Maintien dans l'euro ou Frexit ? Voilà un sujet central dans cette période électorale, mais qui concerne en fait tous les pays européens.
Les marchés ont applaudi la première place d'Emmanuel Macron au second tour, notamment parce que ce candidat est en pointe dans la défense de l'euro et la construction d'une Europe fédérale à terme.
Vous le savez, je ne crois pas à cette vision, comme je l'ai déjà dit ici il y a plusieurs années, et suis sur ce point totalement en phase avec des économistes libéraux comme Charles Gave :
Et les faits sont en train de confirmer largement ce que je pensais :
- Les productions industrielles au sein de la zone euro continuent de diverger, entre une Allemagne qui réalise des gains de productivité considérables, et une Europe du Sud qui ne parvient pas à suivre le rythme.
L'impossibilité d'ajustement par la parité monétaire condamne mécaniquement les entreprises des pays d'Europe du sud, qui ne peuvent plus vendre leurs produits à cause des coûts de production générés par un euro devenu trop cher pour eux. Avec toutes les conséquences sociales et économiques associées (chômage, manque de rentrées fiscales pour les états...etc).
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- Les échanges entre l'Allemagne et l'Europe du sud sont de plus en plus déséquilibrés, et le petit répit des années 2013-2014 généré par l'action de la BCE a déjà pris fin avec des balances Target 2 dont les déficits se creusent en Europe du sud. La fuite des capitaux de l'Italie vers l'Allemagne ces derniers mois est de plus en plus rapide, ce qui implique que notamment que les banques allemandes accumulent des créances vis à vis de débiteurs italiens ou espagnols de moins en moins solvables. La aussi, aucune possibilité de rééquilibrage puisque la parité fixe de l'euro bloque tout espoir d'ajustement.
Voici un premier graphique illustrant le déficit Target2 de l'Italie, déjà bien au dessus de celui de la mini-crise de l'euro (2011-2012). Ce graphique de zerohedge indique une fuite des capitaux qui se fait à un rythme de 10 milliards d'euros par mois pour l'Italie actuellement :
Et voici ce que donnent en global les échanges Target 2 (graphique de Yardeni.com) :
Pour répondre à ces divergences, il y a deux options :
- soit revenir aux monnaies nationales avec changes flottants, pour permettre les rééquilibrages entre les pays divergents, et permettre à l'Europe du sud de redevenir suffisamment compétitive.
-Soit renflouer en permanence les pays d'Europe du Sud, ce qui se fait déjà maintenant avec les "bailouts" de la Grèce puis le programme de quantitative easing de la BCE. Il s'agit dans les faits d'un début de fédéralisation de l'Europe, réalisé de façon non démocratique et sans l'aval des citoyens des différents pays européens.
Pourquoi je ne crois pas à cette seconde solution sur le long terme dans le cadre d'une Europe fédérale ? Tout simplement parce que 80 millions d'Allemands ne représentent pas une force suffisante pour pouvoir assister 130 millions d'Européens du sud ! Et que l'effort que cela demanderait aux allemands (déjà complètement intenable aujourd'hui) ne fera qu'amplifier au fur et à mesure que les compétitivités entre pays vont diverger et les déséquilibres s'aggraver. Cette solution fédérale est en réalité une utopie d'assistanat socialiste à grande échelle !
Alors pourquoi les dirigeants s'accrochent-ils autant à l'euro ? Tout simplement parce que la politique est l'art du court terme.
Préparer un Frexit (ou plutôt un démantèlement de l'euro) aujourd'hui, c'est choisir d'affronter un gros problème de face. Cela créera de vraies turbulences économiques (cependant largement exagérées et déformées par certains économistes et élus), cela demandera aussi sans doute des restructurations de certaines dettes nationales ou bancaires, avec des abandons de créances partiels négociés (sorte de "remise à zéro" des compteurs).
Les partisans du maintien dans l'euro ont clairement raison sur le court terme : à échéance de quelques trimestres, la solution qui consiste à acheter du temps en maintenant artificiellement la zone euro à flot est plus simple, plus rassurante et plus tranquille.
Ils ont par contre tort sur le long terme, parce qu'il arrivera un point où les déficits (Target 2) et les écarts de compétitivité deviendront tels que même la BCE finira par perdre le contrôle de la situation en perdant la confiance des marchés. Ce jour là l'euro implosera brutalement, de façon non préparée, et le chaos économique qui s'ensuivra sera bien incomparablement plus désastreux que les turbulences provoquées par une sortie préparée et réfléchie de l'euro aujourd'hui. Etant un long-termiste qui vit bien plus dans le futur que dans l'instant présent, vous comprendrez ma préférence pour le démantèlement de l'euro !
Et pour l'investisseur en actions aujourd'hui ?
Eh bien je dirais que quelles que soient nos convictions, il faut avant tout être pragmatique. La BCE déverse des dizaines de milliards par mois pour tenir à bout un système qui finira mal ? Il n'est pas interdit d'en ramasser quelques miettes lucratives parce que la plaisanterie pourrait bien durer encore quelques trimestres, chose que je m'efforce de faire avec les small caps de mon PEA (qui gagne 10% depuis le début de l'année au pointage d'hier, après 26% de gains en 2016).
Mais n'oubliez pas que ce que la BCE donne aujourd'hui sera repris par le marché lors de la prochaine crise. Il n'y a pas de miracles en économie, et on ne produit pas de richesses en imprimant des billets.
Alors si vous voulez garder vos sympathiques "miettes" de la BCE, il faudra aussi avoir anticipé à l'avance le scénario de la prochaine crise de l'euro et savoir comment réagir en sortant à temps. Le spread de taux entre Allemagne et Italie est un thermomètre qui pourra être bien utile à ce niveau (si il passe au dessus de 3% il faudra commencer à s'inquiéter) !