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H16

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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !

J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...

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Continuons de nous acharner sur AirBnB

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Torpeur de l’été où tout le monde (ou presque) est en vacance et ne s’occupe de rien : les équipes de rédaction doivent absolument trouver des sujets pour alimenter leurs journalistes et leurs éditions quotidiennes. Oh, bien sûr, l’un ou l’autre attentat pourra occuper la chronique, mais les terroristes font aussi des pauses. Heureusement, en France, il y a toujours au moins un sujet qui rassemble : celui des impôts, notamment des multinationales. Et ça tombe bien, Bercy vient de faire fuiter celui d’AirBnB. Stupéfaction : il est tout petit.

Cela aurait pu être vu comme une excellente nouvelle. On aurait pu lire, ici ou là, de dithyrambiques titrailles joyeuses sur le mode « La France, paradis fiscal » d’articles amusés prouvant dans le détail qu’on peut très bien entreprendre en France et payer peu d’impôts, même si le pays est la première destination touristique au monde et alors même qu’il est réputé pour être le plus vexant au plan fiscal.

Cela aurait pu être présenté comme une opportunité économique, destinée à montrer à tout le monde que non, l’État français n’est pas jaloux de la réussite de business-models nouveaux et décalés, qu’il comprend qu’en laissant s’épanouir les initiatives, il récupère largement sa mise par les taxations indirectes : ce qu’il ne touche pas en impôts, il le touchera en dépense des nombreux touristes venus profiter des douceurs du pays, après tout…

Eh bien non.

Fiscal Park

Finalement, ce sera l’approche standard, celle qui consiste à hurler à l’indécence, à l’évasion fiscale, au vol des classes laborieuses par les multinationales américaines capitalistes sans freins ni lois assoiffées de profits : Le Parisien ouvre le bal en titraillant d’un « Airbnb : géant du Net, petit contribuable » vaguement outré qu’on puisse ainsi engranger tant de profits sans verser son obole citoyenne.

Le Figaro, pas en reste pour un cachou, relance d’une révélation sidérante en détaillant que « Comme de nombreuses multinationales, Airbnb a recours à un montage financier complexe pour payer le moins d’impôts possible en Europe. »

Le Monde quant à lui explique doctement que « le site de location de logements entre particuliers ne fait rien d’illégal mais pratique l’optimisation fiscale », mais – pire que tout – rappelle qu’alors que l’activité du site a explosé en France ces dernières années, « la plate-forme a même réussi, grâce à des techniques comptables, à payer en 2015 moins d’impôts que l’année précédente ».

Optimisation fiscale ?! Montage financier complexe ?! Rien d’illégal et l’entreprise dispose même de comptables compétents au point de faire baisser la note ?! Mais c’est intolérable ! Roooh, quelle bande de salopards !

En réalité, tout le monde sait qu’on devrait plutôt faire des montages financiers complexe pour en payer le plus possible, histoire d’être humanisto-compatible, n’est-ce pas ! Après tout, le but des entreprises est de faire du social, de créer de l’emploi, ne serait-ce qu’en pure perte, d’occuper les gens et de leur verser un salaire rondelet en l’échange de leur seule présence, c’est connu. Il n’est pas question que les actionnaires d’une entreprise espèrent un jour toucher des dividendes (et puis quoi encore ?) et surtout, que l’entreprise dans laquelle ils ont mis de l’argent fasse un jour des profits – horresco referrens.

philosoraptor taxes

Le profit est, comme chacun sait, la racine du mal, ce mal abominable qui ronge la société occidentale et qui propulse méchamment les classes laborieuses vers la richesse, qui incite violemment les uns et les autres à se dépasser et qui provoque innovations, abondance, prix bas et mort du petit cheval. C’est une horreur, alors que les efforts consciencieux pour ne surtout faire aucun profit permettent de s’approcher tous les jours un peu plus de la société rêvée comme on peut le constater à Cuba, en Corée du Nord ou au Venezuela où le profit, justement, est âprement combattu.

Apparemment, il ne sert à rien de lutter efficacement contre le chômage qui, chafouin de sort, continue d’augmenter ces derniers mois, mettant en péril la candidature de l’actuel président, pourtant si sûr de pouvoir parvenir à inverser cette courbe. Dès lors, plutôt que chercher des moyens de remettre des gens au travail, plutôt que comprendre que seules les entreprises privées permettent de créer des emplois, les bureaucrates de Bercy, les médias – qui ont relayé la fuite commode du ministère des finances sur ce contribuable si particulier – et une partie de l’opinion à leur suite redoublent d’efforts pour, enfin, parvenir à ponctionner l’impétrant.

Cela fait plusieurs années que les tentatives se multiplient contre ces méchantes entreprises qui échappent à l’impôt. Airbnb n’est qu’une parmi Google, Apple, Facebook, Amazon, etc… Devant l’échec répété à parvenir à leurs fins, on pourrait croire que les gouvernements qui se succèdent auraient fini par laisser tomber, mais il n’en est rien.

Il faut dire que ces compagnies représentent plusieurs critères impossibles à oublier pour les politiciens et la classe jacassante en général : ce sont, très globalement, des entreprises américaines qui réalisent des chiffres d’affaires mondiaux et des profits de plus en plus colossaux. À mesure que les dettes publiques explosent suite à une gestion calamiteuse des deniers publics, l’attrait d’aller piocher dans ces juteux bas-de-laine se fait plus fort. Leur caractère étranger permet ensuite de jouer sur la fibre européenne voire patriotique : on feint de protéger nos entreprises en cognant assidûment les étrangères.

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Mais surtout (et cela est d’autant plus vrai pour les plus récentes d’entre elles), les fortunes qu’elles ont générées sont extrêmement récentes. Cela implique que les dirigeants de ces entreprises, au contraire des sociétés plus âgées, n’ont pas encore eu le temps de s’accointer avec les politiciens européens, français en particulier. Autrement dit, le politicien lambda aura d’autant plus de facilité à réclamer des mesures de rétorsions (aussi iniques soient-elles) qu’il n’aura jamais pu être personnellement séduit par ces entreprises, trop jeunes pour avoir eu le temps de les charmer.

Quoi qu’il en soit, l’affaire est dans le sac : moyennant un peu de campagne de sensibilisation dans les médias, quelques articles gravement atteints de journalimse, on obtiendra un fort assentiment des populations (il suffit de lire les commentaires consternants de bêtise et de jalousie des articles consacrés pour s’en convaincre) et il ne restera plus qu’à mettre en place les ultimes mesures pour récupérer l’argent où il se trouve.

Oh, ne vous trompez pas, ce ne sera pas en taxant les activités et les montages parfaitement légaux d’AirBnB. Suite aux cris de rage de nos Français outrés par ces abominables optimiseurs fiscaux, gageons que l’État s’en prendra… aux Français eux-mêmes.


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