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Vincent Benard

Vincent Benard

Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et  de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !

Attention: renforcement des lois anti-construction depuis le 1er Janvier 2016

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Je l’avais ratée, celle là. Au 1er Janvier 2016, la nouvelle mouture du code de l’urbanisme est entrée en vigueur. Et il sera encore modifié au 1er janvier 2017. Concrètement, à part un changement de numérotation des articles, le nouveau code sera encore plus malthusien, et restreindra encore plus l’accès à la constructibilité du foncier que les précédents. Selon “la vie immobilière”,

“De nouvelles règles d'urbanisme obligent les mairies à réduire l'espace constructible, quitte à déclasser certains terrains à bâtir qui passeront dans la catégorie "simples champs". Au grand dam de leurs propriétaires, qui voient la valeur de leur bien réduite comme peau de chagrin.”

“Permis de voler” accordé aux élus politiques

Les règles jusqu’ici applicables rendaient difficiles la création de foncier constructible. Désormais, elles rendront aléatoire le maintien de la constructibilité précédemment accordée !

Avant d’évoquer les inconvénients “utilitaires” de ces lois (économiques et autres), regardons en l’aspect moral. Rappelons que limiter l’usage qu’un propriétaire peut faire de son terrain est bien une “expropriation”, de nature réglementaire et partielle, mais expropriation quand même. Elle devrait donc faire l’objet d’une indemnisation. Mais le nouveau code a reconduit le tristement célèbre article L160-5, hérité d’une loi de… 1943 (Vichy…), désormais sous le nom de L105-1, article qui s’assure que de telles indemnisations ne seront que rarement versées, et que les tribunaux interprètent de surcroît de façon très restrictive. Citons une fois de plus “la vie immobilière”, exposant la mésaventure de propriétaires dont les terrains ont été déclassés suivant la nouvelle procédure, et dont la perte financière est parfois importante:

"les propriétaires dont les terrains ont été déclassés n’ont droit à aucune contrepartie financière (...) En d'autres termes, ce déclassement n'ouvre droit à aucune indemnité, comme le précisel'article L105-1 du Code de l'urbanisme. Évidemment des recours sont possibles, mais dans la plupart des cas ils sont voués à l’échec."

Si ce n’est pas du vol légal, dites moi ce que c’est…

Je ne puis que conseiller à ceux qui possèdent un terrain constructible plutôt en périphérie de ville ou village, mais ne peuvent financer un projet d’habitation dans l’immédiat, de le revendre avant qu’une malencontreuse révision de PLU ne vous spolie… Encore faudra-t-il trouver un acheteur peu avisé !

Le prétexte de la “lutte contre l’étalement urbain”, une fumisterie mortifère

A l’origine de ce délirant renforcement du droit de prédation publique sur votre propriété, deux lois. Tout d’abord, la loi dite Grenelle 2 a renforcé l’obligation de “protéger” les terres agricoles de l’urbanisation, notamment par la mise en place de périmètres de protections des espaces agricoles et naturelles (alias PEAN, en France, tout se finit par une abréviation). Ensuite, la loi ALUR, de la décidément calamiteuse Cécile Duflot, a rendu "exceptionnelle" la possibilité d’accorder des permis de construire pour des habitations dans des zones qui sont “normalement” vouées à l’agriculture. Ce sont bien sûr des bureaucrates qui n’ont jamais planté une betterave qui décident ce qu’est une terre “normalement vouée à l’agriculture”, dans une vision figée de ce que doit être une société d’où toute évolution non décidée par une administration serait bannie.

La justification des pouvoirs publics est toujours la même: “il faut lutter contre l’étalement urbain”. Celui ci est accusé, je résume, de menacer l’espace naturel et agricole, et d’augmenter le coût de développement des services urbains.

Ces deux prétextes sont deux pures fumisteries que j’ai déjà eu l’occasion de démolir longuement dans plusieurs articles (“arrêtons de diaboliser l’étalement urbain”, et “les mensonges de la lutte contre l’étalement urbain” notamment). En voici les arguments, résumés:

$1-       Même si la population urbaine se mettait à vivre en consommant autant d’espace que la population en habitat de petite commune rurale (hypothèse d’école totalement irréaliste), même si la population totale de la France passait de 63 à 75 millions, alors la part artificialisée de l’espace français passerait d’environ 7-8% aujourd’hui à 13%: pas vraiment de quoi paniquer.

$1-       Les chiffres catastrophistes cités par les médias, selon lesquels “un département est artificialisé tous les 10 ans”, sont faux. La réalité correctement observée par les satellites est plutôt de l’ordre d’un département tous les 30 ans, sachant que l’urbanisation actuelle est équivalente à 8 départements: il y a de quoi voir venir...

$1-       Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la surface agricole utilisée a diminué 3 fois plus vite que la part des sols artificialisée par l’urbanisation, la grande gagnante de cette équation étant la forêt, dont la surface a augmenté de la différence. Il est donc clair que ce n’est pas l’artificialisation du sol qui “grignote” l’agriculture, mais celle ci qui se contracte car elle a besoin de moins d’hectares pour satisfaire sa clientèle.

