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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

Charles-Sannat

« Enfin un premier pas pour maîtriser les produits dérivés… ! »

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Nombre de commentaires : 1 réaction
Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !

L’actualité est particulièrement riche ces derniers temps. J’ai décidé de m’arrêter aujourd’hui sur cette dernière information en provenance de l’ISDA qui est l’association professionnelle gérant l’ensemble des produits dérivés autour de la planète.

Attention, car à l’ère du copier-coller généralisée, lorsque vous lirez les différents articles consacrés à ce sujet, vous remarquerez qu’un stagiaire faisant une erreur de rédaction dans la dépêche initiale implique bien souvent que cette erreur soit recopiée à l’infini… (cela devant nous faire réfléchir sur la qualité de l’information disponible et de la nécessité impérieuse de toujours faire preuve d’esprit critique même lorsque c’est « vu à la télé »).

L’erreur concerne le montant des produits dérivés affiché à 7 000 milliards de dollars, ce qui est déjà beaucoup mais la réalité est encore infiniment plus grave puisque le montant des produits dérivés donné par la seule source officielle à savoir la BRI (la banque des règlement internationaux) fait état de plus de 720 000 milliards de dollars de produits dérivés (en montant notionnel certains s’annulant mais il est impossible d’avoir le chiffre de produits dérivés nets existants à travers la planète).

Oui, 720 000 milliards de dollars, certaines banques comme la Deutsche Bank dépassent à elles seules les 50 000 milliards de dollars d’exposition alors que le PIB de l’Allemagne est de largement moins de 4 000 milliards d’euros… C’est vous dire à quel point, que l’on parle de « bonne » ou de « mauvaise » finance, on peut considérer que le qualificatif le plus adapté serait de parler de finance devenue totalement « folle ».

Vous imaginez donc facilement que si une grande banque venait à connaître des difficultés, c’est l’ensemble de la planète et du système financier qui s’effondrerait.

Il devenait donc urgent de faire quelque chose surtout que le moment choisi pour le faire n’est pas anodin. Loin de là. Face au danger, les banques enfin se mettent d’accord pour tenter de se sauver elles-mêmes. Alors que nous sommes face à une crise des dettes souveraines sans précédent en « temps de paix », qu’un krach boursier nous menace, que les bulles immobilières partout dans le monde peuvent éclater à tout moment, que la possibilité d’un effondrement obligataire est tout à fait envisageable et que l’explosion de l’euro, loin d’être un fantasme, est un risque qui va revenir sur le devant de la scène, les difficultés qui nous attendent sont innombrables.

Accord bancaire pour sécuriser la finance

C’est dans ce contexte que cet article du Figaro nous a appris que « sous la pression des régulateurs, les grandes banques du globe se sont mises d’accord samedi pour sécuriser le système financier mondial en acceptant de renoncer à des droits dans des transactions de gré à gré. Dix-huit établissements américains, européens et asiatiques, parmi les plus importants de la planète, vont modifier les règles de fonctionnement du marché de quelque 7 000 milliards de dollars de produits dérivés afin d’éviter que la faillite de l’une d’entre elles ne provoque l’effondrement du système financier mondial, a indiqué dans un communiqué l’ISDA.
L’Association internationale des swaps et dérivés (ISDA) est l’organisme représentant le secteur. C’est elle qui mène les négociations avec les autorités de régulation ».

Lors de la faillite de Lehman Brothers, qui était un important intervenant sur le marché des produits dérivés, en septembre 2008 les contrats dérivés avaient été massivement débouclés provoquant ainsi une panique et le chaos sur les marchés financiers. C’est par ce phénomène de débouclage automatique des positions en produits dérivés de la Lehman Brothers que la crise s’est étendue à l’ensemble de la planète. Cela a été le facteur clef de contamination généralisée.

« Fait inédit, les grandes banques ont accepté d’abandonner le principe du débouclage automatique (« close out ») des contrats si une institution financière se trouve en difficulté, a indiqué dans un communiqué l’ISDA et cet accord entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2015. »

Ne doutons pas que, d’ici-là, le système tiendra peu ou prou, ce qui nous donne un indice supplémentaire du moment difficile que nous devrons affronter vraisemblablement au premier semestre 2015 avec la montée des taux américains si Janet Yellen (la « gouverneuse » de la FED à moins qu’on l’appelle la « gouvernante ») poursuit dans cette voie, ce que je persiste à avoir beaucoup de mal à croire tant cela reviendrait à créer volontairement une nouvelle crise qui pourrait parfaitement se terminer en effondrement systémique généralisé.

