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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

Charles-Sannat

Lettre ouverte au Père Noel

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Mes chères contrariées, mes chers contrariens

Aujourd’hui, j’avais envie de partager avec vous ma lettre au Père Noël. Et justement en parlant de Noël, je voulais aussi vous parler des étrennes que vous allez verser à nos amis grecs (vous savez, ceux que l’on vient de sauver pour la 79e fois depuis cinq ans). 

Mon cher Petit Papa Noël,

Comme tu le sais, nous vivons dans un monde de pays qui pour ceux qui sont en meilleure santé sont surendettés et pour les autres carrément en faillite.

Ce qui m’inquiète dans tout ça Petit Papa Noël, c’est que beaucoup de gens souffrent depuis trop longtemps et qu’ils sont de plus en plus nombreux à travers le monde à tomber dans la pauvreté. Il y a même des « zéconomistes » qui parlent de trappe à pauvreté. Je n’ai pas très bien compris ce que ça voulait dire, mais mon papa (qui n’est pas le Papa Noël comme toi) me dit qu’une fois que tu es tombé dans la trappe à pauvreté, tu ne peux plus en sortir et que le grand méchant capital t’enferme dedans à triple tour. 

Alors quand je contemple l’état du monde, je me rends compte que tout cela va finir par poser de grands problèmes sociaux et que nous allons avoir plein de problèmes dans les années qui viennent.

Alors Petit Papa Noël, ce qui serait vraiment bien, c’est que tu puisses :

-       Annuler les dettes de tous les pays sans que nous ayons à faire faillite et que mon papa et maman perdent toutes leurs économies.

-       Permettre à tous les pays de ne pas réduire leurs dépenses car de toute façon on ne sait jamais quoi baisser et qu’il y a toujours une bonne raison pour continuer à dépenser.

-       Faire que tout le monde donne un peu de sous aux Restos du Cœur parce que cette année ils vont en avoir bien besoin.

-       Pourrais-tu prévoir une nouvelle copine aussi pour notre ministre du Redressement productif. Il a été plaqué par son ancienne qui l’a annoncé par SMS, ce qui n’était pas très gentil de sa part.

-       Pourrais-tu prévoir le retour magique de la croissance éternelle sur la terre, parce que je crois que tous nos grands mamamouchis n’espèrent que ça, mais leurs danses de la croissance ne fonctionnent pas. Il faut que tu les aides. Chez Auchan, je n’ai pas trouvé de pack croissance au rayon jouet, donc je ne sais pas comment te décrire le paquet que tu devrais nous livrer.

-       Pourrais-tu nous livrer de nouvelles monnaies avec de nouvelles planches à billets. Surtout pour Mario Draghi à la BCE qui n’a toujours pas compris comment marchait l’ancien modèle. Il faudra donc lui prévoir un mode d’emploi, ainsi qu’une copie pour une fille qui s’appelle Angela et mon papa dit qu’elle dit toujours « Nein »… Il paraît que Ben Bernanke, lui, il a cassé la sienne tellement il a fait fonctionner son jouet ces dernières années.

-       Il faudrait que tu offres un travail à tous ceux qui n’en ont pas, et d’après Michel Sapin (de Noël), tu vas avoir beaucoup de travail, parce que franchement le travail c’est ce qui manque de plus en plus. Si tu as trop de cadeaux à offrir et donc trop de boulot, sache qu’il y a quelques millions de gens que tu peux embaucher sous forme « d’emplois d’avenir » pour t’aider à livrer les paquets.

-       Est-ce que tu pourrais livrer un cerveau à l’Europe, parce que là, ils font à peu près n’importe quoi avec des sous qu’ils n’ont pas et en venant se servir directement dans les poches de mon papa sans même lui demander son avis. Papa me dit que c’est ce que l’on appelle les impôts et que contrairement à son salaire, ça augmente tous les ans.

-       Petit Papa Noël, est-ce que tu pourrais nous offrir une fin de crise ? Ça serait bien.

 

Voilà Petit Papa Noël, j’espère que tu recevras bien ma lettre et que tu pourras me donner tous ces cadeaux. Mais papa me dit que toi tu ne livres que des jouets « made in China » parce que l’on a tout délocalisé, que l’on ne produit plus rien, et qu’en plus on fait travailler les enfants pour que tu puisses nous amener des cadeaux pas cher.

Je suis sûr que ce n’est pas possible et que mon papa il raconte n’importe quoi ! Les cadeaux du Père Noël ils sont fabriqués par des lutins au pays des jouets… Oui… des lutins mineurs de moins de quinze ans. C’est moins cher. Les prisonniers aussi c’est pratique.

 

Le nouveau sauvetage de la Grèce

Bon, vous devez être au courant : nous avons trouvé une nouvelle solution pour sauver la Grèce. Ça c’est une bonne et excellente nouvelle. Je vous laisse lire le concert d’éloges (habituel depuis cinq ans) qui a suivi ainsi que l’ovation générale des grands mamamouchis européens.

