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J'analyse, j'achète, je vends

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Le DIY (prononcez Diouaille !), vous connaissez ? C’est un acronyme Anglo-saxon qui signifie « Do it yourself – Fais le toi-même ». Il désigne l’activité de bricoler.

Depuis une grosse décennie, grâce aux évolutions des technologies informatiques, l’investisseur lambda est invité quotidiennement à l’extravagante bacchanale boursière du « Do it yourself ».
Ainsi, le néophyte peut à sa guise examiner, extraire, bidouiller, trifouiller, manipuler des montagnes d’informations financières.
Il devient capable en un clignement de paupière, en deux clics de souris, en trois fois rien de simplicité d’entrer et de sortir du marché.
A l’issue du jeu de la vis sans fin boursière, on rencontre la série suivante : J’analyse, j’achète, je vends, j’analyse, j’achète, je vends … (souvent je ne vends pas d’ailleurs !) j’analyse, j’achète, je vends …

Au bout de cette séquence de longueur VARIABLE, on retrouve une INVARIABLE, que l’on pourrait aisément hisser aux côtés du nombre Pi et du nombre d’Or, j’ai nommé : la paume, que certains désignent aussi à l’envie, et la liste n’est pas exhaustive : la loose, le gadin, le plantage, la ruine, la perte, le naufrage, le crash, … !

La personnalité et le sort qui sont réservés aux débutants en bourse ne sont pas sans rappeler les péripéties d’El Ingenioso Hidalgo Don Quixote de la Mancha . Tous les apprentis boursicoteurs se reconnaîtront en Don Quichotte : un rêveur idéaliste et surréaliste qui se prend pour un justicier invincible, mais qui se fait crucifier sans arrêt en croyant faire le bien.

Oui, je sais ce que vous vous dites … « Qu’est ce qu’il raconte celui là ? Moi, la bourse, je connais, et je m’en sors plutôt bien ! ».
Et, je vous répondrai que moi aussi, je sais … je sais que vous vous inscrivez dans ce que les psychologues nomment le mépris de l’histoire : « ce qui m’arrivera ne sera pas ce qui est arrivé aux autres. MOI, C’EST DIFFERENT ! Cette fois ci, ce n’est pas pareil ». Blablabla …

La bourse, et il en va ainsi de la finance en général, possède une palanquée d’aspects hautement contre intuitifs qui vous mettront sur le séant aussi souvent que Don quichotte le fut, certainement avec bien plus de violence … et la poésie en moins.
Pour vous représenter cela, nous allons détailler 2 situations basiques que tout un chacun aura expérimenté (j’en ai des dizaines à votre service, et je vous en livrerai d’autres à l’avenir).

Tout d’abord, vous connaissez le poncif « Tant que l’on n’a pas vendu, on n’a pas perdu ». Cette phrase sonne bien. Son rythme percute. Elle semble chargée d’un sens profond qui lui donne une forme de sagesse à respecter.
Et pourtant, les seuls aphorismes profonds, vrais partout sur terre, pour toujours, sont et resteront ceux de Nietzsche …
« Le tant que l’on n’a pas vendu, on n’a pas perdu » : c’est la paume assurée !

Pourquoi ? Tout simplement à cause de la négligence d’une règle arithmétique enfantine, qui vient se conjuguer à un constat simple sur l’évolution naturelle historique des cours.
En effet, si je perds 10% sur mes actifs, pour revenir à mon point de départ, il faut regagner 11% sur les capitaux restant.

Si je perds 20% sur mes actifs, pour revenir à mon point de départ, il faut regagner 25% sur les capitaux restant.
Si je perds 40% sur mes actifs, pour revenir à mon point de départ, il faut regagner 65% sur les capitaux restant.
Si je perds 50% sur mes actifs, pour revenir à mon point de départ, il faut regagner 100% sur les capitaux restant.
Si je perds 60% sur mes actifs, pour revenir à mon point de départ, il faut regagner 150% sur les capitaux restant… rien que cela !

Allez, une dernière pour les fans de l’action Natixis : si je perds 95% sur la valeur de mon achat, pour revenir à mon point de départ, il faut regagner … (roulements de tambours) … 1900% sur les capitaux restants.

