Cinquante jours pour dire tout et son contraire
6 janvier 2013. Débat Europe 1 – Le Parisien – iTélé. Jérôme Cahuzac confirme avec force la promesse de septembre 2012: « quand je parle de stabilité fiscale, je veux dire que il n’y a pas d’augmentation d’impôts prévues, ni prévisibles, envisagées ou envisageables pour ces deux raisons que je vous ai indiquées : demander davantage serait demander trop et les agents économiques, quel qu’ils soient, ont besoin maintenant de lisibilité non pas sur le court terme, sur l’année, mais sur le moyen et le long terme. » Cahuzac a bien dit qu’il n’y aurait pas d’augmentation d’impôts.
25 février 2013, cinquante jours plus tard. Toujours dans la même émission Europe 1 – Le Parisien – iTélé, le même Jérôme Cahuzac prend le contre-pied total de ce qu’il disait en déclarant avec le même aplomb : « Ce que je tente de vous expliquer c’est qu’à partir du moment où, en 2014, nous n’aurons pas, toutes choses égales par ailleurs, 6 milliards d’euros d’impôts que nous avons eus en 2013, il faudra évidemment, en 2014, obtenir cette recette. » C’est exactement le contraire de ce qu’il avait annoncé le 6 janvier. Et d’ajouter : « Ce qui ne veut pas dire que les engagements précédents ne seraient pas pris, ce qui veut simplement dire que, à tout le moins, la stabilité fiscale impose de trouver 6 milliards d’euros de recette. » L’animateur de l’émission, Jean-Pierre Elkabbach, surpris et peut-être inquiet pour lui-même d’ailleurs, demande au ministre : « Mais où les trouverez-vous ? » A cette question précise, Jérôme Cahuzac botte en touche : « Ça, ça se déterminera dans la loi de finances initiale à l’automne prochain. » Autrement dit, les mesures d’augmentation de l’impôt et des prélèvements ne seront dévoilées que dans huit mois, ce qui engage les contribuables à la vigilance. Au moins ils sont prévenus.
Pas d’impôt nouveaux, juste des prélèvements obligatoires stables…
Surtout, il ne faut pas parler d’augmentation d’impôt ! Les éléments de langage fournis par Matignon et l’Elysée interdisent l’usage de cette expression. Les ministres, en particulier Jérôme Cahuzac, sont donc priés de faire avaler la couleuvre en donnant des explications détournées. En voici un exemple lorsque Jérôme Cahuzac, toujours au micro d’Europe 1, s’est livré à une explication comptable : « En 2013, il y a eu cinq à six milliards d’impôts levés qui ne le seront pas en 2014, car ils ne pouvaient l’être qu’une seule année. » Puis il ajoute : « Si nous ne faisons rien de plus en matière de fiscalité, il y aurait cinq à six milliards d’euros d’impôts de moins en 2014, » en avouant que « la situation financière de la France ne permet pas de nous priver de ces milliards d’euros de recettes. » Et, Jérôme Cahuzac n’étant pas un homme d’Etat mais juste un politicien, il lâche cette phrase lourde de conséquence : « ce ne sont pas des impôts nouveaux, c’est un prélèvement obligatoire stable ! ». S’il y a une différence dans les mots, l’effet sur les contribuables est bien le même : une ponction sur les revenus qui diminuera le pouvoir d’achat.
Quel que soit les mots ou les expressions que Jérôme Cahuzac pourrait employer, il ne peut pas cacher la réalité : l’Etat a besoin d’argent pour financer son train de vie et ses dépenses. Aucune économie d’envergure est envisagée et n’est d’ailleurs envisageable tout simplement parce même si le montant des aides sociales ou des indemnités chômage, par exemple, était diminué, les nombre de demandeurs, du fait de la crise, est malheureusement en constante augmentation. De ce fait, la baisse des dépenses sociales serait compensée par la hausse du nombre de bénéficiaires des allocations et indemnités : au final c’est toujours la même somme d’argent qu’il faut dépenser.
La structure même du modèle social français empêche de faire des économies et ne débouche que sur l’augmentation des impôts et des prélèvements obligatoires. La crise économique se double, en France, d’une crise structurelle dans laquelle les contribuables se retrouvent piégés.
6 milliards d’euros en moins : une aubaine !
La réalité doit être expliquée aux français. Il manquera 6 milliards en 2014 ? Ce pourrait donc être l’occasion de faire vraies économies, tout le monde peut le comprendre. Au lieu de chercher à lever 6 milliards d’euros d’impôts en plus en 2014, l’Etat devrait plutôt adapter ses dépenses de manière à faire sans ces 6 milliards d’euros. Cela veut dire rationaliser les politiques publiques et tailler dans les dépenses sociales. Faire mieux ou autant avec moins, voilà un exercice qui révèlerait des hommes politiques responsables. Jérôme Cahuzac a manqué l’occasion d’en être un.