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Georges Kaplan

Georges Kaplan

Georges Kaplan ne s’appelle – de toute évidence – pas vraiment Georges Kaplan puisque Georges Kaplan est un leurre. Né en 1975 dans une grande ville du sud de la France qui fût autrefois prospère grâce à son port, Georges Kaplan a principalement quatre centres d’intérêts dans la vie : sa famille, la musique, les bateaux (à voile) et l’économie. Ceux qui le connaissent considèrent Georges Kaplan comme un « libéral chimiquement pur » qui pense pour l’essentiel s’inscrire dans la tradition de la pensée libérale classique française et celle de l’école autrichienne d’économie. Il gagne honnêtement sa vie sur les marchés financiers et passe le temps en publiant des articles sur son blog http://ordrespontane.blogspot.com/

L'Etat n'a aucun rôle à jouer dans le mariage - ses interventions ne sont parvenus qu'à détruire ce qui marchait si bien depuis des millénaires

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Je suis bien incapable de vous donner une date précise – c’était un dimanche matin, à la fin de l’été 1999 – mais je me souviens de cet instant comme si c’était hier. Il faisait beau et, comme nous nous étions levés tard, un rayon de soleil avait réussit à frayer son chemin dans la cour de l’immeuble au rez-de-chaussée duquel se trouvait mon petit studio, avenue des Ternes à Paris. Il était sinistre ce studio avec sa vingtaine de mètres carrés, sa moquette élimée, son unique fenêtre qui donnait sur un mur gris et cet aménagement pour le moins spartiate qui trahissait si bien l’identité de celui qui y vivait : un jeune type fraîchement débarqué de sa province natale qui partageait sa vie entre son premier job payé au Smic et la découverte frénétique de la capitale ; un gamin attardé qui n’avait ni le temps, ni les moyens ni même l’envie d’aménager son intérieur. Ce gamin c’était moi et c’était moi pour la dernière fois parce que ce matin là, ma vie allait changer : maintenant elle était là.

C’est une histoire banale. De collègues de travail, nous sommes devenus amis et d’amis, nous sommes devenus amants. Un soir, elle est venue s’installer dans mon studio et le sien, qui était plus éloigné mais aussi plus spacieux, était devenu notre résidence secondaire, là où nous passions nos week-end. Mais ce dimanche matin là, sans doute parce que nous étions sorti la veille, nous étions chez moi et c’est en buvant notre café, éclairés de cet unique rayon de soleil, que nous avons franchit le pas, comme si de rien n’était : « et si on se mariait ? » C’est ce que nous voulions l’un et l’autre, c’était comme une évidence ; nous avons abordé le sujet comme d’autres parlent d’acheter une baguette de pain. C’est ce jour là, à cet instant précis que nous nous sommes réellement mariés. Il n’y avait pas de témoin, pas le moindre représentant de la société, de l’église ou de l’État. Ce jour là nous nous sommes fait une promesse, nous avons pris un engagement l’un envers l’autre ; un engagement qui n’était déjà plus celui d’officialiser notre union mais celui qui consiste à fonder une famille et, si tout va bien, de vieillir ensemble.

Le reste n’a été que la concrétisation de cette promesse. Pour nous deux, et dès le début, l’officialisation de notre mariage ne pouvait avoir lieu que dans une église et en présence de nos familles et amis. Ce n’était pas une affaire de foi mais une affaire de tradition : c’est dans une église que nos parents, nos grands-parents et tous ceux et celles qui nous ont précédé se sont mariés ; c’est dans une église que nous voulions donc nous aussi officialiser notre couple. Seulement voilà, en France, les mariages religieux ne sont accessibles qu’aux couples mariés civilement. Qu’à cela ne tienne : nous sommes passés devant un obscur adjoint au maire dont je ne garde pas le moindre souvenir si ce n’est qu’arrivé en retard, il enchaînait les mariages au rythme des rames du métro parisien. Nous avons signé des papiers, sans vraiment les lire et sans jamais avoir conscience qu’au regard des lois de notre pays nous étions en train d’introduire la « société » – en réalité l’État – dans notre lit conjugal. Quelques temps plus tard, c’est au bras de son papa et dans cette robe blanche dont j’avais tellement entendu parler sans jamais la voir qu’elle s’est avancée vers l’autel – les yeux brillants de larmes contenues – et qu’elle a fini après près d’une heure de cérémonie par me dire ce que je savais déjà depuis longtemps : « oui, je le veux ».

