Et pour bien préparer le terrain, notamment pour prévenir les Français et bien les disposer devant les profonds changements qui vont avoir lieu, François Hollande a donc prévenu la presse. Sur toutes les ondes, dans toutes les rédactions, la nouvelle est tombée, limpide et sans équivoque : la réforme institutionnelle, c’est maintenant.


Bien sûr, je passerai rapidement sur la réforme territoriale, abomination morte-née sortie des esprits torturés d’un premier ministre à court de cartouches et d’un président très mal en point dans les sondages. Pour le moment, mis-à-part quelques annonces qui ont créé un peu d’émoi, des regroupements de régions plutôt hasardeux et une volonté farouche de ne surtout pas toucher au mille-feuille administratif en abandonnant toute velléité de supprimer les conseillers généraux (et, par voie de conséquence, tous les frais afférents), l’affreux bricolage administratif proposé tient essentiellement à rajouter une surcouche (les « super-régions » ?) et … c’est tout. Il n’y aura pas de simplification de ce côté. Quant aux économies qu’une telle réforme entraînerait, la blague n’a jamais été crue que par les plus naïfs.

Fouyaya, c’est du lourd.


Or, donner plus de pouvoir au FN et aux autres partis, c’est diminuer le poids du PS, certes, mais aussi de l’UMP. Ceci sert le futur candidat Hollande qui n’entend probablement pas laisser l’Élysée trop tôt. L’introduction de la proportionnelle est, dans ce calcul politique, parfaitement compris. Évidemment, le risque est que le FN prenne un poids subitement trop important, et que l’assemblée résultante, composée schématiquement de trois blocs (UMP, PS et FN), ne permette pas de dégager une majorité stable. Tout ceci, du point du vue du président Hollande, et dans l’hypothèse où il veut effectivement rempiler en 2017, est une opportunité croustillante qui doit le faire saliver. En laissant le terrain de jeu aux incapables des autres partis et en jouant la cohabitation instable, il croit jouer sur du velours.
Cependant, deux obstacles majeurs pourraient altérer ces perspectives rebondissantes pour le capitaine de pédalo.
D’une part, bien malin celui qui pourra s’assurer que cette proportionnelle ne va pas claquer au museau de celui qui l’aura mise en place. Un pays ingouvernable serait rapidement une pétaudière économique, politique et personnelle pour Hollande. Et si le FN devenait subitement plus puissant, difficile pour ses camarades officiellement socialistes de ne pas lui en tenir rigueur. Un régal.
D’autre part, tout ceci se place dans l’hypothèse où ces réformes peuvent effectivement voir le jour. Et ici, je n’ai même pas besoin de sortir la Carte Léthargie ou l’Option Procrastination de notre aimable pépère pour envisager un échec de ces réformes, car si ses précédentes tentatives de changer des trucs et des machins ont toutes abouti en grand barnum plein d’air chaud (à l’exception du mariage homosexuel), cette fois-ci, il n’aura même pas besoin de faire des efforts pour échouer misérablement. En effet, entre la quantité grandissante de députés qui hésitent de plus en plus fermement à le suivre, et la perte du Sénat par lequel devront passer ces réformes, on a de bonne chance pour que ces belles tentatives de bricolages parlementaires se terminent en jus de boudin à la porte de la Chambre Haute.
Et le pompon est que cela rentrerait pile-poil dans le plan probable que le chafouin François a conçu : découvrant que ses demandes de diminuer le nombre de députés et d’introduire la proportionnelle ont explosé en vol au-dessus du Sénat, il pourra s’écrier, les yeux humides, les sourcils attristés et la bouche tordue d’émotion : « Les méchants conservateurs de l’UMP au Sénat ont tout cassé mes belles réformes, j’ai pourtant fait tout ce que je pouvais ! »

Et pendant ce temps, la dette continue d’enfler, les déficits de se creuser, et les perspectives de s’assombrir. Décidément, ce pays est foutu.