Maintenant, revenons aux grandes années orgiaques du SBF120 en France (2003->2007). Le nombre de valeurs dont le cours fut multiplié par 2 chaque année est inférieur à 5% …

Bref, si vous avez 10 lignes en portefeuille, et si vous perdez 50% sur chaque valeur (Auquel cas, vous êtes dans la situation du milliardaire Warren Buffet en 2009 !), je vous laisse songer du temps nécessaire à recouvrer votre mise initiale … mieux valait laisser votre argent sur le livret A du casse noisette.

Passons maintenant à un second exemple. Chacun sait que pour gagner de l’argent en bourse, il faut détecter la tendance, et s’y laisser couler.
« Trend is your friend – La tendance est ton amie » disent les Anglo-Saxons.
Là encore, sur le plan purement logique … c’est imparable, et cette phrase aurait rempli de joie le cœur de Boileau car elle illustre bien ces mots qu’il nous légua : « Ce qui ce conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».
Pourtant, dans notre cas précis : Boileau, il boit l’eau (pardon, c’était plus fort que moi !); en effet, la tendance sur le moyen-long terme cache LE DANGER le plus terrifiant pour tous les opérateurs, même les plus expérimentés !

« Trend is your friend » les yeux fermés et pour longtemps, … c’est de nouveau la paume obligatoire ! Pourquoi ?
Tout simplement car un cours de bourse en tendance est le constat de l’évolution d’une richesse qui s’exprime dans le temps.

On voit si cela grandit, ou si cela rétrécit. On mesure si cela se produit vite ou non. Mais, on ne connaît JAMAIS ni le générateur exact, ni le processus exact.
Cela a pour conséquence de vous faire perdre la conscience du danger, et donc d’augmenter CONSIDERABLEMENT le niveau de risque.
Je sais, vous vous dites … n’importe quoi lui !
Alors, pensez au dernier cas en date … mémorable … à la belle tendance boursière 2003/2007 … tout montait sans discrimination et régulièrement. Alors, tout le monde mettait le paquet les yeux fermés pour ses vieux jours … allez hop, une louche pour la retraite !
Mais qu’y avait-il derrière cette hausse, et que tout le monde occultait ?
Quelles étaient les générateurs inconnus de la plupart, et négligés par les plus érudits ?
Il y avait par exemple : un tsunami d’argent pas cher, des produits financiers complexes qui amalgamaient des actions « Air liquide » avec des actions « Areva », et plein d’autres trucs bien glauques, comme des crédits immobiliers pourris … tout ça emberlificoté dans le même boyau … cela ressemblait à une salaison de charcuterie … c’était du boudin … nous baignons désormais dans son jus noirâtre.

Nos totems vénérés de la mathématique financière disaient péremptoirement qu’ils lissaient les risques, qu’ils étaient géniaux, que l’infini azur leur appartenait, qu’ils étaient les maîtres du monde.
On connaît une grande partie de la suite … cela se déroule sous nos yeux ; les tours de Babel bancaires qui s’effondrent toutes les unes après les autres … l’hydre à mille tête génétiquement modifiée dévore chaque jour un peu plus les mains avides d’argent qui la gavèrent.

A la manière de Don Quichotte qui sans cesse se trompe sur la nature de sa cible, vous perdrez inlassablement de l’argent si vous n’intégrez pas la dimension « émotionnelle » au sein de votre trading « logique ».
Sachez cependant que si vous ne me croyez pas, que vous êtes abonnés à la paume, et que cela vous attriste profondément, vous êtes néanmoins un héros pour quelques uns.
Car, pour les penseurs Orientaux, le manant exotique de la Mancha est considéré comme « invincible », lui qui pourtant s’est toujours trompé de combat, et qui n’a jamais gagné un seul d’entre eux.

Pour certains lettrés, sont éternels et invincibles ceux qui se relèvent encore, et encore, pour se battre à nouveau comme aux premiers temps.
Mon propos du jour se résume en fait à cette maxime de Goethe : « Nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être ».
Je sais que vous vous croyez libre, mais vous êtes des esclaves dans des prisons de cristal, car : la bourse : je le répète dans mon devoir d’ingratitude : c’est des émotions, des hormones, des réactions inconscientes, et presque rien que cela !

Allez, petits scarabées Traders au cœur pur … foncez, apprenez par vous-même, et relisez ces lignes lorsque vous maîtriserez la force … dans quelques années !
 

Christophe GAUTHERON

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