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Vincent Benard

Vincent Benard

Vincent Bénard est analyste à l'Institut Turgot (Paris) et, depuis mars 2008, directeur de l'Institut Hayek (Bruxelles). C'est un spécialiste du logement et  de la crise financière de 2007-2008 (subprimes). Grand défenseur du libéralisme économique, Vincent décortique tous les errements des Etats providence !

Guerre contre les entreprises en France ultra libérale

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Selon certains, La France deviendrait “sociale libérale”. Pourquoi ? Parce que les étatistes qui dirigent le pays permettent à un ministre qui a compris que le socialisme, ça ne marche pas, d’introduire une dose infinitésimale d’alouette libérale dans notre gloubliboulga. En desserrant légèrement l’étreinte jugulaire qui enserre quelques secteurs, ils espèrent retarder l’explosion inéluctable du chômage et des systèmes sociaux, au delà de l’échéance électorale de 2017. Mais tous ceux (à commencer par moi, j’assume ma naïveté passée) qui avaient pu croire que M. Valls avait des vélléités libérales en sont pour leurs frais: Loi renseignement dont la Stasi n’aurait pas rêvé, refus de réformer les 35 heures, loi santé enfilant les perles liberticides, annonces d’un renforcement des mesures coercitives de l’état contre les mairies qui n’appliquent pas la loi SRU, et recadrage express d’Emmanuel Macron dès qu’il ose évoquer le statut des ponctionn… pardon, fonctionnaires: Valls n’est définitivement pas plus libéral que Hollande. C’est juste un pragmatique qui veut que le système survive à ses tares.

L’introduction d’une dosette d’un ersatz de libéralisme dans le brouet énarcho-admistré qui est le nôtre ne constitue pas un virage libéral. Comme je l’écrivais il y a presque deux ans,

Ce n’est qu’une tentative pérestroïcienne de sauver un système en train de sombrer. C’est une manœuvre désespérée dans le but d’éviter l’étouffement du troupeau de vaches que nos socialistes, de droite comme de gauche, ont pris tant de plaisir à traire pendant des décennies. Il n’est qu’un léger sursaut de lucidité du premier représentant d’une clique parasitaire qui se rend compte que la survie du système qui le fait vivre est menacée par l’asphyxie qu’il lui impose. Il n’y a rien de libéral dans le fait de ne pas faire crever son esclave : on lui redonne juste un peu d’air pour qu’il continue de nourrir ses maîtres.

Pendant ce temps, les affaires continuent. L’état Français ne change pas. En son sein, à tous les postes clé, émargent des gens qui ne voient l’entreprise que comme une source de nuisances et d’exploitation, ou comme une vache à traire.

Deux exemples récents sont venus me confirmer que la guerre menée par les forces paléo-étatistes qui tiennent encore de nombreuses position clé dans l’appareil décisionnel français, n’était non seulement pas terminée, mais battait son plein.
 

“Ton commerce, connaître, tu ne feras point”

Le premier de ces événements, passé relativement inaperçu, est l’entrée en vigueur, le 13 juillet de cette année, d’une nouvelle loi sur l’affichage, votée du temps du gouvernement précédent (loi “Grenelle” de l’Environnement, du très regrettable Jean-Louis Borloo). Vous voyez qu’une fois de plus, le clivage gauche droite est parfaitement suranné, les liberticides sont partout.

Cette loi stipule que tous les panneaux de “pré-enseigne” des commerces et autres activités sont interdits hors agglomération et dans les villes de moins de 10 000 habitants n’appartenant pas à une grande agglomération, introduisant au passage une inégalité devant le loi entre petites et grandes communes. Les dérogations seront accordées au compte goutte par les préfets ou les maires de communes s’étant dotées d’un “réglement local de la  publicité”, et ne concerneront que les monuments historiques, les manifestations temporaires (concerts, événements sportifs, braderies, fêtes de village, etc) et les commerces dédiés à “la vente de produits du terroir”.

Bref, la supérette ou le restaurant de petit bourg qui voulait faire savoir à l’automobiliste de passage sur la déviation dudit bourg, qu’il pouvait y manger, peuvent aller se faire voir: si la loi est appliquée (nous y reviendrons) dans toute sa rigueur, il leur sera impossible d’avertir le chaland de leur présence.

Sera-t-elle appliquée ? les associations écologistes, dont la très active “Paysages de France”, qui a initié la loi, et qui trouve le texte final encore trop mou, comptent bien y veiller. L’étude des comptes de l’association (rapport financier 2015) montre que les indemnités qu’elles touche en intentant des procès représentent la moitié de ses recettes (au demeurant modestes). Et malheur au saboteur environnemental qui se ferait dénoncer par ces chevaliers de la France sans publicité: il risque, outre la dépose à ses frais du panneau illégal, des amendes de 1500 à 7500 euros. Naturellement, les grandes enseignes pourront prendre le risque de jouer avec les limites de la règle, mais les petits devront renoncer à afficher leur activité. Une fois de plus, la loi est tendre avec les gros poissons, et dure avec les petits...

