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Bourse et sueur

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Pourquoi mon amie Sue, ne sue-t-elle pas, et comment as-tu su que je sue en bourse ?

En plein hiver, bien qu’enfermé dans un bureau climatisé, vous transpirez à grosses gouttes tandis que vous suivez attentivement  l’évolution de vos titres préférés du CAC 40.

Vos affaires tournent au vinaigre car une décrue violente s’est amorcée. Aujourd’hui, le CAC, c’est le COUAC ! Il va valoir résister à  la peur durant de longues heures.

Rapidement, les collègues de travail se moquent de vous car la sueur tache votre chemise blanche en larges anneaux concentriques sous les aisselles. 

Et, ces moqueries ne sont rien en comparaisons des brimades de votre très belle, très chère épouse le soir en rentrant at « home sweet home » …

La sueur dévale aussi vos tempes, mais vous réussissez à l’éponger, ni vu, ni connu, au fur et à mesure.

La moiteur s’empare rapidement de tout votre corps. Vos avant-bras accrochent sur la table humide. Ils vous empêchent de manier correctement la souris.

Ce liquide visqueux entrave aussi la frappe au clavier d’ordinateur dont les touches collent et brillent.

Vos chaussettes fondent dans vos chaussures en cuir ramollies par la sudation, mais vous savez qu’une fois habitué à la sensation, vous n’y penserez plus.

L’essentiel est que vos collègues ne remarquent pas l’état de vos extrémités spongieuses.

Vous détestez cette sensation, mais vous ne pouvez lutter contre.

Il est vraisemblable que la journée sera longue et  inconfortable, mais  vous composez avec depuis la tendre enfance.

Vous vous demandez parfois: pourquoi diable suis-je ainsi en sueur quand les choses tournent mal sur mes investissements ? Pourquoi suis-je en sueur lorsque je dois prendre une position ? Pourquoi suis-je en sueur lorsque j’examine attentivement les cours en flux continu sur mes actions ?

Une fois de plus, nous allons voir qu’une sensation éprouvée en bourse est la résultante de facteurs biologiques et psychologiques complexes dont il faudra tenir compte pour améliorer vos performances.

Jean Cocteau disait que « L’œuvre est une sueur ». Par cette citation, il marquait une constante de la nature humaine dont il était lui-même la victime.

Depuis Archimède, et bien avant d’ailleurs, le monde des scientifiques et des ingénieurs connaît bien la loi naturelle formulée : tout bipède version « homo sapiens sapiens »  immergé dans un nœud de problèmes sue à grosses gouttes jusqu’à ce que la poussée verticale libératrice nommée solution ne soit trouvée.

Première bonne nouvelle : vous n’êtes pas le premier, ni le dernier à mouiller la chemise … Seconde bonne nouvelle : à vos côtés, il y a du beau monde !

Pourquoi donc suons nous ? Quelle est l’utilité de ce phénomène ?

La sueur est un liquide secrété par plusieurs millions de glandes implantées de manière assez hétérogène sur l’ensemble du corps.

Les dites glandes, affublées du sobriquet de sudoripares par la communauté médicale maintiennent officiellement (mais c’est un raccourci trop simplificateur nous le constaterons) l’organisme à une température voisine de 37 degrés Celsius en toutes circonstances.

  La sueur est la résultante d’un phénomène mécanique connu par le grand public sous le nom de transpiration … un fléau contre lequel nous luttons farouchement par le biais de bombes et de « sticks » qui font la richesse de quelques multinationales concevant des déodorants.

La sueur contient principalement de l’eau, du chlorure de sodium, de l’urée, et très important, nous le verrons plus loin, des hormones qui signent notre état émotionnel.

En fait, et pour être précis, la transpiration dépend de deux types de glandes dont l’appellation sonne comme le prénom de jeunes vestales Romaines: les glandes éccrines, et les glandes apocrines.

Les glandes éccrines sont de loin les plus nombreuses. On en trouve, notablement pour ce qui nous intéresse, sur la paume des mains, aux pieds, et au front.

