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John Laurie

John Laurie

J'ai pour but de promouvoir le thorium comme énergie du futur et comme solution aux problèmes énergétiques de notre planète. Les réacteurs nucléaires à sels fondus permettront de libérer l’énergie du thorium et de la convertir en électricité, chaleur, ou carburants liquides, avec un cycle de vie maîtrisé.

Je souhaite centraliser la communication, éducation, promotion, veille technologique et veille politique en français autour du thorium, au service de la communauté francophone, pour préparer la conduite de changement nécessaire au déploiement de cette technologie.

Mon blog est  http://energieduthorium.fr/

L'énergie du thorium moins chère que le charbon

Audience de l'article : 7999 lectures
Pour un politicien ou fonctionnaire qui doit faire des choix difficiles avec un budget serré, quand il s’agit d’établir la politique énergétique d’un pays, les priorités sont :

1. Fiabilité
2. Coût
3. Environnement

ip7e6gUn rapport de novembre 2012 du World Resources Institute a établi que 1199 centrales à charbon sont actuellement en construction ou en projet dans le monde.

Screen Shot 2013-03-27 at 21.43.06Cliquez pour la carte interactive

Le charbon est la source d’énergie la plus polluante. Si cette filière se développe aussi vite, c’est parce que le coût par kilowatt-heure n’est pas cher. Les lois du marché le garantissent.

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L’industrie nucléaire mondiale s’est déployée dans les années 1950/60 avec une technologie maitrisée, mais fragile – le réacteur à eau pressurisée (REP). Aux débuts de la première ère nucléaire, le fait que ce type de machine a un rendement inférieur à 1% n’était pas si important – la fission d’un seul atome d’uranium émet environ un million de fois plus d’énergie que la combustion d’hydrocarbures. 1 million x 1% = toujours 10 000 fois mieux !

Mais la technologie nucléaire est complexe, et l’investissement capital pour construire une centrale avec un REP est important. Le retour d’expérience suite aux incidents de sureté avec cette technologie a rendu cet investissement de plus en plus onéreux, jusqu’au point où aujourd’hui elle n’est pas très compétitive comparée aux centrales à combustibles fossiles.

Pour se déployer massivement, une nouvelle technologie d’énergie propre doit être moins chère que le charbon.

Alors prenons la technologie de la fission nucléaire, qui produit aujourd’hui 13% de l’électricité mondiale, et changeons UNE chose. Passons d’un combustible solide à un combustible liquide.

Quel liquide utiliser alors ? Et bien après un peu de recherche, il se trouve que les sels de fluorure fondus offrent les meilleures caractéristiques pour une utilisation dans un réacteur nucléaire homogène.

Et il se trouve aussi que le cycle de combustible au thorium est le mieux adapté pour unréacteur à sels fondus.

Wow ! C’est quand-même radicalement différent ! Combien ça coûte ?

L’état de développement des réacteurs à sels fondus ne permet pas aujourd’hui de donner une réponse précise à cette question. Mais pour Daniel Heuer, Directeur de recherche, Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (Grenoble), dans un entretien récent avec ParisTech Review :

“Nous avons l’espoir que le réacteur que nous concevons serait moins cher qu’un réacteur à eau pressurisée, ce qui pourrait se révéler décisif au moment des arbitrages politiques et industriels. À titre personnel, je pense d’ailleurs que c’est la seule solution pour passer à la génération IV : avoir un réacteur qui soit moins cher qu’un réacteur à eau pressurisée. Cela reste à vérifier, et c’est l’une des raisons pour lesquelles il est important de continuer à travailler.”

Cette technologie peut-elle être non seulement moins chère qu’un REP mais aussi moins chère que le charbon ? Si aujourd’hui nous ne pouvons pas donner un prix précis pour une centrale avec réacteur à sels fondus, quels sont les facteurs qui la rendraient moins chère ?

Regardons d’abord le coût du réacteur :

FONCTIONNEMENT A FAIBLE PRESSION

Batiment réacteurImage : AREVA

Dans un réacteur à eau pressurisée (REP) comme un EPR, l’eau de refroidissement à 300°C est maintenue en état liquide par une pression de 150 atmosphères. En cas d’accident avec fuite d’eau, elle se transforme en vapeur. Le bâtiment réacteur est conçu pour éviter la dispersion de cette vapeur radioactive dans l’environnement. Dans un EPR, il dispose d’une double enveloppe de confinement d’1,30m d’épaisseur chacune. Un réacteur à sels fondus fonctionne à faible pression. Son bâtiment réacteur sera plus petit, moins épais et beaucoup moins cher à construire.

