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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

Charles-Sannat

«Les Etats doivent pouvoir faire faillite ! »

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Mes chères contrariées, mes chers contrariens !

Aix-en-Provence est une très jolie ville du sud de la France (je sais, vous savez), et il s’y est passé des choses remarquables ces derniers jours.

Vous savez que je ne suis qu’un économiste de la France d’en bas qui a simplement voulu et souhaité rendre intelligible au plus grand nombre ce que certains esprits très sérieux voudraient appeler une science…

Justement, à Aix-en-Provence se réunit tous les ans un tas d’économistes très sérieux qui font partie des grands médias, des grandes banques, des grandes universités et tout le tintouin. Des vrais sérieux. Bref, je ne sais pas si vous avez remarqué mais en général sérieux, langue de bois et politiquement correct sont des notions qui marchent ensemble, surtout si vous souhaitez garder votre place et votre fiche de paie bien grasse de la fin du mois. Mieux vaut savoir se taire et brosser dans le sens du poil nos zélites.

Moscovici hué par les zéconomistes !

C’est la première fois de ma vie que je vois et j’entends le sinistre de l’Économie se faire huer de la sorte par l’élite économique de notre pays.

C’est évidemment une très bonne chose mais cela révèle surtout le fossé immense, béant qui existe désormais entre un gouvernement d’une incompétence crasse et fondamentalement idéologue, subissant la situation sans aucune politique et les corps intermédiaires qui font tourner notre pays et les classes moyennes qui s’effondrent sous la double pression du chômage et des augmentations d’impôts.

Alors nous avons eu droit à un Moscovici pathétique expliquant sans convaincre que les zhommes politiques et les zéconomistes ne font pas le même métier…

Cette phrase, qui a provoqué également un petit moment d’hilarité dans la salle, prouve s’il en était encore besoin la bêtise de nos ministres qui décidément n’ont strictement rien compris au film qui se déroule sous leurs yeux.

Car Monsieur Moscovici, sachez que désormais, et depuis maintenant quelques années, c’est bien le poids d’une économie hypertrophiée et dans tous ses domaines qui conditionne fondamentalement tout acte politique.

Sachez Monsieur le « ministre » avec un tout petit « m » que toute politique ne peut plus se définir par essence même que par rapport à l’économie. Nous pouvons mener une politique avec, une politique contre, une politique pour des systèmes économiques.

Depuis plus de 10 ans, ce gouvernement, comme ceux qui l'ont précédé, accompagne le développement d’un système économique et d’intérêts financiers privés en ayant abdiqué totalement toutes les prérogatives politiques, démocratiques et de souveraineté attachées aux mandats électifs confiés par les peuples.

Comment pouvez-vous dire que politiques et économistes ne font pas le même métier alors que tous les faits prouvent et montrent indubitablement que notre classe politique ne fait plus que servir la soupe à des groupes de pressions organisés sous forme de lobbies dans l’opacité la plus totale en étant, dans bien trop d’exemples, soumis à des conflits d’intérêt, dont le dernier en date touche ni plus ni moins que le Président Hollande Normal 1er, parfaitement normal dans ce monde d’argent et d’appât du gain dans la mesure où l’une de ses plus proches collaboratrices serait l’épouse du patron d’un très grand groupe français qui fabrique des tubes pour l’exploitation gazière et pétrolière… D’où la sortie de Madame Batho sur l’exploitation des gaz de schiste dans notre pays.

Nous n’envoyons presque plus de jeunes gens mourir dans des tranchées (ce qui constitue un prôgrèès) mais comme le disait Mitterrand, la guerre est devenue économique et ses victimes sont les chômeurs et les peuples qui s’appauvrissent chaque jour qui passe pour conforter les bénéfices d’une petite caste de moins en moins nombreuse.

Aujourd’hui, plus que jamais dans l’histoire de humanité, la politique est devenue économique. Les politiques doivent reprendre en main l’économie et ne pas céder la politique et la démocratie à des intérêts privés. C’est pourtant ce qui se passe depuis trop longtemps.

C’est ce qui explique notre incapacité collective à apporter des réponses à cette crise qui non seulement n’en finit pas (n’en déplaise à Normal 1er) mais qui, on peut le prévoir sans se tromper, va s’aggraver, avec des conséquences sociales et sociétales dont nos concitoyens bercés d’illusions n’imaginent pas un seul instant l’ampleur des conséquences qu’ils devront affronter… et des drames qu’ils risquent de subir.

Pendant ce temps, toujours à Aix, Jens Weidmann annonce qu’un pays doit pouvoir faire faillite !

Jens Weidmann n’est pas n’importe qui puisqu’il s’agit du patron de la Banque centrale allemande surnommé la Buba. Il est également membre du conseil des gouverneurs de la BCE.

Il a fait deux sorties forts passionnantes lors de son intervention devant les zéconomistes sérieux d’Aix en espérant que Mosco était encore là pour l’écouter car il semble avoir besoin de quelques cours de rattrapage intensif en économie, compte tenu de ses compétences et de son poste.

