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Guy Wagner

Guy Wagner

Je suis chief economist à la Banque de Luxembourg.

Dans mon blog, je commente les derniers développements sur les marchés financiers ainsi que mes évaluations sur leur future évolution.
Ces pages s’adressent aux investisseurs dans des fonds et actions avec un certain intérêt pour les marchés boursiers.


Mon parcours

Licencié en Sciences Economiques de l'Université Libre de Bruxelles, je rejoins la Banque de Luxembourg en 1986, où je fus successivement responsable des départements analyse financière et Asset Management. Depuis 2005, je suis administrateur-directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments.

Marchés financiers : destination inconnue

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"Economic activity depends on a degree of trust between strangers. Since money is the agent of exchange, it is the agent of trust. Debasing money therefore implies debasing the trust upon which social cohesion rests. Further debasement of money will cause further debasement of society." (Dylan Grice)   

Sur les marchés financiers, les deux derniers mois ont été surtout marqués par la décision de la Banque centrale européenne de procéder à un programme d’achat ‘illimité’ d’emprunts espagnols et italiens à courte échéance et par le nouvel assouplissement monétaire quantitatif de la Réserve fédérale. Entre la fin juillet et la mi-septembre, les marchés américain et européen ont ainsi progressé en moyenne de quelque 10 %, avec une hausse particulièrement importante pour les indices boursiers espagnol et italien ainsi que pour les valeurs bancaires.

Il importe de noter que si ces mesures ont entraîné une remontée des cours des actifs financiers, elles ne font rien pour résoudre les problèmes fondamentaux dans les pays industrialisés et pour remettre les économies de ces pays sur la voie d’une reprise durable. Au contraire, en maintenant le prix de l’argent à un niveau artificiellement bas, elles empêchent les ajustements nécessaires, entraînent une mauvaise allocation du capital, provoquent une montée des cours des matières premières et forcent les épargnants à la recherche d’un rendement à prendre des risques importants. Il n’est dès lors pas étonnant que les assouplissements précédents n’ont pas généré une amélioration durable de l’économie et il n’y a pas de raison de penser qu’il en sera différemment cette fois-ci. En l’absence d’une telle amélioration économique, il ne peut y avoir d’augmentation durable des bénéfices des entreprises, surtout à un moment où les marges bénéficiaires sont déjà très élevées. Sans augmentation durable des bénéfices, la remontée des cours boursiers ne peut pas être durable. A moins de penser que le niveau anormalement bas des taux d’intérêt et l’injection massive de liquidités justifient une hausse des multiples de valorisation à des niveaux nettement plus élevés. C’est le raisonnement implicite de ceux qui ont acheté dans l’attente des mesures annoncées par la Réserve fédérale.

Nous ne partageons évidemment pas ce raisonnement. S’il y avait une corrélation positive entre taux d’intérêt exceptionnellement bas et cours boursiers élevés, on peut se demander pourquoi le marché japonais est aujourd’hui près de 75 % en-dessous de son niveau de la fin des années 1980. L’histoire boursière montre au contraire que les multiples de valorisation des actions ont été les plus faibles lors des périodes où les taux d’intérêt étaient négatifs en termes réels comme c’est le cas actuellement. Ceci semble logique étant donné que des taux réels négatifs sont rarement le reflet d’une situation économique fondamentalement saine.

Dans notre stratégie d’investissement, nous n’envisageons dès lors pas de courir derrière une hausse des cours qui ne se justifie pas d’un point de vue fondamental. Les indicateurs économiques ainsi que les déclarations de bon nombre d’entreprises pointent au contraire vers un ralentissement relativement prononcé de l’activité économique.

L’environnement économique dans lequel nous nous trouvons est en fait exceptionnel. Alors que l’histoire économique peut en règle générale donner au moins quelques indications sur les développements auxquels nous pouvons nous attendre, de nombreux paramètres économiques sont aujourd’hui à des niveaux jamais vus dans l’histoire des 200 dernières années. Parmi ces paramètres, on peut noter le niveau de la dette publique et des déficits budgétaires dans les principaux pays industrialisés (et ceci juste avant que l’évolution démographique ne commence à fortement peser sur les finances publiques), l’explosion des bilans des banques centrales de ces pays (en valeur absolue et en pourcentage de leur Produit Intérieur Brut) et le niveau des taux d’intérêt à court et à long terme. A cela il faudrait ajouter une union monétaire en Europe qui ne fonctionne pas et qui commence à mettre en péril les acquis positifs de la construction européenne, un paysage bancaire en mauvais état mais disposant d’un lobby politique important lui permettant de s’opposer aux réformes nécessaires et un Etat-providence que la plupart des pays ne peuvent plus financer mais qu’il est extrêmement difficile de changer dans un système démocratique, du moins tant que l’objectif principal des personnes politiques est d’être (ré)élus. Face à cet environnement, les autorités ont choisi de suspendre les règles de l’économie de marché et de procéder à des politiques monétaires et fiscales qui ne font qu’augmenter les déséquilibres structurels. En aggravant encore l’écart de richesse entre riches et pauvres, elles fragilisent en outre encore davantage la cohésion sociale. Il est difficile de voir une issue favorable à un tel environnement.

