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Vincent Benard

Vincent Benard

Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et  de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !

Foreclosuregate (X): banques américaines, récapitulation des risques

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Après une avalanche de nouvelles et révélations occasionnées par les deux premiers mois du Foreclosure Gate, il est temps de prendre un peu de recul et de faire le point sur les risques réellement encourus par les banques.

1) Quelles banques sont concernées


Principalement, les "loan servicers" ou collecteurs de remboursements, en tant que gestionnaire des trusts détenteurs des créances (enfin, "possiblement détenteurs" serait plus juste), qui devront enregistrer l'essentiel des pertes liées aux pools de créances douteuses.

Les banques d'affaires qui pourraient être concernées si, comme Goldman Sachs, elles ont participé à des schémas de commercialisation de titres de MBS et de produits dérivés parallèles déontologiquement contestables, pour rester poli. Sachant toutefois que Merill a été rachetée par Bank Of America et Bear Stearns par Morgan Stanley, une partie du risque lié aux banques d'affaires est donc transmis aux Loan Servicers.

De façon plus émiettée, les banques qui ont octroyé les prêts en première instance, lorsqu'elles ne sont pas "loan servicer", seront poursuivables si des manoeuvres frauduleuses (telles que la surestimation des estimations du bien immobilier) peuvent leur être imputées.

De façon plus marginale financièrement, mais pas pénalement, des entreprises telles que LPS, cheville ouvrière de l'édition de documents frauduleux utilisées par les banques devant les tribunaux, ou encore les firmes d'avocats spécialisées qui utilisaient ces documents "rétro fabriqués", seront dans l'oeil du cyclone.

Le graphe ci dessous liste, par ordre d'importance, les grands "loan servicers". Il est à noter que les big 4 doivent une partie non négligeable de leur expositions aux rachats de canards boiteux tels que Countrywide (rachetée par BofA), WaMu (JP Morgan), Wachowia (par Wells Fargo), et que la façon dont ces rachats ont été décidés - avec aval de la FED et du trésor, ou sous contrainte ?- pourrait évidemment changer du tout au tout l'implication de la FED et du trésor dans la résolution du conflit.

 

 

 

 

 


2 ) Récapitulation des risques


Le tableau ci dessous essaie de citer les fourchettes les plus fréquemment admises par les grands médias (Bloomberg, Business Insider, WSJ) ou les blogs économiques les plus pointus sur le Foreclosuregate (TBP, Zero Hedge, Naked Capitalism) sur les risques de portefeuille des banques, sachant que les Top 5 des banques recensées ci dessus devront en supporter l'essentiel.

Attention: "risque" ne signifie pas "condamnation". Lorsque Bank Of America reconnait 375 milliards de plaintes contre elle, elle estime officiellement que moins de 10% se traduiront en remboursements. Ce n'est évidemment pas l'avis de l'avocat des plaignants !
 

 

Nature du risque
Fourchette ($)
Commentaires

Demandes de rachat de titres ou de prêts douteux. "Putbacks" dans la presse.

 
20 à 279 Milliards, fourchette large basée sur une trentaine d'estimations d'analystes.

Fourchette JP Morgan (seule estimation d'insider à ce jour): 80-220 Mds pour l'ensemble de l'industrie du crédit.
A noter: difficile de savoir quelle est la part des MBS que les banques ont en fait gardées par devers elles, et que bien sûr elles ne s'auto-rembourseront pas;

Les chiffres annoncés sont issus de la différence entre les rachats de prêts et ce que les banques forcées au rachat retireront de la forclusion des crédits basse qualité concernés. Les recettes intervenant après les dépenses, le risque de trésorerie peut être plus important

Bank Of America a dévoilé à la SEC que les poursuites dont elle était l'objet se montaient au total à 375 Mds pour l'instant.
Redressements fiscaux liés à l'usage illégal du MERS pour éviter les taxes locales 100-480 Mds - A noter toutefois le faible nombre d'analyses sur cette question, rendant l'estimation peu fiable Amnistiables ? Les collectivités locales US sont en faillite et n'ont sûrement pas envie de faire des cadeaux aux banques... Mais la fourchette haute relève à mon sens du wishful thinking des plaignants.
 
Redressements fiscaux liés à la violation du statut de REMIC Non chiffrés à ce jour Amnistiables ? politiquement difficile, mais qu'est-ce que Washington ne ferait pas pour les banques !
 
Renégociation forcée des prêts en état de forclusion au titre de dédommagement des emprunteurs pour usage de moyens frauduleux lors des faillites, et autres dommages et intérêts pour faute lourde des banques. Non chiffrée - Plus gros danger potentiel, mais très hypothétique Pure hypothèse de travail, non chiffrée à ce jour, mais qui, si elle se matérialise, constituera le premier foyer de pertes des banques. Surtout si une loi nationale force une dépréciation de TOUS Les emprunts en cours pour solde de tout compte et rétablissement de la chaîne hypothécaire.
 
Amendes de justice pour présentation de faux documents devant une cour Non chiffrable. Condamnation pénales en sus. Le procureur général de l'OHIO a menacé les banques d'amendes de 10 000$ par dossier frauduleux, d'autres états parlent de 25 000$. Pour l'Ohio, cela représenterait 11 Mds. Mais ce genre d'annonce sert généralement de base à une négociation. Le montant final sera sans doute plus faible.

 
Dépréciation des prêts HELOC et  "second lien" en portefeuille 160-240 Mds estimation prudente: 40 à 60% de la valeur de portefeuille actuelle, soit 426 Mds, seraient à inscrire dans les comptes du fait des procédures judiciaires en cours qui forceront à reconnaitre les pertes actuellement "délayées" par des artifices comptables.
 
Augmentation du coût de traitement des faillites à venir (délai des immobilisations plus long - procédures moins "robotisées" (!)) 24 à 140 Mds de coûts opérationnels et fiscaux à répartir sur plusieurs années.  2 à 6 Milliards par mois de retard supplémentaire pris dans le traitement des faillites, y compris la reconstitution des dossiers jugés invalides par les cours. 12 à 24 mois de retard supplémentaire à attendre.

La fourchette haute inclut la prise en compte des "property taxes" dues par la banque tant que la propriété est possédée par la banque ("REO"), taxes qui risquent de grimper si les banques ont un inventaire trop importante à écouler.

 

 

 

 

 

Comme vous le voyez, ce tableau comporte encore beaucoup de trous et d'incertitudes. Il a vocation à être régulièrement mis à jour. Ces pertes seront étalées dans le temps, et les banques tenteront de mettre ce temps à profit pour en minimiser l'impact. En contrepartie, les incertitudes sur les titres de propriété pourraient renforcer les incitations au défaut stratégique des propriétaires "underwater", ce qui introduirait de nouvelles pertes dans le système.

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Retrouvez la saga du Foreclosure Gate sur ObjectiEco.com :

 

 

 

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