$1-       La pénurie de foncier constructible organisée par l’état a provoqué une bulle immobilière d’origine foncière de dimensions dantesques (source, établie à partir des données INSEE), réduisant considérablement le pouvoir d’achat “logement” des ménages, et plongeant de nombreuses familles modestes en situation de précarité ou de détresse. Cette bulle se dégonfle aujourd’hui dans les campagnes et certaines villes moyennes, mais reste vivace dans les grandes métropoles françaises, là où les difficultés pour se loger à un coût abordable sont les plus importantes.

$1-       Cette hausse des prix a forcé l’exil de familles modestes en campagne, là où l’habitat utilise plus d’espace, et a provoqué un “étoilement urbain” qui a paradoxalement augmenté la surface de contact entre urbanisation et agriculture, et donc les zones de conflit entre ces deux usages du sol. On ne saurait mieux dire qu’une fois de plus, une loi étatique a produit l’exact inverse du résultat recherché !

$1-       L’enjeu financier de la constructibilité d’un terrain est telle que, selon de nombreux témoignages, la corruption liée à l’urbanisme est non négligeable en France, voire, dans certaines régions (ensoleillées…) endémique, des élus ou de hauts fonctionnaires locaux n’hésitant pas à monnayer leur pouvoir de choisir l’endroit “où passe la ligne”.

Les deux lois Grenelle 2 et ALUR auront pour résultat de rendre encore plus difficile, pour les familles ne pouvant plus se loger en grande ville, de trouver du logement finançable (“finançable”, et non “bon marché”) en zone rurale.

A qui profite le crime législatif ?

Les idéologues qui pondent ce genre de monstruosité législative estiment que l’état doit compenser ces inconvénients en produisant toujours plus de logement social. Mais il ne peut plus le financer, d’où l’obligation née des lois SRU (Gayssot) et renforcées par Duflot 1 (avant ALUR) pour les communes “tendues” de disposer d’au moins 25% de logement social, avec lourdes amendes à la clé. Résultat, les communes demandent aux promoteurs privés d’inclure dans toute opération 25% et plus de logements sociaux, vendus à perte au profit de la mafia du logement social. Perte qui est reportée sur les logements privés… qui voient donc leurs prix encore augmenter ! Et de toute façon, l’économie du logement social est viciée à la base, le logement social est structurellement condamné à la pénurie et au clientélisme.

A la base de ces lois dont on peine à dénombrer les effets prevers de façon exhaustive, la conjonction d’intérêt de plusieurs lobbies:

$1-       Les agriculteurs locataires de leur terre (Environ 75% de l’agriculture en France) veulent empêcher les propriétaires-bailleurs de leurs terrains de faire le choix de l’urbanisation lorsqu’il peut être plus rémunérateur, ce qui est le cas en périphérie urbaine.

$1-       Les fonctionnaires et assimilés, et bureaux d’études spécialisés, tirant parti de la planification urbaine, représentent en France environ 50 000 personnes dont beaucoup tiennent des postes clé de la politique et de l’administration. Et je ne compte pas les milliers de salariés dans le domaine du logement social…

$1-       Les politiciens écolo-marxistes se donnent une image verte anti-construction et poussent insidieusement à la collectivisation croissante du logement via sa socialisation.

Conclusion: il faut changer de paradigme urbain et libérer le foncier en rendant au propriétaire ses prérogatives

Sur la base de prémisses scientifiquement fausses, et pour satisfaire ces lobbies, les politiciens  reconduisent et renforcent depuis les années 70 une vision malthusienne et politisée de la gestion foncière qui n’en finit plus de montrer ses échecs. Car si les inconvénients ci avant cités sont réels, aucun des avantages attendus de la réglementation n’est observable: villes gangrenées de 1300 quartiers sensibles, congestion urbaine toujours intense, coût de développement des équipements publics hors de contrôle, maîtrise de l’esthétique des nouvelles constructions plus que discutable, quartiers anciens en voie de délabrement, etc…

Si la planification du sol par la bureaucratie a pour objectif affiché de rendre les villes plus agréables, cet objectif n’est manifestement pas atteint. Il est plus que temps de changer notre paradigme de la gestion foncière et du développement urbain en acceptant d’accompagner l’étalement notamment en périphérie des villes grandes et moyennes, plutôt qu’en le combattant, et en rétablissant le propriétaire foncier dans son plein droit de propriété. En matière d’urbanisme comme partout ailleurs, la liberté peut faire bien mieux que la planification !

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Petite sélection parmi les nombreux articles de l’auteur dans le domaine du logement:

Sur l’étalement urbain:

Arrêtons de diaboliser l’étalement urbain

Les mensonges de la lutte contre l’étalement urbain

Sur les nouveaux paradigmes fonciers:

In “Le Monde” : Libérons le Foncier !

Urbanisme: les avantages considérables de la liberté sur la planification

Sur le logement en général:

la réglementation foncière, source de la crise du logement

Le logement social n’est pas la solution mais une partie du problème

Comment la loi SRU nous pénalise tous

Mon livre“logement, crise publique”, en PDF gratuit



 Le résumé du livre en 16 points clé

Autres articles

Autres auteurs:

Eric Charmes, Chercheur à l’université de Lyon: “l’artificialisation des sols est elle vraiment un problème quantitatif” ?

Olivier Piron (Ingénieur général, ministère du logement): “De l’utilisation des sols

Héloïse Balhade, architecte urbaniste,  “l’urbain est dans le pré, vive l’étalement !”   
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