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Vincent Benard

Vincent Benard

Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et  de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !

La réquisition des logements vacants : une idée inepte, liberticide et socialement calamiteuse

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Le site Contrepoints publie les résultats d'un sondage effectué pour le quotidien du PCF l'Humanité, lequel affirme que 69% des Français seraient favorables à "la réquisition des logements vacants" (source). Quand bien même la façon de poser la question semble avoir été biaisée, ce résultat, quoiqu'inquiétant, n'est guère étonnant, tant les associations activistes ont réussi à truster le débat audiovisuel, et il est difficile de contester la rhétorique pourtant simpliste de "Droit Au Logement", par exemple, sans passer pour le pire des sans-coeur.

Pourtant, cette réquisition, loin de résoudre les problèmes des mal logés, signerait sans aucun doute la fin définitive de leurs espoirs de trouver un logement décent. Il faut donc combattre à toute force cette ineptie. Voici pourquoi.

Incantations vs. Chiffres

 

Tout d'abord, comme le montrent les chiffres les plus récents de l'Insee ou d'EDF (cités par Contrepoints), les logements réellement vacants sur une longue durée et aux endroits ou il y a pénurie effective sont relativement rares. La vacance est de l'ordre de 6%, et les données d'EDF (citées par Contrepoints) montrent que la vacance est plus forte en zone rurale, les grandes agglomérations concentrant l'essentiel de la tension sur le marché du logement se situant généralement nettement en dessous de cette moyenne (cf carte ci dessous).

 

 

 

En outre, moins de 25% des logements vacants sont réellement des logements vacants ET non remis sur le marché par leurs propriétaires (cf tableau ci dessous). Soit moins de 500 000, alors que la pénurie était estimée en 2006 par la fondation Héritage et Progrès à au minimum 1,5 millions de logements - à condition qu'ils soient situés là où se trouve le marché - pour à la fois loger les 900 000 foyers "aux portes du logement" et purger le parc de logements des unités les plus insalubres, tout en assurant une bonne rotation des logements au gré des déménagements professionnels des ménages.

 

 


On voit donc que d'un point de vue purement mécanique, la réquisition des logements vacants ne règlerait en rien la situation de la plus grande part des foyers mal logés actuels.

 

Un signal dramatique pour l'avenir

 

Mais il y a pire: une telle réquisition enverrait un signal absolument dramatique aux investisseurs potentiels: "si vous ne faites pas de votre propriété l'usage qui convient le mieux au désir des clientèles politiques dans les petits papiers de l'état, alors l'état vous la prendra".

 

Un tel facteur de risque placé sur un investissement dont la rémunération est naturellement faible, de surcroît obérée par une fiscalité peu avantageuse, réduirait dans des proportions dramatiques l'incitation à investir dans le locatif privé, et exacerberait la pénurie que nous connaissons.

 

Il y a derrière cette proposition des attendus et des implications éthiques et institutionnelles bien plus graves que des considérations économiques, fussent-elles majeures. Une telle mesure créerait un précédent extrêmement grave contre le droit de propriété, qui est pourtant, nos politiciens ne l'oublient que trop fréquemment, un des piliers des droits de l'homme, ce que rappelle fort justement l'article II  de la déclaration du même nom de 1789: "le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression".

 

 

 

Pourquoi la propriété ?

 

 

 

Les concepteurs de la déclaration n'ont pas fait figurer la propriété au même rang que la liberté par hasard, ou par esprit scandaleusement petit-bourgeois. Tout individu consacre une part importante de son activité d'homme libre à épargner. Pourquoi ? Parce que la maison ou les économies ainsi accumulées lui permettent de former du capital permettant de lui assurer un avenir meilleur.

 

 

 

De fait, la propriété est le fruit naturel de la liberté. Priver l'homme de ce fruit, c'est lui confisquer son avenir, c'est rendre totalement inopérante sa liberté, c'est prétendre que l'individu ne produit que pour satisfaire d'autres besoins que les siens, c'est le considérer comme un esclave.

