Tout comme les précédentes « réunions de la dernière chance », la tension apparaît monter tant du côté des autorités grecques qu’européennes, accréditant la thèse que la situation est sérieuse, quasiment désespérée, que trop c’est trop, que ça suffit à la fin et que ça ne se passera pas comme ça nom d’un petit bonhomme, scrogneugneu. Et tout comme les précédentes réunions, on serait donc logiquement en droit d’attendre un nouveau versement de secours, un nouveau ballon d’oxygène pour les Grecs et un énième compromis arraché de haute lutte à la dernière minute de la dernière heure, compromis un peu bancal mais pas trop permettant à tout notre petit monde politicien de montrer l’importance de ses prises de têtes (ils ont, encore une fois, sauvé le monde, les enfants, ouf !) et la fermeté des uns et des autres dans leurs positions.
Et justement, en parlant d’argent des autres, une sortie grecque de la zone Euro aurait quelques conséquences palpables pour les autres économies européennes. On peut imaginer plusieurs choses, notamment que la dette grecque soit annulée, ce qui laisserait une fière ardoise notamment pour les Français (entre 3000 et 4000 euros par foyer fiscal, selon différents calculs). Mais même sans imaginer un tel passage d’éponge, les conséquences, bien qu’indirectes, seraient probablement douloureuses.
Ainsi, on pourrait s’attendre à quelques tensions sur les marchés financiers, et notamment sur les bons du trésor des différents pays de la zone euro, tensions qui entraîneraient une remontée plus ou moins raide des taux d’intérêt. Au-dessus de 2.5%, plusieurs pays commenceraient à trouver l’addition salée, et à 3%, l’Italie, l’Espagne, le Portugal … et la France se trouveraient en fâcheuse posture. L’ampleur de la crise aidant, il ne serait guère surprenant que cette situation dure plusieurs semaines. Des défauts de paiement en cascade ne seraient alors pas à écarter.
Parallèlement, on assisterait à ce qu’on observe déjà actuellement en Grèce, à savoir à un « bank run » plus ou moins rapide, et plus ou moins discret. Il faut savoir en effet que, pendant que les négociations de marchand de tapis entre Grecs et autorités européennes continuent sous les yeux humides d’une presse nerveuse, le peuple grec, lui, retire tant qu’il le peut l’argent de ses banques, comme le mentionnait Charles Gave il y a quelques jours dans un excellent billet, information d’ailleurs confirmée par d’autres sources : malgré une limite de retrait à 300€ par jour et par déposant, des milliards sont déjà sortis des comptes courants et sont venus s’entasser dans des milliers de coffre-forts personnels.
L’attitude des Grecs n’est guère surprenante : ils ont rapidement compris que ce qui est arrivé à Chypre n’était qu’une répétition, et ils comprennent surtout que tout, actuellement, se met en place pour un sévère contrôle des capitaux chez eux. Au passage, si ça peut se passer comme ça en Grèce, cela peut très bien se passer ainsi en France. Après tout, la directive sur le redressement et la résolution des crises bancaires s’applique depuis le 1er janvier dernier, à tous les États membres (France comprise), et elle met en place le mécanisme qui fut justement testé à Chypre. Si l’on y ajoute l’interdiction de plus en plus étendue du liquide que Sapin et ses sbires tentent d’instaurer (l’actualité sur le prélèvement des impôts à la source rentrant d’ailleurs dans ces mesures de contrôle toujours plus fin des avoirs du cheptel à tondre), le tableau brossé ne fait aucun doute : le « chyprage » au niveau européen se rapproche.
En plus des voitures, des biens immobiliers et de l’or, éternel refuge, on peut mentionner un autre bénéficiaire notable de ces arbitrages massifs : le Bitcoin, cette monnaie numérique qui ne repose sur aucune banque centrale et aucune autorité extérieure.
« Ils n’attendent pas que le gouvernement trouve un plan de sortie et se débrouillent tout seuls. Vous avez des gens qui s’inquiètent pour la fortune familiale, les économies de toute une vie, qui ont peur que leur argent soit coincé dans une banque… Ils préfèrent le garder dans un actif privé comme l’or ou le bitcoin. »Pour mémoire, là encore, c’est exactement les comportements qu’on a observés pendant la crise monétaire à Chypre. Ceux qui ont eu l’idée de sortir leur argent liquide dans les jours qui ont précédé l’intervention des autorités européennes, et qui ont soit conservé les billets dans un coffre à portée de main, soit les ont converti en bitcoin dans la foulée, ont pu sauvegarder une partie de leurs avoirs. Les autres, on s’en souvient, ont subi une ponction arbitraire de 6 à 10%.
Au point où en est la Grèce, tout peut donc maintenant arriver. Et même si un compromis devait être trouvé, il ne sera, encore une fois, qu’une façon de repousser le problème de fond(s) : cette dette est impossible à rembourser, et les économies de la zone euro sont toutes si étroitement liées les unes aux autres que la moindre panique du côté grec touchera inévitablement toutes les autres. Dans ce contexte, l’or peut apparaître comme un refuge classique. Moins classique, mais d’autant plus pertinent à mesure que le dénouement final se rapproche et que les états se montrent de plus en plus intrusifs, l’option Bitcoin ne peut plus être ignorée.