CuveImage : AREVA

La cuve d’un REP et les tuyaux de circulation sont en acier épais, pour résister à la pression. Pour la cuve d’un EPR les murs ont une épaisseur de 20 à 30 cm, et il pèse 420 tonnes. Une seule entreprise est capable de fabriquer ce genre de composant – le “Japan Steel Works” (Japon). A part le coût exorbitant, la faible capacité de production de ce genre de composant est aujourd’hui un frein au développement de l’industrie nucléaire. Dans un réacteur à sels fondus une épaisseur de quelques centimètres est suffisante.

UNE STABILITE THERMIQUE INTRINSEQUE

Barres de commande

Dans un REP la puissance de réaction est contrôlée par des barres de commande. Celles-ci absorbent des neutrons, ralentissant la réaction en chaîne. Quand on monte une barre, moins de neutrons sont absorbés et la réaction accélère; quand on descend une barre, la puissance de réaction diminue.
Dans un réacteur à sels fondus, la puissance est contrôlée par l’expansion du combustible liquide. Au dessus du cœur, il y a une sorte de “trop-plein”, physiquement écarté de la région où a lieu la réaction en chaîne.

stabilité thermiqueQuand le réacteur chauffe, le liquide se dilate et fait remonter le niveau dans le trop-plein. Il y a donc moins de matière fissile dans le cœur et la réaction est ralentie. Quand la température descend, le liquide se contracte et le niveau dans le trop-plein descend. Avec plus de matière fissile dans le cœur, la réaction en chaîne reprend. Une température de fonctionnement stable est atteinte rapidement. Ce mécanisme, qui simplifie considérablement la conception du réacteur, est possible uniquement avec un combustible liquide.

EVACUATION PASSIVE DE LA CHALEUR RESIDUELLE DE DESINTEGRATION

Images : AREVAImages : AREVA

Quand on arrête un réacteur nucléaire, les produits de fission continuent de se désintégrer et à produire de la chaleur. C’est ce phénomène qui a provoqué les accidents majeurs de fusion de cœur à Three Mile Island et Fukushima. Dans un REP la circulation de l’eau de refroidissement est “garantie” par des générateurs diesel de secours. Dans un réacteur à sels fondus, l’état liquide du combustible permet de le vidanger dans des réservoirs où l’évacuation de chaleur se fait passivement. La forme de ces réservoirs étant différente de celle du cœur, l’atteinte d’une masse critique et donc le déclenchement d’une réaction en chaîne sont impossibles.

UNE MATIERE STABLE ET INERTE

AuxiliairesImages : AREVA

Les sels fondus sont des matières stables et inertes; ils ne réagissent pas avec l’air ou l’eau. Le fluorure de lithium par exemple est le deuxième composé chimique le plus stable connu (après l’oxyde de béryllium). Une fusion du cœur est impossible – le combustible est déjà liquide. Même en cas d’accident grave avec un réacteur à sels fondus avec fuite de combustible liquide radioactif, les hasards et les risques pour l’environnement sont beaucoup moins importants qu’avec un REP. Un meilleur niveau de sécurité intrinsèque réduira le coût du réacteur – par exemple les systèmes d’absorption d’hydrogène d’un réacteur EPR ne seraient plus nécessaires.

RECHARGEMENT ET RETRAITEMENT EN LIGNE

RechargementAvec un combustible liquide, il n’y a pas besoin d’arrêter le réacteur tous les 18 mois pour rechargement, déchargement et repositionnement du combustible, ce qui grève le rendement de la centrale. Les machines qui font la manutention des assemblages de crayons de combustible ne seraient plus nécessaires.
Retraitement_en_ligneLe retraitement des déchets est facilité par l’état liquide du combustible. Un retraitement chimique sur site sépare les produits de fission du mélange de sels, combustible et actinides. Ces derniers sont renvoyés dans le réacteur pour fissionner et produire de l’énergie, ce qui augmente le rendement et réduit la production de déchets.

Retraitement
Pour les combustibles solides, il est nécessaire de transporter tout le combustible irradié dans une usine dédiée où des processus complexes et chers les transforment, pour retraitement chimique … en liquides !

UN MEILLEUR RENDEMENT THERMIQUE

RendementsImage : K Sorensen

Avec une température de fonctionnement de 300°C, un REP est capable de transformer 33% de sa chaleur en électricité. Les sels fondus sont liquides sur une plage de 1000°C, et avec une température de fonctionnement autour de 700°C, on peut atteindre un rendement proche de 50%.

