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Vincent Benard

Vincent Benard

Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et  de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !

L’encadrement des loyers, un mauvais coup contre Paris

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Drôle de pays. Une ministre fait voter une loi renforçant* l’encadrement des loyers (loi ALUR de Cécile Duflot) dans 11 métropoles « tendues ». Cette loi est aussitôt désavouée par le gouvernement suivant et abrogée sauf… à Paris, notre capitale. C’est donc ce 1er Août que les arrêtés d’encadrement des loyers à Paris (PDF) entrent en vigueur.

 
Ce contrôle renforcé interdira au locataire de faire varier le loyer au-delà de 20% de la moyenne du marché calculée par les services du ministère, quartier par quartier. Le bailleur doit se connecter au site internet officiel (http://www.referidf.com/ ), et en déduire sa fourchette admissible. S’il dépasse la borne des 20%, son locataire pourra en théorie le contraindre à ramener son loyer dans la fourchette considérée. Les dérogations sont possibles pour les biens « remarquables », mais il y a fort à parier que l’administration fera tout pour pinailler sur les critères d’obtention de ces dérogations.

 
Les défenseurs du dispositif affirment qu’il est calqué sur celui en vigueur en Allemagne, où il n’y a pas de pénurie locative ni flambée des coûts immobiliers. Et après tout, aujourd’hui, 20% autour de la moyenne du marché, cela concerne à peu près 90% des logements, cela n’abaisse donc le revenu que marginalement que pour quelques propriétaires de biens de qualité supérieure.
 

Encore un signal négatif pour les investisseurs


Ce raisonnement oublie plusieurs choses. Tout d’abord, la démographie allemande n’est pas la nôtre et la pression côté demande y est plus faible que chez nous.


Plus substantiel, le propriétaire bailleur devra évaluer quelques risques supplémentaires : le montant du loyer moyen au m2 sera-t-il toujours calculé honnêtement par les services publics, ou ceux-ci devront-ils le manipuler à la baisse sur injonction du politique ? Après tout, entre 1918 et 1948, les réévaluations des tarifs normatifs furent bien trop faibles et contribuèrent à abaisser les rendements locatifs, tuant l’investissement du même nom.

Le marché de la construction neuve à Paris Intra Muros, déjà très peu actif, envoie donc un nouveau signal négatif aux épargnants. Quant aux propriétaires de biens vacants, ils ne verront dans l’encadrement aucune incitation à remettre ces biens sur le marché, bien au contraire. La question la plus complexe est d’anticiper les réactions de propriétaires de logements locatifs existants.

Le contrôle, une bénédiction pour les propriétaires de mauvais logements ?


Les propriétaires de biens « de qualité » risquent de les retirer du marché locatif résidentiel. Du coup, les propriétaires de biens « moyens », n’ayant plus à subir la concurrence des biens supérieurs, risquent de tenter de fixer le loyer un peu plus haut, en se rapprochant de la barre de +20%, tirant également vers le haut les loyers des logements de qualité inférieure. Le contrôle « Duflot » pourrait donc aboutir à un effet inattendu par ses promoteurs, à savoir une hausse des loyers des logements standard ou médiocres, et un resserrement en dessous du plafond fixé par le législateur… Ce qui incitera ce dernier à manipuler les valeurs de référence pour ne pas froisser les locataires, majoritaires dans la capitale.

Dans tous les cas, les propriétaires de logements moyens ou médiocres n’auront guère d’incitation à investir pour les améliorer, puisqu’ils n’en tireront aucun avantage en termes de loyer. Et si les valeurs moyennes subissent le traitement politique que j’anticipe, cette incitation à la « déshérence » sera encore augmentée. Le parc locatif parisien n’est déjà pas le moins vétuste de France, cela ne risque pas de l’arranger.

La proche banlieue pourrait elle profiter de ce micmac ? Rien n’est moins sûr. La peur de voir le contrôle s’étendre au-delà de Paris Intra-muros, dans les limites géographiques de la nouvelle Métropole du Grand Paris, pourrait également y freiner l’investissement locatif neuf.
 

Conclusion

Quoi qu’il en soit, à long terme, les effets du renforcement de l’encadrement des loyers sur la disponibilité, la qualité du parc de logements et sur le renouvellement urbain de notre capitale seront, au mieux, négatifs, au pire, catastrophiques. Et ce, sans que le pouvoir d’achat des locataires n’en soit amélioré. Au contraire, les nouveaux entrants sur le marché du logement auront les pires difficultés à trouver des logements dignes de ce nom. Le contrôle des loyers est une mesure démagogique et simpliste qui n’a jamais produit d’effet bénéfique nulle part. Mais lorsque les dégâts en seront perceptibles, tous les promoteurs de ce fiasco annoncé auront depuis longtemps refilé les problèmes qu’ils auront engendrés à leurs successeurs…

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* Nb. Il est faux de dire que la loi Duflot « met en place » un encadrement des loyers. Celui-ci existe déjà, car si le loyer est libre à la signature, son évolution annuelle est strictement encadrée par les lois en vigueur.

 
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