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La redistribution des richesses françaises est nataliste

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Les Commissions des Finances de l'Assemblée Nationale et du Sénat ont demandé, au début de l'année 2010, au Conseil des Prélèvements Obligatoires de mesurer la progressivité du système social/fiscal de la France. Un an plus tard, le CPO a rendu les résultats de ses recherches, les parlementaires disposent donc d'une étude complète et fouillée (bien qu'imparfaite) sur ce sujet.

Le CPO a pris la sage décision de ne pas se contenter d'étudier les seuls prélèvements assujettis "officiellement" sur les ménages, mais l'ensemble de tous les dispositifs fiscaux et sociaux. Car, comme tout le monde devrait le savoir, seuls les individus faits de chair et d'os paient des impôts, des taxes ou des cotisations. Les prélèvements sur les entreprises sont toujours répercutés soit sur leurs actionnaires, soit sur leurs salariés, soit sur leurs clients, c'est-à-dire les consommateurs.

Ainsi : "Les ménages sont à un titre ou à un autre les bénéficiaires ultimes de toutes les dépenses publiques, à l'exception de l’aide au développement des pays étrangers, et supportent le poids de tous les prélèvements, y compris ceux collectés, ou acquittés, par les entreprises."

De l'impossibilité de savoir exactement qui paie/bénéficie quoi

Dans ses constatations, le CPO explique d'emblée qu'il est impossible d'identifier qui paie quoi ou qui reçoit quoi avec précision, du fait de la complexité du système. Il est d'ailleurs fort probable que nous n'y arriverons jamais. Par exemple, les subventions aux entreprises et aux associations bénéficient de façon indirecte aux ménages. Mais comment calculer ménage par ménage, individu par individu, la façon dont se traduit cet apport, et son niveau ? On ne peut pas, tout simplement.

Idem avec les dépenses régaliennes, qui bénéficient à l'ensemble de la population, sans qu'il nous soit possible de départager ce gain en fonction des cas individuels. Pareil du côté des dépenses "sociales" en nature (éducation, santé). En revanche, les transferts sociaux en espèce (comme les minima sociaux) ont pu être analysés. Donc, comme le CPO le rappelle, les transferts "réels" vers les plus pauvres sont plus importants que ceux qui sont indiqués dans le rapport.

Il s'agit, c'est vrai, d'un état des lieux imparfait, à cause de tous ces morceaux manquants non négligeables, mais c'est sûrement celui qui est le plus proche de la réalité.

Les "inégalités" de revenus se sont creusées dans la période récente

Pendant des décennies, sous le coup d'une forte croissance tout d'abord lors des 30 glorieuses, et de l'appareil social "redistributif" ensuite, les inégalités de revenus se sont résorbées. Autrement dit, le niveau de vie des plus pauvres a tout simplement augmenté plus rapidement que celui des autres français. Les choses ont quelque peu changé récemment. Depuis 2004, le niveau de vie des plus modestes a continué de progresser, mais mois rapidement qu'auparavant, tandis que celui des membres les plus aisés de la société a augmenté plus vite, grâce notamment à des revenus issus du patrimoine en forte hausse. Les inégalités se sont donc creusées.

Mais cette conclusion évidente est à relativiser par rapport à ce que a été dit dans les paragraphes précédents : les services publics qui bénéficient aux plus démunis n'ont pas été pris en compte. Qui plus est, comme je l'expliquais de façon maladroite dans ce billet, lutter contre la pauvreté, c'est offrir des perspectives d'avenir aux gens qui souffrent, autres que la simple assistance, c'est leur permettre de retrouver une activité ou d'en trouver une plus rémunératrice. Et je ne suis pas convaincu que le modèle français soit vraiment orienté vers cette optique.

Justement, à la question : Qui est riche ? Qui est pauvre ? Bien que je n'aime pas du tout le côté "déterministe" de cette question, ou faire des généralités de la sorte, il est indispensable de se la poser. Pour cela, ce travail de l'Observatoire des Inégalités est intéressant.
 

