Gabegie, impunités et condamnations dans la principale caisse de retraite des professions libérales
Fidèle à son exigence de complexité et d’opacité, en particulier en matière d’organismes de sécurité sociale, l’Etat a confié la gestion de l’assurance retraite des professions libérales à une nébuleuse d’organismes de droit privées. Investit d’une mission de service public et à but non lucratifs, ces organismes privés n’ont pas été désignés suite à un appel d’offre (comme d’ailleurs le RSI, l’URSSAF et les CPAM…). Il n’est dès lors pas étonnant que ces organismes soient des lieux de gabegie à coups et couts de millions d’euros, et d’impunité pour leurs dirigeants.La CNAVPL, Caisse Nationale Assurance Vieillesse des Professions Libérales, fédère les dix caisses de retraite des professions libérales, caisses aux libellés qui s’éructent plus qu’ils ne se prononcent (CARPIMKO, CIPAV, CAVAMAC, CARPV, CAVP, CARCDSF, CARMF, CAVOM, CRN et CAVEC).
Parmi ces caisses, trois d’entre elles (CIPAV, CAVEC et CAVOM) avaient jugées bons de se regrouper dans un étage supplémentaire du mille-feuilles social, le Groupe Berri, en y ajoutant pour faire bonne mesure l’IRCEC, caisse des artistes et auteurs. Le Groupe pèse alors 800.000 cotisants. Mi 2015 la CAVEC et l’IRCEC quittent le navire, ne laissant que la CIPAV (600.000 cotisants) et la CAVOM (4500 cotisants) dans le Groupe Berri.
Le Groupe Berri totalisant environ 80% des professions libérales à elle seule, a fait la une de la presse en cette fin d’année 2015, dans ce qu’il convient d’appeler l’affaire du Groupe Berri.
Le 4 novembre 2015, le Parisien annonce dans son article « L’incroyable dérive des caisses de retraite des libéraux ». On y apprend que les 2 directeurs du Groupe Berri, de 2006 à 2013, sont mis en cause devant le Tribunal Correctionnel de Paris pour leur gestion calamiteuse.
Citons pêle-mêle :
- 50M€ dépensés, notamment en informatique, sans règles ni contrôle ;
- 6.8M€ dépensés auprès d’un seul cabinet d’huissiers en 3 ans et sans appel d’offres ; cabinet qui envoyait d’ailleurs des mises en demeures illégales et pour lesquelles la CIPAV a dû indemniser ses adhérents ;
- 97M€ de cotisations non recouvrées à temps et prescrites à fin 2012 ;
- Encore 100M€ d’impayés de cotisations uniquement en 2014, par la simple absence d’une relance qui aurait permis de proroger pour 5 ans ses droits et sa possibilité de recouvrer ces créances selon une information donnée en CA par la direction de la CIPAV ;
Selon l’association de défense ARC-CIPAV, le préjudice minimum pour les adhérents CIPAV est compris entre 300 et 400 millions d’euros … et peut-être beaucoup plus. Or, les réserves de la CIPAV étaient en 2012, selon la Cour des Comptes de 2,1 Milliards d’euros.
C’est donc 14 % du patrimoine de la CIPAV qui a été dilapidé en quelques années, expliquant ainsi certainement pourquoi la valeur du point de retraite (donc la pension versée) a été divisé par deux en quatorze ans…
Pour revenir à nos 2 ex directeurs CIPAV mis en cause pour cette gestion calamiteuse, le Parisien nous apprend donc que l’affaire devait être négociée à huis clos dans le cadre d’un plaider coupable. Pour faire court, un petit arrangement entre amis, et sans vagues, était prévu. Ce qui a bien eu lieu.
En effet, le 4 décembre, la 13e chambre du tribunal correctionnel de Paris a validé la procédure du plaider-coupable et Le Parisien, nous apprend encore le 8 décembre que :
« Les prévenus ayant reconnu les faits, en dépit des sommes en jeu, le parquet a préféré la procédure du plaider-coupable à une vraie instruction. Il a donc proposé 15 000 € d’amende dont 5 000 avec sursis pour Saunier, et 12 000 € dont 8 000 avec sursis pour Durin, ainsi que deux mois de prison avec sursis pour chacun et… la non-inscription de cette condamnation à leur casier judiciaire. »
Cette non inscription au casier judiciaire permet donc à Jean-Marie Saunier de continuer à diriger tranquillement la CNAVPL, organisme de sécurité sociale !
Prochaine audience le 6 mai 2016, date à laquelle ll serait particulièrement choquant que la CIPAV, via son conseil d’administration, se refuse à se porter partie civile… mais rien n’est moins sûr au pays des petits arrangements entre amis de la Sécu…