domaines de l’eau, de l’électricité, des déchets et des infrastructures en Europe et en Afrique. Il observe avec attention l’actualité financière et les tendances de fond de l’économie.

Une classe moyenne en croissance et optimiste

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Après vous avoir détruit le moral sur la situation des ménages du Monde Occidental, je vous parle aujourd’hui d’une partie du Monde où les gens sont (relativement) plus optimistes : l’Afrique.

Selon Boston Consulting Group, le consommateur africain a le sourire et souhaite acheter de plus en plus car il est optimiste sur son avenir !

L’étude est synthétisée ici (en anglais) :

Cela va paraître étrange à certains lecteurs.

Il est vrai que la vision occidentale de l’Afrique est très liées à ce que les médias véhiculent : la misère, la guerre civile, la dictature, la corruption, l’émigration illégale, etc. … .

Il est vrai que l’Afrique, c’est aussi cela, mais pas que cela.

D'abord, l'Afrique est en forte croissance économique par rapport aux pays occidentaux qui sont en bout de course.

Les chiffres des dernières années sont impressionnants, même si cette année, les chiffres sont moins bons du fait de la baisse des prix des matières premières.


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Ensuite, 
il y a maintenant en Afrique des millions de personnes éduquées, qui sont ambitieuses et veulent changer les choses (au moins pour eux et leur famille, ce qui est un bon point de départ pour entrainer dans un même mouvement toute la société).

Dans les villes mais aussi dans les campagnes, des millions de personnes travaillant pour la fonction publique, les ONG, les grandes entreprises œuvrant notamment dans les domaines de l’agriculture, des mines, des produits de consommations ou des équipements ont rejoint la « classe moyenne ».

Ces dernières années, de nombreuses études se sont penchées sur la question du développement d’une classe moyenne africaine.

Cependant, il n’y a pas consensus à ce sujet, pas même sur la définition.

L’Afrique, c’est une diversité de langues, de peuples, d’économies et de marchés, de monnaies et de ressources. Définir ce qu’est la « classe moyenne » à l’échelle du continent est une gageure.

Quelle est la définition de la « classe moyenne » africaine ?

Dans un rapport de 2011 intitulé « The middle of the pyramid: dynamics of the African Middle Class », la Banque africaine de développement (BAfD) a défini la classe moyenne comme étant composée d’individus dépensant entre 2 USD et 20 USD par jour.

A mon avis, c’est beaucoup trop large comme définition, ne serait-ce que parce que ce chiffre englobe 60 % des individus en Afrique.

La firme McKinsey définit les ménages appartenant à la classe moyenne comme ceux gagnant plus de 5.000 USD par an et ayant les ressources nécessaires pour réaliser des « dépenses discrétionnaires » (soit un niveau de revenu leur permettant de dépenser environ la moitié en biens/services de consommation, hors produits alimentaires).

La Standard Bank d’Afrique du Sud, dans une étude intitulée « Understanding Africa’s Middle Class » (2014) caractérise la classe moyenne comme les ménages gagnant entre 8 500 USD et 42 000 USD par an (la classe moyenne inférieure étant définie comme les ménages gagnant entre 5 500 USD et 8 500 USD par an et la classe moyenne supérieure comme les ménages gagnant plus de 42 000 USD par an).

Son étude sur les classes moyennes de 11 pays d’Afrique subsaharienne (Angola, Éthiopie, Ghana, Kenya, Mozambique, Nigeria, Sud-Soudan, Soudan, Tanzanie, Ouganda et Zambie), qui représentent à eux seuls près de la moitié de la population africaine et du PIB du continent, conduit à affirmer qu’entre 2000 et 2014 près de 6 millions de ménages ont été ajoutés à la classe moyenne pour atteindre un total de près de 8 millions de ménages.

D’après Standard Bank, le nombre de ménages appartenant à la classe moyenne est amené à tripler dans ces 11 économies pour atteindre 22 millions d’individus d’ici à 2030, porté par un contexte de croissance économique soutenue dans ces pays (de l’ordre de 5,8 % en moyenne sur la période 2015-2019 d’après le FMI).

Le phénomène n’en est encore qu’à ses débuts et il représente un potentiel énorme pour les investisseurs.

En effet, la classe moyenne africaine a embrassé le mode de vie occidental et son consumérisme.