 


 

 


De la progressivité relative du système social et fiscal

Comme on avait pu s'en rendre compte avec les travaux de Piketty, Saez et Landais, le système fiscal français n'est plus aussi progressif qu'on pourrait le croire. L’impôt sur le revenu par exemple n’est plus continuellement progressif, et devient même dégressif à l’extrémité supérieure de la distribution. Il n'assure plus la "redistribution", ce sont les dépenses de protection sociale qui s'en chargent à sa place désormais. Grâce à elles : "Le niveau de vie des ménages appartenant au premier décile augmente de 44% par rapport à son niveau de vie net tandis que le niveau de vie des ménages appartenant au dernier décile diminue de 8 %."

Les résultats du CPO s'apparentent à ceux des trois économistes de la "Révolution Fiscale" : "En 2009, le système socio-fiscal était progressif jusqu’à 20 000 € de niveau de vie net, puis proportionnel jusqu’à 50 000 €. Le taux moyen d’imposition des ménages (en incluant les prestations et la fiscalité indirecte en aval) croît rapidement pour atteindre 40 % pour un niveau de vie net annuel de 20 000 €, puis est stable à ce niveau jusqu’à 50 000 € de niveau de vie net. Il n’a pas pu être mesuré au-delà, mais est probablement dégressif au sommet de la distribution puisque les contributions sociales non contributives sont proportionnelles, que la fiscalité indirecte est dégressive, et qu’au sommet de cette distribution, l’IR le devient également."

La fiscalité n'est progressive que pour les classes populaires (elle monte jusqu'à 40%), les classes moyennes et les classes aisées ont un même taux d'imposition proportionnel (qui oscille entre 45% et 50%), et les classes très aisées (le dernier centile) bénéficient elles d'une fiscalité dégressive :


D'après le CPO, ce qui caractérise aujourd’hui le système social et fiscal français par rapport aux autres pays dont le niveau de vie est comparable n’est plus tant son caractère progressif, ni même son caractère particulièrement redistributif au plan "vertical". Non, ce qui le caractérise davantage, et qui fait son originalité, c'est l’importance de la redistribution qu’il organise au plan "horizontal", selon la composition des ménages. La redistribution ne se fait plus tant "des riches vers les pauvres" comme autrefois, mais "des ménages sans enfant et des couples avec un enfant vers les familles monoparentales et les familles avec trois enfants ou plus".

La France est en vérité un modèle de redistribution nataliste ! Rien de plus.

Il est temps de reparler de l'impôt négatif sur tous les revenus...

Tout d'abord, j'ai beaucoup apprécié que le CPO revienne sur la notion délicate de redistribution progressive, qui n'implique pas forcément que l'impôt sur le revenu en lui-même soit progressif ! En effet : "Redistribuer verticalement, des plus riches vers les plus pauvres, ne nécessite pas que le prélèvement, ou l’impôt, qui finance ce transfert soit progressif : un prélèvement proportionnel au revenu de chacun, dont le produit serait affecté à ceux disposant des revenus les plus faibles, effectuerait une redistribution à leur profit, et augmenterait leur niveau de vie".

Ce n'est pas la première fois sur ce blog, que je propose la mise en place de l'impôt négatif. C'est-à-dire un impôt proportionnel global sur l'ensemble des revenus qui serait associé à une allocation universelle généreuse. Si l'on pouvait transformer radicalement le système fiscal et social de la France, et adopter cette mesure, je suis persuadé que cela profiterait à tous. En revanche, afin d'éviter tout malentendu, je suis extrêmement hostile à ce que soit créée une "flat tax" dans un système où seraient conservées de multiples fiscalités dégressives comme la TVA ou la TIPP. Car cela revient à opérer une imposition globale fortement dégressive. Stupide et insensé.

Reste à fixer le niveau de cet impôt proportionnel et le niveau de l'allocation, tous deux universels...

 

Aymeric PONTIER 

Source : http://aymericpontier.blogspot.com/2011/05/le-modele-de-redistribution-nataliste.html

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