Le gouvernement nous livre un guide de 249 pages (!) pour aider les acteurs concernés à l’y retrouver: quelle est la taille maximale des panneaux ? Comment se doter d’un RLP ? Quels panneaux doivent faire l’objet d’une autorisation, quelles pièces à fournir, combien d’administrations seront consultées pour instruire une demande, etc… Ca sent la bonne sueur de bureaucrate, et le remplissage d’agenda de fonctionnaires devenus inutiles à qui il faut à tout prix justifier une existence, un salaire.

Selon la presse, ce seraient 600 000 à 1 million de panneaux qui devraient être effacés du fait de la loi.

Vous me direz que ces panneaux étaient une “pollution visuelle insupportable” qui encombraient, notamment, nos entrées de ville. Et bien… Justement, les entrées d’agglomérations de plus de 10 000 habitants ne sont pas concernées par ces restrictions. Ce seront les petites activités rurales, dont les affichages clairsemés ne sauraient être considérés comme “la” nuisance environnementale à abattre, qui vont le plus souffrir de cette loi dépourvue de tout discernement. Au lieu de permettre aux municipalités des grandes banlieues urbaines, les premières touchées par la prolifération publicitaire, de travailler main dans la main avec les professionnels pour rationaliser les zones d’affichages et les formats, le législateur a décidé d’emm… des dizaines de milliers de petits commerçants, artisans, et offreurs de services divers en milieu rural, menaçant leurs activités de pertes de chiffres d’affaires parfois irrémédiables.
 

URSSAF: 90% des entreprises menacées d’un redressement !

Une seconde occasion de consternation récente nous a été offerte par une grande habituée des avanies anti-entreprises, j’ai nommé l’URSSAF, cet organisme para-public à la source de 50% des prélévèments obligatoires en France, et d’un pourcentage bien plus élevé encore des tracas des chefs d’entreprise.

Un décret passé en catimini en juillet 2014 (pendant les vacances...) a modifié les règles de calcul des cotisations sur la part des salaires au dessus de 3100 Euros bruts. Et comme de juste, la modification, curieusement, a conduit à augmenter la facture des entreprises. Le décret étant peu connu et abscons, très peu d’entreprises ont fait le nécessaire au niveau de leur logiciel de paie. Résultat: 90% des entreprises seraient passibles de redressements !

Mais sans même ce décret, le Figaro nous apprend que le zèle contrôleur de l’URSSAF a atteint des records. Et le même article nous apprend que les mêmes décrets prévoient que la prise en considération du statut de “Jeune Entreprise Innovante”, permettant aux dites entreprises de bénéficier d’aménagements fiscaux, sera fortement restreinte.

Toutes ces modifications de cotisations, ajoutant à la hausse de la facture fiscale les coûts de son instabilité, ont été décidées par les administrations, en accord avec le gouvernement, sans la moindre décision parlementaire, par simple décret. La bureaucratie fait son chemin sans guère se soucier de ce vieux concept de souveraineté populaire, concept il est vrai tourné en ridicule par notre pseudo-démocratie depuis longtemps.
 

Guerre aux entreprises : le syndrôme de Filoche

Ces deux décisions, parmi bien d’autres qu’un seul article ne saurait recenser (aurais-je omis d’évoquer les avanies que le RSI fait subir aux entreprises ? Ce sera pour une autre fois…), ont été élaborées, proposées au parlement, voire prises sans s’encombrer de ces détails parlementaires, par des bureaucraties d’état qui ont développé une solide culture anti entreprises. Le plus fringant symbole de cet état d’esprit est l’ex-inspecteur du travail retraité Gérard Filoche, qui déverse sa bile anti-patronale quotidiennement sur Twitter, au point d’avoir un fan club d’opposants à ses idées qui se régalent de ses séquences de “trolling”, et qui se vante régulièrement d’avoir provoqué la faillite de nombreux patrons “voyous”, selon sa novlangue néo-marxiste. Et des Filoche, dans la fonction publique, on en trouve beaucoup.

Chaque semaine sont passées des lois ou pris des décrets visant à rendre l’activité entrepreneuriale juridiquement de plus en plus contrainte, et à réduire par voie fiscale la récompense de ceux qui parviennent à séduire des clients, tout en surmontant ce fardeau bureaucratique. Il s’agit bel et bien d’une guerre, selon les termes mêmes de Filoche et de ses clones disséminés aux portes du pouvoir, ou en son sein. Des ministres récents ou en exercice tels que Benoît Hamon, Arnaud Montebourg (dont une découverte tardive des duretés du secteur privé semble avoir quelque peu ébranlé son tropisme marxisant), ou Marisol Touraine, agissent selon la même dialectique, avec juste le verbe un peu plus policé.

Dans ce contexte d’étouffement permanent , le petit rayon de soleil amené dans les transports et quelques autres domaines marginaux par l’obstination (méritoire) d’Emmanuel Macron ne constitue qu’une timide éclaircie que nous acceptons faute de mieux, mais qui ne constitue en rien  l’explosion de liberté dont les notre économie aurait besoin. Les partisans du maintien des entreprises sous un régime de tutelle forte dominent très largement notre jeu politico-législatif. La guerre silencieuse contre la liberté d’entreprendre peut continuer.

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