Image : R HargravesImage : R Hargraves

Un réacteur à sels fondus peut être couplé à un système de conversion de puissance Brayton à cycle fermé, à hélium ou CO2. Ces systèmes sont beaucoup moins grands qu’une turbine à vapeur, ce qui permettrait également de réduire la taille du hall du groupe turbo-alternateur.

REFROIDISSEMENT A L’AIR

Tour

Pour des réacteurs à sels fondus de puissance moyenne, le meilleur rendement serait un facteur qui permettrait d’envisager un refroidissement à l’air du cycle de conversion de puissance, évitant la contrainte d’une installation près d’une source d’eau.

FAIBLE TAILLE

La capacité thermique des sels fondus est supérieure à celle de l’eau dans un REP ou du sodium dans un Réacteur à Neutrons Rapides (RNR). Les géométries du cœur et des boucles de transfert de chaleur peuvent être plus compactes, réduisant les coûts de matières pour leur fabrication.

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Il serait possible de fabriquer des réacteurs de puissance moyenne en usine et de les transporter par camion pour installation dans une centrale. L’effet volume serait un facteur important pour réduire les coûts. Avec un nombre plus important de réacteurs de puissance moyenne, les coûts de distribution d’électricité seraient réduits.

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Cela fait déjà 8 raisons de penser qu’un réacteur à sels fondus serait moins cher à concevoir et à construire qu’un REP. Pour ceux qui auraient encore des doutes, regardezcette vidéo AREVA sur EPR en vous demandant combien ça coûte. Regardons maintenant les différences au niveau du cycle de combustible, qui influencent le coût de l’énergie :

FABRICATION DU COMBUSTIBLE SOLIDE ELIMINEE

Fabrication Combustible

Pour fabriquer le combustible solide d’un REP, l’oxyde d’uranium en poudre est comprimé en pastilles cylindriques qui sont cuites à 1700°C pour les rendre compactes et solides. On fabrique avec précision une gaine de zirconium pour entourer les pastilles de combustible. On fait un tri manuel des pastilles selon leur contenu en uranium 235 fissile pour optimiser leur position dans la gaine et donc dans le réacteur. On insère les pastilles dans la gaine pour former un crayon de combustible, qui est rempli d’hélium et fermé par un bouchon, avec une étanchéité parfaite. Ces crayons sont regroupés dans un assemblage fabriqué, avec précision, de zirconium et d’acier inoxydable.

En regardant cette vidéo AREVA (surtout entre 02:34 et 06:13), on comprend bien pourquoi la fabrication d’un combustible solide coûte aussi cher. Tous ces processus sont éliminés avec un réacteur à combustible liquide.

LE THORIUM EST ABONDANT ET PAS CHER

Sphere ThoriumImage : R Hargraves

Une tonne de thorium suffit pour alimenter un réacteur à sels fondus qui produit 1000MW d’électricité, pendant un an. Le coût d’une tonne de thorium est de l’ordre de 250 000€, soit 0,00003€ / kWh – négligeable !

La concentration moyenne du thorium dans la croûte terrestre est d’environ 12 parties par million. Les réserves connues sont suffisantes pour alimenter les besoins énergétiques de la planète pendant plusieurs millénaires. On peut vraiment parler d’énergie renouvelable.

ENRICHISSEMENT D’URANIUM REDUIT

EnrichissementImages : World Nuclear Association

Un réacteur à sels fondus a besoin de matière fissile pour démarrer, le thorium étant un combustible fertile qui a besoin de l’impact d’un neutron pour se convertir en uranium 233. Cette matière fissile peut être de l’uranium enrichi. L’enrichissement de l’uranium par centrifugeuse est un processus qui coûte cher, mais qui est nécessaire pour le démarrage initial uniquement.

MOINS DE DECHETS

REP vs RSFImage : R Hargraves

Un réacteur à sels fondus produit moins d’un pour cent d’isotopes transuraniens radioactifs, par rapport à un REP. C’est la production de chaleur de ces isotopes qui est le principal inducteur de coût pour les sites de stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde.

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Comme nous avons noté au début, dans le monde politique le coût d’une source d’énergie est bien plus important que les considérations de l’environnement. Pour démontrer que l’énergie du thorium sera moins chère que le charbon, il faut lancer un avant projet de réacteur à sels fondus, associé à une étude économique objective et impartiale. En France, le CEA serait bien placé pour réaliser de telles études, mais il faudrait qu’il soit ainsi missionné par l’Etat. Si vous soutenez cette démarche, envoyez le lien pour cet article (http://wp.me/p2oTUJ-4M) à votre élu. C’est aussi votre facture d’énergie qui est en jeu…

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Article inspiré par le livre de Robert Hargraves : Thorium energy cheaper than coal

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