De ce qui précède, il découle que les règles d’investissement traditionnelles, et plus particulièrement la distinction entre placements monétaires et obligataires comme placements sans ou à faible risque et actions comme actifs à risque, ne font plus de sens. Dans mon article du 16 mai, j’avais déjà écrit qu’il n’y a aujourd’hui plus de placements sans risque mais que les risques diffèrent selon les types de placement et l’horizon d’investissement. Pour les placements à revenu fixe, les risques encourus sont la perte de pouvoir d’achat (quasiment garantie à l’heure actuelle mais que la plupart des investisseurs semblent prêts à accepter, du moins tant que l’inflation officielle reste modérée) et la possibilité de ne pas être remboursé à 100 % au cas où l’on recherche des taux d’intérêt plus élevés. Dans le cas des placements boursiers, le risque est une perte d'une partie du capital. A noter cependant qu’il importe de distinguer ici entre perte temporaire ou définitive.

Une perte définitive sur un placement en actions, ou du moins une perte qui ne peut pas être récupérée dans un délai raisonnable, peut résulter de 2 facteurs : avoir acheté des actions d’entreprises de mauvaise qualité ou avoir acheté des actions de bonne qualité à un prix beaucoup trop élevé. Toutefois, la qualité des entreprises que nous achetons et les multiples de valorisation que nous payons figurent justement parmi les rares paramètres que nous pouvons contrôler en tant qu’investisseurs. Dans notre travail quotidien, il nous semble dès lors plus rationnel de nous concentrer sur l’analyse qualitative et la valorisation des entreprises que nous détenons en portefeuille ou dans lesquels nous comptons investir, plutôt que d’essayer de prévoir les actions des autorités monétaires et politiques. Ce faisant, nous devrions être à même d’éliminer, ou du moins de réduire autant que possible, le risque d’une perte durable dans nos investissements en actions.

Le risque d’une perte temporaire est par contre inhérent à un placement boursier. Un investisseur qui n’est pas prêt à le supporter, ne devrait jamais investir en actions.

En résumé, notre stratégie d’investissement est basée sur les dix constatations suivantes :

  1. D’une manière générale, les marchés obligataires sont peu attrayants. Ni les rendements spéculatifs offerts par les pays périphériques de la zone euro, ni les rendements faibles offerts par les pays plus solides de la zone euro ou par les grandes puissances économiques mondiales ne constituent des propositions d’investissement raisonnables en termes de profil risque/rendement. 

  2. Le faible attrait des placements à revenu fixe fait que les actions constituent le placement par défaut. D’autant plus que contrairement aux placements monétaires et aux obligations, les actions représentent des actifs réels.

  3. Les actions des autorités monétaires devraient entraîner une augmentation de la volatilité, avec une succession de périodes d’augmentation et de diminution de l’aversion au risque.

  4. Les périodes d’augmentation de l’aversion au risque sont, jusqu’à nouvel ordre, favorables au dollar et défavorables aux actions. La monnaie américaine constitue dès lors une sorte de couverture contre le risque actions.

  5. A l’intérieur des marchés boursiers, les actions d’entreprises de qualité payant des dividendes réguliers sont à privilégier.

  6. La situation économique des pays en développement est aujourd’hui à de nombreux égards meilleure que celle des pays industrialisés, ce qui plaide en faveur d’une pondération plus importante de ces pays dans un portefeuille.

  7. Il ne faut cependant pas confondre analyse macroéconomique et analyse microéconomique. La crise européenne ne devrait ainsi pas faire oublier l’existence d’un nombre important d’entreprises européennes de grande qualité et bien positionnées pour profiter notamment de l’émergence de l’Asie.

  8. Il en est de même pour les entreprises américaines.

  9. Les politiques monétaires actuellement menées pourraient à moyen terme entraîner un problème inflationniste majeur, ce qui plaide en faveur de l’or, respectivement des entreprises aurifères. L’explosion de l’offre potentielle d’euros, de dollars, de livres, de yens, de francs suisses et la faible augmentation de l’offre d’or plaide également en faveur d’une appréciation du métal jaune par rapport à ces monnaies.

  10. Au niveau de l’allocation devises, une diversification dans les monnaies de pays dont les fondamentaux sont supérieurs fait beaucoup de sens. C’est le cas notamment du dollar de Singapour, du dollar canadien et des monnaies scandinaves.


Guy Wagner

Source : http://www.guywagnerblog.com/fre/entry/marches-financiers-un-environnement-nouveau?utm_source=feedburner&;utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+guywagnerblog-fr+%28guywagnerblog-fr%29

 
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