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Guy Wagner

Guy Wagner

Je suis chief economist à la Banque de Luxembourg.

Dans mon blog, je commente les derniers développements sur les marchés financiers ainsi que mes évaluations sur leur future évolution.
Ces pages s’adressent aux investisseurs dans des fonds et actions avec un certain intérêt pour les marchés boursiers.


Mon parcours

Licencié en Sciences Economiques de l'Université Libre de Bruxelles, je rejoins la Banque de Luxembourg en 1986, où je fus successivement responsable des départements analyse financière et Asset Management. Depuis 2005, je suis administrateur-directeur de BLI - Banque de Luxembourg Investments.

Grèce, Chine et cetera : point sur notre stratégie d'investissement

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Après une forte progression au premier trimestre 2015, la plupart des marchés boursiers ont enregistré un léger recul depuis avril. La remontée des taux obligataires, la perspective d'un resserrement monétaire aux Etats-Unis et les incertitudes entourant l'avenir de la Grèce et la croissance économique en Chine ont notamment contribué à rendre les investisseurs plus nerveux et à augmenter leur aversion au risque.

Evolution des marchés boursiers depuis le début de l'année :


Un environnement inchangé

Nonobstant cette volatilité accrue, peu de choses ont changé dans l'environnement économique et financier. Tradition oblige, le Fonds monétaire international vient de revoir à la baisse ses estimations de croissance, citant cette fois-ci le 'fléchissement inattendu en Amérique du Nord'. Cette révision ne fait qu'illustrer les freins structurels qui pèsent sur la croissance et qui pointent vers un taux de croissance nettement inférieur à la moyenne historique dans les années à venir. Dans un tel contexte, une remontée durable des taux d'intérêt n'est en principe pas à l'ordre du jour. Le niveau bas des taux d'intérêt continuera quant à lui à rendre caducs les principes ayant par le passé guidé l'allocation d'actifs entre actions et obligations.

Parmi ces principes figure en premier lieu celui qui consiste à  considérer les actions comme actifs à risque et les obligations (tout du moins les emprunts d'Etat) comme actifs sans risque (ou à risque très faible). En temps normal, un environnement comme celui que nous connaissons actuellement, marqué par des incertitudes économiques, un système financier fragile, une croissance faible et une inflation contenue plaiderait ainsi pour une allocation consistant à privilégier les obligations par rapport aux actions. Aujourd'hui, la situation est cependant telle que pour obtenir encore un rendement tant soit peu attrayant au niveau obligataire, il faut faire des concessions importantes au niveau de la qualité du débiteur. Or, faire ce genre de concessions dans un monde marqué aussi bien par un surendettement que par une faible croissance (qui réduit la capacité à pouvoir servir cette dette) peut s'avérer très dangereux. Il revient en fait à remplacer un risque de volatilité par un risque de perte définitive (sur les marchés obligataires, on a par définition affaire à des entreprises plus ou moins fortement endettées). En matière d'investissement, la volatilité n'est pas la meilleure définition du risque. 

Priorité aux actions mais avec des attentes de rendement réalistes

Au niveau des placements financiers, il n'y a donc a priori pas d'alternatives aux actions, du moins tant que leur valorisation ne devient pas absurde. Où en est-on justement sur ce point? En réalité, selon le ratio pris en compte, il est possible d'arriver à la conclusion que les actions sont bon marché, chères ou quelque part entre les deux. Tout d'abord, il est évident que toute méthode de valorisation basée sur le niveau actuel des taux d'intérêt fait apparaître les actions comme étant sous-évaluées. Ensuite, et en généralisant quelque peu, les ratios utilisant les bénéfices actuels ou estimés pour les 12 mois à venir montrent que la valorisation des actions est proche de la moyenne historique. Enfin, par rapport aux chiffres d'affaires, fonds propres, valeur de remplacement des actifs ou bénéfices normalisés, les actions apparaissent chères. La conclusion de tout ceci pourrait être que le rendement à attendre des actions dans les années à venir sera inférieur à la moyenne historique sans que les marchés boursiers ne doivent pour autant nécessairement enregistrer un déclin majeur.

Une allocation d'actifs stratégique entre actions, obligations et liquidités ne peut dans les conditions actuelles que faire la part belle aux premières. Ceci vaut même pour des portefeuilles dont l'objectif consiste à générer des revenus récurrents plutôt que des plus-values en capital. Comme le disait récemment Glenn Stevens, gouverneur de la Banque centrale d'Australie, la grande question est de savoir comment un flux adéquat de revenus pourra être généré pour les retraités du futur dans un monde où le rendement offert par les placements traditionnellement considérés comme faiblement risqués est tellement bas. La réponse est qu'il n'y a pas de solution miracle et qu'il faudra être prêt à prendre plus de risques pour obtenir le rendement désiré.