 

 

 

S'il n'y a plus de limite à ce que l'état, par ailleurs déjà fiscalement bien gourmand, peut prendre à ceux qui épargnent et créent des actifs durables, alors l'exercice de la liberté perd son intérêt. Dans un tel contexte, les individus se contenteraient de produire ce qui serait juste nécessaire à leur subsistance mais ne consentiraient guère d'effort supplémentaire, quoi que cela leur en coûte en terme de difficultés quotidiennes. 

 

 

 

Pas de propriété, pas de prospérité

 

 

 

C'est sur ces fondements totalement contraires aux aspirations naturelles des hommes que fonctionnaient, ou plutôt dysfonctionnaient les sociétés communistes. Mais cet exemple "évident" n'est pas le seul à pouvoir étayer cette thèse. Le prêtre écrivain Virgil Gheorghiu notait que la culture religieuse roumaine s'est surtout incarnée dans l'iconographie, facilement transportable, car la Roumanie fut régulièrement envahie par ses voisins, et les roumains, souvent obligés de ce fait de migrer, ne pouvaient former de capital. Aussi s'en sont ils tenu à ce qu'ils pouvaient emmener avec eux en cas de malheur.

 

Sans aller jusqu'à ces extrêmes, l'économiste péruvien Hernando de Soto montre que dans les sociétés du tiers monde, où la reconnaissance légale des titres de propriété est disfonctionnelle, autrement dit, où la propriété existe difficilement, les entrepreneurs du secteur informel forment peu de capital car celui ci peut leur être facilement retiré faute de titre légalement certifié par des institutions sûres. Ils conservent donc des business de petite taille qui alimentent une économie de bidonville, mais ne peuvent pas facilement prospérer et faire prospérer leur communauté. 

 

La réquisition: l'arrêt de mort de l'investissement neuf privé

 

Réquisitionner les logements vacants serait donner à la société un signal extrêmement fort indiquant que ceux qui nous dirigent choisissent de nier l'importance de la propriété, donc de la liberté, et donc de soviétiser la société française. Dans ces conditions, qui serait assez fou pour investir dans un logement locatif, même avec les plus grosses carottes fiscales possibles ? 

 

Car si d'un côté le risque de se faire prendre un logement vacant serait élevé, de l'autre, il serait tentant pour un aspirant locataire de se placer volontairement en difficulté quelques semaines, puis de faire jouer le "Droit Au Logement Opposable", autre source de malfaisance démagogique, pour obtenir la réquisition d'un logement vacant dont le loyer serait de facto fixé par l'autorité administrative très en dessous de son prix de marché, plutôt que d'aller le louer dans une agence immobilière...

 

Dans de telles conditions, il n'existerait plus de relation saine possible entre un offreur et un demandeur de logement. Le marché du logement mourrait à petit feu, comme il l'a fait pour des raisons différentes techniquement (contrôle des loyers) mais identiques philosophiquement, entre les deux guerres. 

 

En revanche, le marché gris des logements non déclarables, donc non saisissables, c'est à dire des taudis, des caravanes, des caves, prospérerait dans des proportions incontrôlables. Ce qui serait le prétexte à renforcer la criminalisation des mauvais loueurs... Et donc à placer le logement au mains d'organisations mafieuses. La liste des effets pervers que l'on peut anticiper suite à une mesure de réquisition autoritaire parait sans fin.

 

Les menaces ne résoudront pas la crise du logement. La liberté, si.

 

Pour augmenter le nombre de logements offerts sur leur marché, il ne faut pas brandir de nouveaux épouvantails tels que la réquisition des logements vacants au visage de ceux, aujourd'hui de plus en plus rares, qui pourraient être des investisseurs alimentant l'offre de logement locatif. Il faut au contraire réduire le niveau de risque législatif lié à ce type d'investissement afin de  le rendre plus intéressant et désirable pour des investisseurs en quête de rendement faible mais régulier.

 

Comment ? En libérant l'offre de logement des chaînes et boulets que le législateur lui attache depuis plus de 100 ans.

 

 

 

VINCENT BENARD

 

 

 

 

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