Les nouveaux entrants dans le système économique expriment le souhait d’acheter davantage de biens et services avec une préférence pour les biens et services durables : habillement, automobiles, produits électroniques (télévision et téléphone), assurance et services de santé.

Groupe CFAO, leader de la distribution spécialisée, a réalisé en 2015 une étude sur cinq pays : le Nigeria, le Cameroun, le Kenya, la Côte d’Ivoire, et le Maroc.
Selon l’étude, 86% des personnes de la « classe moyenne » interrogées vont faire des courses dans les supermarchés. 9% font leurs courses sur Internet, surtout au Nigeria, qui est de plus en plus connecté, où le commerce en ligne fonctionne très bien. Par ailleurs, 39% des personnes interrogées sont déjà propriétaires de leur logement (au Maroc, ce chiffre est de 92%).

98% des personnes interrogées ont un smartphone, 73% ont un ordinateur pour aider aussi leurs enfants dans leurs études et possèdent une voiture à titre privé.

Le secteur bancaire se développe rapidement. Aujourd’hui, seulement 20 à 30 % de la population africaine a accès au système bancaire formel, ce qui signifie que la majorité de la population se trouve exclue du système financier. Mais des solutions d’e-Banking très performantes, basée sur le téléphone portable dont l’utilisation a explosé, sont rapidement mises en place pour atteindre le plus grand nombre. Boston Consulting rappelle que d'ici 2019, 250 millions d'Africains qui ne sont pas intégrés au système bancaire posséderont un téléphone portable et un revenu d'au moins 500 dollars par mois.

En Côte d'Ivoire uniquement, l'accès à Internet est passé de 200 000 abonnés en 2008 à 8 millions en 2016, grâce au réseau 3G.

Les grands distributeurs sont à l’affût : Carrefour souhaite installer une centaine de magasins d’ici à 2024 dans huit pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale. L’américain Wal-Mart ou le Sud-Africain Shoprite développent également leurs implantations en Afrique.

Les grands noms de la restauration rapide suivent à un rythme effréné sur le continent. En Afrique du Sud, par exemple, le développement de la classe moyenne noire fournit une clientèle de choix. En juin 2013, le géant du fast-food McDonald's opérait déjà 185 restaurants dans le pays.

Coca-Cola est là et bien là, dans tous les pays d’Afrique, même le Somaliland qui n’existe officiellement pas !

Comme l’affirment les présentoirs qu’on voit en Afrique dans les supermarchés, avec environ un milliard de consommateurs potentiels, il y a « un milliard de raisons de croire en l’Afrique » !


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Résultat, les Sud-Africains deviennent obèses et les pouvoirs publics taxent les sodas !

Il apparaît donc que, d’ici deux ans, l’Afrique pourrait devenir le second marché mondial recevant le plus d’investissements de la part des sociétés européennes de biens de consommation.

Est-ce qu’on a une idée de cela en France, où on diffuse à longueur de temps des reportages sur Boko Haram, les émigrants qui traversent la mer sur des bateaux pourris et la guerre au Sahel ?

Savez-vous que des Occidentaux sont actuellement refoulés régulièrement de pays Africains car ils y travaillent en situation irrégulière ? Que des milliers de Portugais ont quitté l'Europe, où il n'y avait pas de boulot pour eux, et sont parti s'installer en Angola et au Mozambique ?


Pour conclure, même si on ne doit pas passer sous silence les 47 % de la population d’Afrique subsaharienne qui vit sous le seuil de pauvreté (soit avec moins de USD 1.25 par jour pour vivre exprimé en parité de pouvoir d’achat), on doit prendre en compte qu’en 2040, la population africaine devrait atteindre 2 milliards d’habitants.

La « classe moyenne » largement définie pourrait alors représenter 900 millions de personnes, soit plus que celles de la Chine et de l’Inde réunies.

L’émergence de la classe moyenne africaine n’en est donc qu’à ses débuts. Elle s’accompagne de l’émergence d’une nouvelle classe de consommateurs et donc de nombreuses opportunités d’affaires.

Pour un capitaliste occidental ou asiatique, il n’y a finalement que cela qui compte vraiment : s’il y a des CONSOMMATEURS, alors on peut peut-être s’intéresser aux Africains !
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