Une gestion active combinant qualité et dividendes

Il ne faudrait cependant pas voir dans ce qui précède un plaidoyer pour une gestion passive. Il est vrai qu'étant donné le niveau historiquement bas des taux obligataires, de grandes modifications au niveau de la pondération des différentes classes d'actifs (augmenter/réduire les actions au détriment/profit des obligations) se justifient peu, à moins de vouloir miser sur l'évolution à court terme de ces classes d'actifs. Ce genre de market timing est néanmoins toujours un exercice aléatoire, même s'il semble constituer la préoccupation principale de bon nombre de gestionnaires (ou de leurs clients). Les fluctuations des marchés sur les dernières semaines au gré des nouvelles sur la situation grecque illustrent bien la futilité de cet exercice. Quelques mouvements journaliers un peu plus importants à la hausse comme à la baisse, mais un marché dans l'ensemble quasi-inchangé. Des changements dans l'allocation entre actions et obligations basés sur des éléments plus tangibles telle que la valorisation relative de ces deux classes d'actifs sont par contre difficilement envisageables, tant celle des obligations est peu attrayante. A moins qu'une valorisation particulièrement excessive ou des perspectives très défavorables d'évolution des bénéfices ne laissent entrevoir un rendement négatif pour les actions. Nous n'y sommes pas encore.

Une gestion active se justifie toutefois d'autant plus à l'intérieur des classes d'actifs, et notamment des actions. Dans la mesure où l'environnement économique et financier reste fragile, il est notamment important de ne pas faire de concessions au niveau de la qualité des entreprises dans lesquelles on investit. A cet égard, et afin d'éviter de tomber dans des platitudes (après tout, quel gestionnaire affirmerait qu'il achète des entreprises de mauvaise qualité), il importe de revenir sur ce qui définit une entreprise de qualité. Par entreprise de qualité, nous entendons une entreprise qui dispose d'un avantage compétitif durable qui lui permet de se différencier de la concurrence et de créer des barrières à l'entrée sur ses marchés. Ceci permet à ces entreprises de mieux contrôler leur destin et de capitaliser sur leurs forces, créant ainsi un cercle vertueux. Ces entreprises se caractérisent par un rendement sur fonds propres élevé, un endettement peu important et une faible intensité capitalistique. Il importe de noter que dans le contexte actuel, l'écart entre le rendement sur fonds propres de ces sociétés et leur coût de financement est particulièrement grand, justifiant théoriquement des multiples de valorisation nettement plus élevés.

Un deuxième thème d'investissement, étroitement lié à celui de la qualité, est celui des dividendes. Une des stratégies d'investissement ayant produit les meilleurs résultats sur le long terme consiste à acheter des entreprises combinant dividende élevé et faible taux de distribution des bénéfices. Le niveau élevé du dividende rend ces entreprises particulièrement attrayantes pour les investisseurs à la recherche de revenus récurrents, alors que le faible taux de distribution rassure sur le caractère soutenable de ce dividende, voire de son potentiel d'augmentation.

Agir de manière anticyclique avec un horizon d'investissement suffisamment long

Un autre aspect lié à la gestion active consiste à mettre à profit les fluctuations des cours boursiers pour vendre/réduire une position lorsque sa valorisation devient excessive et pour acheter/augmenter une position lorsque sa valorisation devient attrayante. Pour obtenir des rendements plus élevés que la moyenne, un investisseur doit en effet être prêt à agir de manière anticyclique. Une façon de le faire est de rechercher des entreprises dont le cours a beaucoup baissé, d'analyser les raisons à l'origine de cette baisse et de se faire une idée sur la validité de ces raisons et, le cas échéant, leur caractère durable. A titre d'exemple, la récente chute du marché chinois a entraîné dans son sillage un certain nombre d'entreprises asiatiques de qualité dont les cours actuels offrent des opportunités attrayantes pour un investisseur à long terme.

C'est au niveau de ce troisième aspect que nous sommes intervenus dans nos portefeuilles au cours des dernières semaines à la suite des fluctuations provoquées par la Grèce et la Chine. Outre les valeurs de qualité en Asie, des opportunités sont entre autres également apparues dans les secteurs de l'énergie et de la technologie. Nous avons dès lors procédé à des prises de bénéfice sur certaines positions dont le cours s'est nettement apprécié et investi le produit de ces prises de bénéfice dans ces valeurs délaissées. Ce faisant, nous avons diminué le profil risque de nos fonds, même si l'allocation d'actifs n'a pas été fondamentalement modifiée.

A noter enfin qu'agir de manière anticyclique nécessite un horizon d'investissement suffisamment longpuisque cette façon d'investir consiste à acquérir des valeurs qui n'ont pas la faveur de la grande majorité des investisseurs. C'est justement pour cette raison que leur valorisation est attrayante. Il serait illusoire de penser que cette majorité change d'avis et fasse remonter le cours du titre immédiatement après que nous l'avons acheté. Au contraire, ce cours va souvent encore baisser davantage et peser temporairement sur la performance (mais nous donnant la possibilité d'augmenter la position). Le lot d'un investisseur contrarian est généralement d'acheter (et de vendre) trop tôt.  Il faut laisser le temps au temps.
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