Sans surprise, les médias français n’avaient pas hésité à relayer l’abominable histoire, si illustrative des dérives du capitalisme débridé et dérégulé qui sévit bien sûr outre-Atlantique dans ce berceau de l’anti-collectivisme primaire (forcément primaire).
En substance, profitant du rachat d’une petite entreprise pharmaceutique, le patron, un certain Martin Shkreli, avait augmenté de 13,50 dollars à 750 dollars le prix de la pilule de Daraprim, un médicament utilisé pour la lutte contre certains protozoaires sanguins comme la toxoplasmose, le paludisme, la leishmaniose. Le fourbe capitaliste n’en était pas à son coup d’essai puisqu’il avait déjà, en 2011, procédé de la même façon pour un autre médicament lors du rachat d’une autre société, Rétrophin, dont le conseil d’administration n’avait guère goûté ses méthodes et avait fini par le débarquer.
La révélation avait largement entraîné le lot de partages Facebook et Twitter expliquant dans quelle mesure ce patron était un parfait salaud d’exploiter ainsi la maladie de certains individus et d’en tirer un si juteux profit alors qu’il n’avait, en réalité, rien fait pour développer le médicament. Cependant, si les jugements moraux s’épanchèrent sans problèmes dans les pleuroirs sociaux officiels, il n’y aura pas eu beaucoup d’analyse de fond du problème, des rapports incestueux entre la FDA et les prix de marché des médicaments outre-Atlantique, ni beaucoup de billets pour noter que le médicament en question ne disposait plus du moindre brevet.
Notons tout de même l’exception heureuse d’un billet paru sur Contrepoints et qui remettait quelque peu les pendules à l’heure, en rappelant qu’au vu des contraintes nécessaires à la vente d’un équivalent générique aux États-Unis, qualifier le marché de la santé américain de non-régulé est un déni de réalité profond, voire une vaste bouffonnerie qui n’étonnera que le lecteur inattentif de la presse subventionnée française.
Presse subventionnée qui, si elle fut la première sur le pont à cracher sur le patron en question, oubliera totalement de faire son travail lorsqu’une concurrence apparaîtra. Il faut dire que la distribution de bons points et de moraline en barils est devenue une spécialité que beaucoup de journalistes ont bien du mal à dépasser.
Et quand je parle de concurrence, ce n’est pas innocent.
En définitive, il est assez peu probable qu’on parle en France de l’arrivée d’une concurrence aux pilules à 750$ pièce de Shkreli, ou qu’on en fasse les mêmes charrettes que lorsqu’il s’est agi de dénoncer, la morale en bandoulière, les agissements du patron sans scrupules. Idéologiquement, cette arrivée rapide d’une solution indépendante de l’État, qui illustre par l’exemple les bienfaits de la concurrence, ce n’est guère jugé vendable.
Ne vous attendez donc pas à un torrent de partages Facebook ou à une avalanche de tweets joyeux pour annoncer que la concurrence capitaliste nous sauve une fois encore du méchant capitalisme.