Vous vous souvenez sans doute des vidéos et blogs d'opinion qui ont eu un fort écho au cours de la crise de 2008-2009 sur la nature de l'argent.
Leurs idées étaient parfois douteuses et franchement complotistes (imaginant toutes sortes de complots visant à établir une dictature mondiale), mais lançaient parfois aussi de vrais débats.
Le fait que les états aient perdu le monopole de la création monétaire et doivent emprunter au système bancaire pour financer leurs déficits, au lieu de pouvoir créer "gratuitement" la monnaie dont ils ont besoin via la planche à billets fait partie de ces débats essentiels. Certains auteurs ou responsables politiques (souvent positionnés aux deux extrémités du spectre politique) ont ainsi demandé que les états puissent de nouveau émettre leur propre monnaie, pour ne plus avoir d'intérêts à payer aux banques.
Dans les faits, aujourd'hui, leurs souhaits sont finalement en train d'être exaucés, même si tous les dirigeants s'en défendent :
La banque centrale japonaise achète aujourd'hui massivement les obligations d'état du Japon, avec des taux d'intérêts voisins de 0%, si bien que l'état peut se financer quasiment gratuitement auprès de sa banque centrale.
Taux à 10 ans japonais (tradingeconomics.com)
En Allemagne et en France, les taux à 10 ans sont aujourd'hui aussi proches de 0 (0,65% en France et 0,34% en Allemagne), et sur les maturités plus courtes, ceux-ci sont encore plus bas.
Nous sommes donc bien en train de nous diriger vers une situation où les états peuvent créer de la monnaie gratuitement pour financer leurs déficits, sans crainte de sanction du marché puisque les banques centrale permettent de maintenir les taux à un niveau voisin de 0% en achetant leurs emprunts.
Depuis 2009, le Japon conduit ainsi des déficits publics considérables (7 à 9% du PIB), et les recettes réelles de l'état japonais ne couvrent qu'environ 2/3 de ses dépenses.
L'époque (avant les années 70) où les états créaient leur propre monnaie sans payer d'intérêts pour cela est de retour ! A une nuance importante près toutefois : Avant les états et leurs dirigeants étaient entièrement responsables de ce qu'ils faisaient, si ils créaient trop de monnaie et déclenchaient une crise hyperinflationniste, ils pouvaient être sanctionnés par le peuple.
Aujourd'hui, les dirigeants s'en remettent à une instance technocratique non élue qui est la banque centrale.
C'est très pratique et confortable pour un responsable politique (qui peut se défausser ainsi de ses responsabilités sur la banque centrale), mais cela réduit fortement sa marge de manoeuvre, soumise au bon vouloir de la banque centrale...et cela réduit tout autant le pouvoir de décision des électeurs et du peuple sur les sujets économiques, ce qui est évidemment incompatible avec une vraie démocratie. Nous avons pu le vérifier ces dernières années avec les lourdes interventions de la BCE dans les politiques économiques des pays européens (Italie, Portugal, Espagne et Grèce en particulier).
Nous sommes aujourd'hui dans une situation vraiment spéciale, où toutes les grandes économies font tourner leur planche à billets pour financer des déficits publics, et où les états créent comme avant leur propre monnaie dans les faits. Je l'ai déjà dit, je ne pense pas que cette politique fonctionnera...Toutes les expériences passées de planche à billets ont échoué, et je ne peux pas croire qu'imprimer (même électroniquement) un bout de papier pourra un jour créer une richesse réelle quelque part. Cela suppose de l'initiative privée, du travail, de l'innovation !
Donner aux consommateurs de l'argent imprimé pour qu'ils consomment plus a au contraire des effets très nocifs à moyen et long terme :
- On maintient en vie des unités de production devenues non compétitives, qui n'auront pas besoin de se remettre en cause et de devenir plus productives.
- On freine les innovations, puisque les entrepreneurs n'ont plus besoin de créer de nouveaux produits et de nouveaux besoins, les consommateurs étant artificiellement incités à consommer ce qui existe.
- On augmente les inégalités en créant des bulles d'actifs qui gonflent artificiellement le patrimoine de certains.
- On provoquera tôt ou tard une perte de confiance dans la monnaie émise et une crise monétaire grave, précédée d'un épisode de dépression déflationniste qui correspondra au moment où les stimulations des banques centrales n'auront plus d'effet).
Les crises sont des épisodes normaux dans toute économie, ce sont des occasions d'accélérer l'innovation et la productivité. Les politiques économiques actuelles basées sur l'intervention des banques centrales sont anti-démocratiques (on s'en remet à des institutions non élues), bloquent les possibilités d'évolution de nos économies et de nos sociétés, et aboutiront inévitablement à une crise économique majeure.