Et pour que la réussite, qu’on pressent déjà mémorable, soit absolument incontestable, il ne fallait pas lésiner sur les moyens, matériels et financiers bien sûr, mais aussi humains : là où une entreprise traditionnelle aurait jeté, sans hésiter, un ou deux gladiateurs sévèrement armés dans l’arène médiatique, le gouvernement a lui aussi choisi du lourd, du costaud, et tape dans son stock d’éléphants puisque ce sont Michel Sapin et Christian Eckert qui se coltinent le service commercial en avant-vente du nouveau produit phare de la Maison Bercy™.
On les retrouve en effet à faire la retape pour le Nouveau Logiciel Propre De Bercy Contre La Fraude À La TVA, logiciel qui garantira au Trésor Public que les petites manipulations comptables visant à cacher l’une ou l’autre opération n’auront enfin plus cours. En pratique, il s’agira simplement d’un logiciel traditionnel, mais certifié par Bercy, et garantissant donc à l’honnête commerçant détenteur de ce programme que toutes les opérations sont bien enregistrées comme il faut, et, par voie de conséquence, qu’il a bien déclaré l’intégralité des recettes
Vous l’avez deviné : ce pays croule sous les effets d’une liberté débridée dans laquelle le renard, bien trop libre, s’attaque à toutes les poules libres du poulailler social-démocrate, et il est entendu qu’un peu de régulations et d’obligations va remettre le renard dans le poulailler, histoire de le calmer un peu, et libérer les poules comme de bien entendu. Partant de là, quoi de mieux pour favoriser la bonne liberté que de contraindre les commerçants (qui sont, par défauts, de malhonnêtes bidouilleurs de TVA) à se munir d’un logiciel entièrement conçu pour les empêcher de contourner la loi ?
D’autant que les bons arguments ne manquent pas.
Malheureusement, il est assez difficile de ne pas voir ce qui se cache derrière ces nouvelles obligations et cette nouvelle traque de plus en plus fine des transactions commerciales de tous sur le territoire français. Encore une fois, en utilisant habilement l’EGHIRM, l’Échelle Gouvernementale d’Horreur Incitative à la Règlementation Musclée, nos dirigeants vont parvenir à ajouter quelques barreaux à nos cellules, sous les applaudissements d’une majorité des détenus.
Pour rappel, cette EGHIRM dispose de six grands niveaux qui permettent de fournir un argument efficace pour justifier l’introduction de l’une ou l’autre loi, l’un ou l’autre règlement ou l’une ou l’autre technologie qui visera à restreindre notre liberté pour notre bien. Ainsi l’introduction prochaine d’une batterie de nouveaux moyens techniques pour lutter contre les fous du volant se situe au niveau le plus élevé de l’échelle, celle qui consiste à lutter âprement contre les abominables contempteurs du vivrensemble. Les dernières inventions de Bercy en matière de fraude à la TVA, sujet de ce billet, se situent quelques crans plus bas, au niveau de la lutte contre la fraude fiscale, le travail au noir et toutes les malversations qu’une certaine catégorie de population trop libre peut envisager de pratiquer sans trop se faire pincer. Et plus la population visée par les mesures est étroite, plus flous et larges seront les moyens mis en œuvre.
La lutte contre la fraude à la TVA ne cache rien d’autre qu’une nouvelle manœuvre (encore une, comme le fait remarque le dernier édito de Baptiste Créteur) pour déposséder un peu plus les individus d’un moyen de paiement libre de toute vérification étatique, libre de sa sanction et de sa ponction. Comme les précédentes actions des gouvernements dans leur lutte contre le cash, cette nouvelle « relique barbare » permettant de s’affranchir de son encombrante tutelle, vous verrez que cette mesure passera comme une lettre à la poste, pour chacun des motifs possibles et imaginables (retrouvable sur l’échelle ci-dessus).
Un beau matin cependant, l’échange direct d’un individu à un autre sera, officiellement, banni : chaque transaction devra être électronique, visée par une autorité administrative compétente et correctement imposée… Ce jour-là, l’État pourra, unilatéralement, choisir qui peut commercer ou non, qui peut échanger ou non, et, ultimement, qui peut vivre et qui peut mourir.
Perspective croustillante, n’est-ce pas ?