En effet, on apprend que l’Académie a été bien peu accommodante pour nos futur étudiants dans les épreuves de physique-chimie, et que les épreuves de mathématiques ont été absolument abominables avec de la torture de félins tétraédriques.
Pour la physique-chimie, les réseaux sociaux ont résonné (à défaut de raisonner) du bruit mat des facepalms virtuels et massifs que nos lycéens se sont administrés en commentant l’épreuve qui leur fut infligée. À lire les tweets échangés, c’est un véritable massacre de chatons mignons auquel se sont livrés les rédacteurs du sujet.

Vite, des bisous !


« Aujourd’hui, notre système d’évaluation souligne les lacunes et les échecs des élèves, ce qui peut être très décourageant pour certains »Et il en sait quelque chose, notre ami Ben, lui qui a prouvé qu’avec une simple licence en poche, on pouvait devenir ministre à condition d’être inscrit au PS. Les notes, c’est délicat, ça peut stigmatiser un élève, ça peut paralyser ce petit être tendre aux yeux encore emplis de rêves avant que le système éducatif, froid et sans pitié, le broie dans une concurrence acharnée avec les autres, dans une compétition sans merci et, pour tout dire, ultranéolibérale jusqu’à l’os. D’ailleurs, Benoît le rappelle :
« Les jeunes Français sont ceux qui redoutent le plus l’erreur et qui s’abstiennent le plus de répondre ‘par peur de faire une faute’ »Si on regrette que cette peur de répondre en disant de grosses bêtise ne perdure pas une fois devenu ministre, on doit s’interroger : combien de prix Nobel, combien de médailles Fields nous ont ainsi échappé parce qu’on avait brusqué un élève ? C’est horrible, quand on y pense, et les pleurs poignants des hordes lycéennes toutes affairées à signer électroniquement, entre deux selfies, des pétitions sur Facebook illustrent à merveille la détresse dans laquelle on jette ainsi la jeune génération française !
On peut être socialiste jusqu’aux tréfonds de son âme tout en gardant une âme d’enfant (pour certains, c’est même un prérequis indécrottable). Benoît n’en pouvait plus et c’est la voix chevrotante d’émotion qu’il a décidé de s’attaquer au problème avec l’une de ces merveilleuses inventions indispensables dont tout homme politique dispose dans son immense boîte à outils géniaux : une « conférence nationale sur l’évaluation des élèves ». Non seulement, le nom claque comme le fouet d’un Zorro de Prisunic, mais en plus ça donne tout de suite une ampleur certaine à son projet.

Vous allez voir : la suppression des notes est en route, et rien ne pourra arrêter le train du progrès chauffé par Benoît, les pommettes déjà noires du charbon enfourné dans la formidable machine. Pour le moment, certes, il ne sait pas encore comment on va s’y prendre (des couleurs, des lettres, des petites annotations dans un carnet, des stickers avec des girafes amusantes au cou proportionnel à la note imaginée, allez savoir) et quel système on va bien pouvoir trouver pour endormir les parents et les enseignants, mais pour les élèves, c’est dans la poche (80% d’une classe d’âge, mes petits amis, 80% !). Et ce ne sont pas les syndicats qui risquent de s’opposer à la disparition de toute évaluation (pour s’en convaincre, il faut se rappeler Luc Chatel, l’un des précédents minustres à la place de Hamon, qui avait voulu évaluer les élèveset qui s’était heurté à une vague de protestation syndicale).
Et puisqu’on va bien se garder d’évaluer, on évitera donc de reprendre une année si elle n’a pas été assimilée. Autrement dit, le redoublement devrait être supprimé (ou à peu près). Sur cette question, Benoît a compris qu’il trottait dans un champ de mines et s’est donc montré plus évasif pour finir par dire, dans l’un de ses demi-sourires mous au regard vitreux qui laissent pensifs sur les hypothétiques processus mentaux à l’œuvre dans sa boîte crânienne :
« On peut concevoir qu’un certain nombre de connaissances attendues à la fin de la 6e ou du CE2 puissent être acquises plus tard. »Plus tard, comme par exemple en troisième ou, de fil en aiguille, au baccalauréat. Vous voyez, petits lycéens maltraités par un sujet vraiment pas gentil : pas de quoi paniquer, le ministre pense à vous ! Bientôt, si vous loupez votre bac, vous l’aurez quand même puisqu’on pourra concevoir qu’un certain nombre de connaissances attendues à cette épreuve puissent être acquises plus tard.
L’avenir éducatif français se dessine, avec les traits d’un gros marqueur indélébile tenu par une main tremblante d’enfant capricieux qui bave un peu (l’enfant, pas le crayon) : ce sera gommettes pour tout le monde et redoublement pour personne. Moyennant quoi, dans quelques années si tout va bien, les lycéens pourront rentrer chez eux, heureux de n’avoir subi aucune stigmatisation mathématique méchante, en criant : « J’ai eu une pastille verte à mon bac ! »
Ça promet.