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Le financier investisseur doit se focaliser sur la création de valeur et non l'opérationnel

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J'avais hier un déjeuner passionnant avec un entrepreneur à ma cantine habituelle (l'Auberge DAB à la Porte Maillot). Je ne peux malheureusement pas dire ici de quel secteur il s'agit, mais peu importe, le point ici est juste de mettre l'accent sur l'importance de disposer de la bonne offre.

Son business plan le fait passer de 25 à 100M€ en quelques années, et franchement, je le crois ! Quand je vois que nous aussi avec IS/MotoBlouz on ne devrait pas être trop loin de ces 25M€ de CA en 2011, je me disais "wow", si je pouvais faire pareil...

Pas de secret, pas de miracle et pas non plus de croissance externe pour expliquer ce quadruplement : il dispose juste d'un produit "killer", sur un marché large, qui me semble correspondre parfaitement à ce que souhaite la clientèle, et jouissant d'un fort avantage concurrentiel tant au niveau des spécifications que du prix.

Ce qui me fait penser à une chose : on passe beaucoup de temps à se poser des questions d'organisation, de process, d'optimisation, alors que bien souvent l'énorme levier sur le CA réside, très logiquement et tout simplement, dans le fait de disposer d'une offre béton, supérieure à la concurrence, hautement désirable.

Evidemment que rechercher à optimiser l'organisation et les process est nécessaire, mais il s'agit aussi de mettre les priorités au bons endroits ! Fix the product first, then tackle the rest ! C'était la devise du regretté Nicholas Hayek, fondateur du groupe Swatch et redresseur de l'industrie horlogère suisse, sur laquelle il insistait dans le livre "Au dela de la Saga Swatch". J'en avais parlé il y a quelques années mais je ne retrouve plus le post. Du bon sens...

 Le meilleur exemple, en tout cas le plus médiatique, est aussi certainement Apple, qui est passé de 5 ou 6Mds$ de CA en 2001 à plus de 60Md$ en FY2010. Du x10, généré par une série de produits killers, l'iPod, puis l'iPhone, puis maintenant l'iPad (déja quelques milliards de CA sur fiscal 2010 et peut-être pas loin de 20Mds$ en Fiscal 2011).

Ce qui n'empêche pas Apple d'être aussi redoutablement efficiente, grâce à un super COO (Directeur Général), Tim Cook, qui gère l'entreprise au quotidien pendant que Steve Jobs est lui surtout extrêmement impliqué dans le développement produit ainsi que les grandes négociations (opérateurs téléphoniques, studios, majors, etc).

Le 1er focus de l'entrepreneur, et pas seulement, est bel et bien de se demander ce que veut vraiment le marché, où est d'ailleurs celui-ci, et d'arriver à lui proposer une offre différençiante jouissant de superbes avantages concurrentiels.

Je crois que beaucoup de maux en entreprise viennent du fait qu'elles oublient progressivement, plus ou moins fortement, plus ou moins rapidement, les bases mêmes du business : apporter aux clients d'un certain segment ce qu'ils veulent vraiment, et ce bien mieux que les concurrents !

Demandez-vous avant tout, très simplement, pourquoi vos prospects viendraient et vos clients reviendraient acheter chez vous, plutôt que chez vos concurrents ? Quelles sont les bonnes raisons que vous leur donnez pour cela ? Votre offre est-elle vraiment meilleure, et si oui pourquoi et comment, moins chère, plus fiable, plus ceci, moins cela, etc ?

Les entreprises oublient souvent ces bases lorsque dans l'organisation les "hommes produit" sont éclipsés. Quand une entreprise est gérée uniquement par des financiers, des VCs, des gestionnaires et des administratifs, des hommes du process, elle ne peut pas aller très loin car elle s'écartera des fondamentaux ! Le financier doit contrôler son actif et se demander comment créer de la shareholder value, le gestionnaire et l'homme de process doit resserer, streamliner et fluidifier l'organisation, mais le vrai levier sur le CA vient bel et bien de l'homme proche du marché et du produit.

Si on fait passer les questions relatives à l'organisation et au process avant les questions fondamentales concernant l'offre elle-même et sa compétitivité, on fait fausse route, on se fourvoit. Et c'est ce qui arrive lorsque les adminsitratifs et financiers prennent le pouvoir.

Cela me fait d'ailleurs penser au Groupe de restauration des Frères Blanc à Paris, une douzaine de grandes brasseries, la chaîne Chez Clément : à l'époque des 2 frères fondateurs, des pro de la restauration, l'entreprise était en pleine croissance et très rentable. Reprise par des financiers (le CDC), qui ont initialement mis à la tête un administratif et l'entreprise - et notamment la chaîne "Chez Clément" - n'était plus que l'ombre d'elle-même : une carte inadéquate, un service qui n'a plus rien à voir...et des restaurants jamais plein alors qu'avant il fallait faire la queue... Extait du Guide Lebey 2011, au sujet de la Brasserie Lorraine (dans le Groupe) : "que se passe t-il dans cette somptueuse brasserie de la Place des Ternes ? Service lamentable, non dirigé, cuisine très médiocre...". Ou encore au sujet de Charlot Roi des Coquillages, place Clichy : "carte poissonnière réalisée de manière irrégulière...". Et encore pour la Fermette Marbeuf (rue Marbeuf) : "notre dernière visite fut une déception...". Une coincidence que ces 3 restaurants du Groupe reçoivent ce genre d'appréciation ? Je ne crois pas !

J'avais évoqué le problème des financiers dans la restauration en janvier dernier. En redonnant la quote d'un patron de brasserie : "ceux qui ne sont pas proches de leur clients voient aujourd'hui leur chiffre d'affaires baisser de 30% !". Cette loi est évidemment loin d'être uniquement valable en restauration !

A noter aussi que Warren Buffet gère son conglomérat de 100 sociétés et plus 200.000 employés, dans des secteurs extrêmement variés, depuis le transport ferroviaire de marchandises (Burlington Northern, sa plus grosse acquisition), l'énergie (MidAmerican), le retail (Borsheim, Nebraska Furniture Mart), l'aviation civile (NetJets), la presse (Buffalo Evening News), etc, avec...seulement 15 personnes au siège à Omaha !

Clairement, il n'entend pas gérer à la place des hommes sur le terrain. Le gameplan consiste à investir dans un bel actif et avoir un top manager à la tête, à qui il donne sa confiance et le laisse gérer librement (sauf l'utilisation du cash). Ce qui ne l'empêche pas de remplacer le manager quand ce dernier ne lui donne pas toute satisfaction, ie le fondateur de NetJets évincé au profit de David Sokol, ou son influence pour remplacer le CEO de Coca Cola dans le passé (dans laquelle Berkshire Hathaway est un actionnaire important mais très minoritaire).

Warren Buffet est très hand-off concernant l'opérationnel, mais extrêmement hands-on concernant l'utilsation du cash et la création de shareholder value. C'est tout à fait comme cela que je conçois le rôle d'un financier.

Evidemment, être proche du marché et du produit c'est être proche du consommateur et intimement comprendre sa psychologie, ses besoins, ses souhaits, ses contraintes, ses craintes, les compromis qu'il est prêt à faire ou à ne pas faire, ses comportements, ses alternatives, etc !

Ce pourquoi je pense que l'Atelier Ecoute Clients - le 1er étant prévu pour janvier 2011 (date à fixer encore) , est vraiment capital sur le plan stratégique, car il concerne le coeur même de l'entreprise !

 

Michel DE GUILHERMIER

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