Quel est désormais l’intérêt des produits dérivés

Pour faire simple, un produit dérivé est un pari, ou une assurance sur un risque. Je m’assure du risque de faillite de la France par exemple. Le jour où la France fait faillite toutes les banques qui ont vendu cette assurance doivent passer à la caisse et payer le client. C’est ce que l’on appelle le débouclage automatique, où le paiement a lieu dès que le risque pour lequel on a pris un produit dérivé s’est matérialisé.

Revenir (de façon pertinente au demeurant) sur cette idée de débouclage automatique c’est en réalité supprimer l’exécution du contrat d’assurance acheté. En clair, y a-t-il encore un intérêt à acheter un produit dérivé et les banques ne sont-elles pas sous nos yeux tout simplement en train de mettre en place une réduction drastique des produits dérivés ? Je pense que c’est le cas et que les chiffres de la BRI en 2015 devraient montrer pour la première fois une diminution de ces montants astronomiques.

Pour notre information à tous, « les banques auxquelles va s’appliquer cet accord sont : Bank of America, Bank of Tokyo-Mitsubishi, Barclays, BNP Paribas, Crédit Agricole, Crédit Suisse, Citigroup, Deutsche Bank, Goldman Sachs, JPMorgan Chase, HSBC, Mizuho Financial Group, Morgan Stanley, Nomura, Royal Bank of Scotland (RBS), Société Générale, UBS, Sumitomo Mitsui et UFJ ». Il y en aura sans doute d’autres dans les prochains mois qui se joindront à la liste.

Cette décision historique est à la fois une excellente nouvelle et une nouvelle inquiétante. Excellente car pour la première fois depuis 2007 et que le système financier à enfanter de ce monstre que sont les produits dérivés nous voyons enfin poindre une législation restrictive. Inquiétante, car si les banques acceptent cela presque sans broncher, si elles acceptent de s’asseoir sur les milliards de profits que génère cette activité, c’est que nous dansons vraiment sur un volcan et les secousses que nous ressentons montrent bien qu’il peut rentrer en éruption à n’importe quel moment.

Préparez-vous et restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

Charles SANNAT

« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)

Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com.

« L’Assemblée nationale est toujours otage de Thomas THÉVENOUD qui est toujours député. Pensons à lui. Ne l’oublions pas. »

(Pour protester pacifiquement et avec humour, n’hésitez pas à reprendre cette formule en bas de tous vos mails, de vos articles ou de vos publications, il n’y a aucun droit d’auteur !!)

Source le Figaro ici

Précision: cet accord ne va s’appliquer qu’en cas de faillite d’une banque. Mais il est un premier pas vers le fait que l’intérêt des produits dérivés risquent d’être moindre. Au delà de cette limitation pouvant paraître limité, il est possible qu’en cas de risque systémique avéré cette possibilité soit utilisée par toutes les banques rendant les produits dérivés totalement inutile dans ce cas.


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1 Commentaire

  • Lien vers le commentaire hftrade lundi, 13 octobre 2014 11:07 Posté par hftrade

    attention a pas confondre notionnel et Market value dans le cas d'un derive. neanmoins ces chiffres sont hallucinants et en cas de debouclage de contrats (selon convention ISDA)


    par ailleurs le non debouclage automatique de ces derivés ISDA va entrainer un gros probleme de liquidite sur le marché


    en pratique en 2008 l'illiquidité de certains instruments sur le marché a provoqué de gros problemes pour certains fonds, incapables d'assurer une valorisation (ils sont obligés de faire du gating, cad que les epargants peuvent plus sortir leurs billes jusqu'a ce que la fumée retombe, bien longtemps apres)


    le fait de vendre dans un marché illiquide (firesale) entraine une perte car seuls quelques acteurs specialisés achetent encore avec une decote importante


    la solution la plus simple serait de reduire la taille de ce marché via regulation par les autorités. de plus on retrouve des derivés tres exotiques (valuation tres difficile) , et le risque est tres difficile a calculer egalement sur l'instrument, dans des fonds vendus au grand public par les banques francaises. il n'y a aucune justification (sauf la commission de la banque et des intermediaires) a detenir ces instruments dans un fonds grand public. certains gestionnaires de fonds n'ont meme pas une connaissance suffisante des ces instruments.


    de plus tout ceci indique que les grandes banques (qui ont mis ce systeme au point) ELLE-MEME N'ONT PAS CONFIANCE ! je ne sais pas si la population se rend tres bien compte en France elles ont cree un monstre qu'elle ne parviennent plus a maitriser