« La Grèce et plusieurs de ses partenaires ont salué mardi comme un nouveau départ le compromis dégagé par l'UE et le FMI afin de verser au pays les prêts déjà promis et prendre les mesures nécessaires pour dompter son énorme dette. » Pour moi, la dette grecque est plutôt indomptable mais nous y reviendrons plus tard.

« Nous avons posé les bases pour que la dette grecque, le problème le plus torturant et déstabilisateur pour le pays, redevienne viable », a déclaré en soirée le Premier ministre grec, Antonis Samaras. «  La Grèce a ainsi "réussi à assurer sa place dans l'euro" ». La place de la Grèce dans l’euro est plutôt comparable à un strapontin… La Grèce ne tiendra pas.

Le président français François Hollande a estimé que l'accord conclu à Bruxelles constituait une « résolution de la crise grecque allant permettre de lever tous les doutes sur l'avenir de la zone euro ». L’essentiel c’est qu’il y croit et qu’il explique à la France entière que le pire de la crise est derrière nous.

« Le cadre décidé à l'Eurogroupe est un nouveau départ (...), c'est positif grâce aux sacrifices du peuple grec », a déclaré Evangélos Vénizélos, chef du Pasok socialiste et principal allié du gouvernement de coalition. Je pense que le peuple grec apprécie avec toute la saveur nécessaire le principe de sacrifice.

Plus significatif, vous aurez remarqué que les marchés financiers européens ont également réagi prudemment.

Alors concrètement, cette fois-ci comment avons-nous sauvé la Grèce ?

Un compromis qui ne fait que renvoyer le problème aux calendes grecques

Les Européens ont décidé de débourser un total de 43,7 milliards d'euros, dont une première tranche de quelque 34 milliards versée normalement le 13 décembre et le reste au cours du premier trimestre 2013.

Concernant la dette, FMI et zone euro ont trouvé un compromis sur un panachage de mesures visant à la ramener à 124 % du PIB d'ici 2020, contre un objectif initial de 120 % défendu par le FMI.

Le problème, c’est qu’une dette ramenée dans huit ans au mieux à 124 % du PIB (qui se réduit d’année en année je le rappelle sous l’effet d’une dépression majeure) ne permettra jamais à la Grèce de sortir la tête de l’eau, dans la mesure où l’Italie dont la dette venait d’atteindre les 120 % a fait l’objet d’attaques très fortes de la part des marchés. Par définition, une dette qui dépasse les 100 % de PIB devient bien souvent incontrôlable.

Cela représente un allègement d'environ 40 milliards d'euros d'ici à 2020. Les États européens ou leur fonds de secours, le FESF, détiennent en effet l'essentiel de la dette hellénique en circulation (70 %). Mais l'Allemagne, notamment, ne voulait pas entendre parler d'une solution qui aurait mis trop ouvertement le citoyen allemand à contribution avant des élections cruciales outre-Rhin, en 2013.

Un nouvel échéancier de remboursement

Pour contourner ce problème et faire en sorte que facilement cela coûte le moins cher possible, les 17 États membres de la zone euro ont donc décidé d'allonger à 30 ans la durée des prêts bilatéraux accordés à la Grèce dans le cadre du premier plan d'aide de mai 2010, et d'en réduire – une nouvelle fois – les taux d'intérêt de 1 %.

D’autre part, le paiement des intérêts des prêts du FESF est repoussé de 10 ans.

Les États s'engagent également à reverser à la Grèce les profits réalisés par la BCE (et l'ensemble des banques centrales nationales) sur les obligations grecques rachetées par l'Euro système pour soutenir le pays alors que ces profits devaient normalement leur revenir sous forme de dividendes payés par les banques centrales nationales. Cela dit il n’y a rien de choquant à ne pas s’enrichir sur le dos du peuple grec.

Le FMI a conditionné néanmoins la poursuite de l'aide de son institution à la mise en place d'un programme de rachat de sa propre dette par la Grèce, grâce au financement européen. Cette opération ne sera conclue que le 12 décembre.

L’objectif est de racheter les titres échangés sur les marchés à des prix très bas par rapport à leur valeur d'émission (puisque personne n'en veut vu que la Grèce est en faillite.

Non la Grèce n’est encore une fois pas sauvée

Pour le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble, cet accord « ne coûte rien aux contribuables allemands ».

Quant à Pierre Moscovici notre ministre de l’Économie, il a indiqué « une ambiguïté constructive nécessaire, faute de quoi les accords ont du mal à être signés parfois ».

Alors si on résume, nous avons sauvé la Grèce de façon ambiguë sans que cela ne nous coûte rien. De deux choses l’une : soit nous n’avons rien sauvé, soit cela va nous coûter cher.

Charles SANNAT

Directeur des Études Économiques Aucoffre.com

 

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