Ce sont des glandes  très simples enroulées dans le derme, et dont le canal excréteur s'étend vers le haut en débouchant sur un pore en forme d'entonnoir à la surface de la peau.

Quant à elles, les glandes apocrines sont situées dans une large mesure au niveau des régions axillaires (comprendre sous les bras !) et ano-génito-périnéale (comprendre entre les jambes !).

Elles sont moins nombreuses, et plus grosses que leurs cousines éccrines.

Elles sont plus localisées car leur conduit excréteur débouche presque toujours dans un follicule pileux … traduire : un poil !

La tour de contrôle des glandes apocrines se situe dans le  système nerveux parasympathique  tandis que le pilotage des glandes éccrines se fait par le biais d’un module distinct appelé le système nerveux sympathique .

Le système nerveux sympathique prépare l'organisme à l'activité physique ou intellectuelle.

Devant un stress important, c'est lui qui orchestre la réponse de fuite ou de lutte. Les signaux nerveux sont transmis par deux neurotransmetteurs bien connu du grand public appelés : Noradrénaline et Adrénaline.

Pour sa part, le système nerveux parasympathique amène un ralentissement général des fonctions de l’organisme afin de conserver un équilibre correct sur le plan énergétique.

C’est notre climatiseur interne. Son messager dans le corps est une autre molécule nommée : Acéthylcholine.

Ainsi, il n’y a pas une catégorie de sueur, mais deux. Chacune d’elle est une réponse à un problème différent.

L’une permet de gérer la température du corps, l’autre est la résultante d’une préparation du  corps face aux dangers.

Alors, lorsque vous vous liquéfiez devant vos écrans à suivre l’évolution de vos actions préférées, vous êtes plutôt sous le contrôle de votre  système nerveux sympathique.

Ce sont alors majoritairement vos glandes apocrines qui agissent sous l’effet de l’adrénaline … bref vous êtes sous le joug de vos émotions.

A dire vrai, la situation est alors critique car votre cerveau baigne dans un bain d’hormones, avec pour conséquences, une accélération du rythme cardiaque, une augmentation des contractions du coeur, et une hausse de la pression artérielle.

 Si la situation de stress vient à se reproduire trop souvent, c’est l’hypertension qui vous frappera de plein fouet … et la crise cardiaque en est, à terme, l’issue prévisible fatale.

Devant vos écrans, à regarder le cours des actions à longueur de journée, vous mettez votre cœur à rude épreuve, maintenant vous êtes au courant, mais d’autres symptômes vous affecteront bien avant …

En effet, une activation récurrente du  système nerveux sympathique  sollicite à l’extrême une partie du cerveau nommée le noyau amygdalien.

Il faut comprendre que ce petit amas de cellules en forme d’amande situé au milieu du  cerveau est en réalité le pilote de l’avion  système nerveux sympathique.

A force d’être suractivé, ce centre de contrôle et de régulation des émotions se dérègle avec pour conséquences des troubles de l’anxiété.

C’est alors que vous constatez que votre moral évolue comme une sinusoïde folle sans que vous ne puissiez comprendre les raisons de votre moral défaillant, pas plus que les périodes d’euphorie qui s’ensuivent.

Il faut sérieusement l’admettre et le prendre en compte :  l’état d’hyper vigilance  que génère un esprit toujours sur le qui-vive, comme celui des traders a systématiquement des effets directs négatifs sur la santé physique et mentale.

La sueur est donc, au moins en partie,  la signature que corps et esprits sont en souffrance.

Et, il est bien connu que la souffrance use l’espoir et la foi.

D’ailleurs, sueur et foi sont liées depuis 2000 ans : en effet, dans la Genèse biblique on peut lire (chapitre 3, verset 19), « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage jusqu'à ce que tu retournes dans la terre d'où tu as été tiré ».

Alors, amis traders, à trop vous impliquer dans vos suivis boursiers quotidiens, vous gagnerez certainement votre vie, mais vous la perdrez probablement aussi … votre temps est compté, et la sueur en est le chronomètre qui défile à rebours !

 

Christophe Gautheron

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