Voilà. C’est comme ça que ça a commencé. Après, il y a eut la fête, la famille, les amis, la valse avec ma mère, les enfants, la vie.

Mais notre mariage, le vrai, il eut lieu ce dimanche matin. Vous n’étiez pas là parce que vous n’aviez rien à y faire. Nous nous sommes mariés sans aucune considération pour vos opinions, vos jugements et vos lois. Notre mariage est une affaire privée qui, comme toutes les affaires privées et par opposition à la res publica, ne vous regarde pas. Ce ne sont tout simplement pas vos affaires et encore moins celles de vos politiciens d’autant que, pardon, mais lorsqu’on voit ce à quoi ressemble leurs vies conjugales, on est tout de même fondé à vouloir les éloigner le plus possible de nos couples. J’ai bien compris que, sans en avoir conscience, mo épouse et moi-même avons signé ce fameux contrat tripartite au travers duquel l’État s’est invité dans notre couple et prétend fixer les conditions, les formes et les conséquences de notre mariage. Nous nous sommes fait avoir, nous étions jeunes et inconscients : il y a vice de forme !

Car enfin, il faut bien appeler un chat un chat : celles et ceux qui légitiment la règlementation étatique du mariage ne font rien d’autre que de chercher à imposer leurs vues à l’ensemble de la société. Au nom de quoi ? Faut-il que vous soyez sortis de la cuisse de Jupiter pour croire que votre mode de vie est supérieur à celui des autres ? Au nom de quel principe auriez-vous le droit d’interdire à un couple – qu’il soit hétérosexuel ou pas – de se marier et d’élever des enfants sans même avoir à démontrer que cette union nuirait à quelqu’un ? Qui êtes-vous donc, Ô grands ingénieurs sociaux, pour dire qui est un bon parent et qui ne l’est pas ? Si c’est le genre de société dans laquelle vous voulez vivre, laissez-moi vous prévenir de ce qui vous pend au nez : un jour où l’autre, viendront ceux qui, du haut de leur piédestal, jugeront qu’une mère célibataire ne peut pas élever ses enfants ; ceux qui, au nom des droits de l’enfance, interdiront aux catholiques de faire baptiser leurs enfants avant l’âge adulte ; ceux qui, au nom de la pureté de la race, interdiront les mariages entre juifs et chrétiens ; ceux qui, au nom de Dieu sait trop quoi, couvriront votre couple d’un étroit réseau de « petites règles compliquées, minutieuses et uniformes » [1]. Est-ce cela que vous voulez ? Eh bien ce sera sans moi : quelque soit votre opinion sur mon couple et ma famille, elle ne m’intéresse pas.

Et, de grâce, que l’on m’épargne le couplet de l’institution multiséculaire que l’on assassine ! Le mariage civil n’a rien de multiséculaire : en France, il a été instauré par la loi du 20 septembre 1792. L’institution du mariage est infiniment antérieure à celle du mariage civil, elle a existé dans toutes les civilisations depuis toujours, a été sacralisée par toutes les religions depuis la nuit des temps et nous nous sommes passés du législateur pendant quelques millions d’années. Et en un peu plus de deux siècles, quel succès ! Les jeunes gens d’aujourd’hui se marient de moins en moins, ma propre cousine et son mari ont du aller se marier en Suisse pour échapper à nos lois et un mariage civil sur trois finit en divorce ! Comme à chaque fois que l’État a prétendu réglementer et diriger nos vies privées, il n’est parvenu qu’à détruire ce qui fonctionnait si bien depuis des lustres, à ôter aux mots mêmes leur véritable sens. Jugez-en par vous-mêmes : qu’évoque chez vous le mot de « solidarité » ? Rendre à la société civile ses plus nobles et plus anciennes institutions, ce n’est pas les affaiblir, bien au contraire, c’est les renforcer.

Le mariage est une affaire privée et à ce titre relève d’un contrat privé que signent celles et ceux qui veulent s’unir et fonder une famille. Le seul rôle légitime de l’État dans cette affaire consiste à faire respecter ces contrats. Au nom de la liberté, il n’a pas à en fixer la forme ou les effets ; au nom de l’égalité en droit, il n’a pas à interdire à une catégorie de citoyens la signature de tels contrats.

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[1] Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t. II, IVe partie, Chap. VI.
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