Pour Weidmann, la BCE ne peut pas résoudre la crise !

La BCE n’est pas en mesure de résoudre la crise de la zone euro, elle « fait beaucoup » pour « absorber les conséquences économiques de la crise. » « Mais elle ne peut pas résoudre la crise. »

Il a parfaitement raison car la politique monétaire accommodante ou pas de la Banque centrale européenne ne pourra jamais apporter de réponse par nature politique (n’est pas Monsieur Moscovici) aux causes suivantes :

- La mondialisation doit-elle se poursuivre avec ses cohortes de délocalisations, de fermetures d’usines, de destructions d’emplois, de diminution de notre capacité à produire des richesses donc de la croissance ?

- La politique européenne de l’austérité pardon, de la « consolidation budgétaire » qui amplifie les récessions créant de la déflation dans les pays européens et in fine leur insolvabilité doit-elle être poursuivie ?

- L’euro, une monnaie unique construite pour des raisons politiques et non pas d’efficacité économique, est-il une force pour les 17 économies hétérogènes de la zone euro ? La réponse est bien sûr que non et tout le monde le sait, alors comment sortir de cette impasse monétaire ?

- Les monceaux de dettes accumulés ne pourront jamais être remboursés. Comment en sortir alors que les remboursements étouffent les peuples et des pays entiers sans aucun espoir de réussite au bout du chemin ?

Et il ne s’agit là que des éléments les plus importants, mais cette liste n’est pas exhaustive. Il y a, par exemple, un autre point essentiel qui est la raréfaction des ressources et des matières premières.

Alors non, les réponses à ces questions, nos politiques ne veulent pas les apporter car cela remettrait en cause l’ensemble du cadre établi. Prisonniers de certitudes. Prisonniers de prises de décisions automatiques répondant à des schémas pré-établis, voilà comment fonctionne notre élite, comparable à des poulets sans tête (ce qu’ils pourraient finir par devenir au sens propre du terme lorsque l’on voit le ressentiment des zéconomistes faisant partie des êtres les plus policés), ou encore à des zombies incapables d’incarner la moindre vision.

Ce que Jens Weidmann vient de dire c’est que les réponses à la crise ne peuvent être que d’ordre politique ! Tout le reste, et c'est ce que fait la BCE, c’est de l’intendance et de la gestion d’affaires courantes. L’heure des grands choix approche.

Mais ce n’est pas tout. Pour lui, les pays doivent pouvoir faire faillite !

Et l’on finit par y venir, parce que c’est une évidence, une évidence évidente depuis cinq ans. Sauf que nous y viendrons au bout du bout, qu’entre-temps cela aura coûté très cher à de trop nombreux pays, propulsant dans la faillite 17 pays au lieu de quelques petites nations périphériques.

Vous êtes en train de contempler les drames provoqués par l’incompétence crasse d’élites se sentant supérieures, par leur manque de courage, de valeurs morales et de lucidité. Tout cela nous allons le payer, nous les peuples, car oui… nous allons faire faillite. Des pays entiers vont faire faillite et croyez-moi, cela ne sera pas drôle du tout.

Voici la phrase exacte du gouverneur de la Banque centrale allemande : « Pour permettre à la monnaie unique d’exprimer l’intégralité de son potentiel économique, il faut que des efforts soient déployés sur deux fronts, celui des réformes structurelles et celui de l’abolition absolue des garanties consenties aux banques et aux emprunts souverains. » « Nous devons faire en sorte que dans le cadre d’un système de contrôle national et de responsabilité nationale, il puisse être possible qu’un emprunt souverain fasse défaut sans menacer le système financier. »

Voici en gras les deux passages les plus importants de sa déclaration. Bon, cela reste du langage codé de banquiers et de grands mamamouchis. Pour nous, les Français d’en bas, cela peut se traduire concrètement de la façon suivante :


Si une banque fait faillite et menace l’intégrité d’un État, eh bien on la laisse couler et on sauve le pays… Un peu comme les Islandais que tout le monde critique. Normal et logique, et c’est exactement ce que je pense et dis depuis le début de la crise. Si une banque est trop grosse pour être sauvée, ne la sauvons pas, en tout cas pas au détriment des peuples et de pays entiers.

Ensuite, et c’est encore plus important, il indique, ce qui est un vœu pieux et une circonvolution oratoire, qu’un emprunt souverain fasse défaut sans menacer le système financier. Cette phrase est bidon, bien entendu. Un pays comme la France ne peut pas faire faillite sans mettre un bazar indescriptible dans le « système financier mondial » ; non, l’important dans sa phrase, c’est que vous pouvez remplacer « emprunt souverain » par "pays" !

Car un emprunt souverain représente la dette d’un pays (ou une partie). Lorsqu’il dit qu’un emprunt souverain doit pouvoir faire faillite, il nous indique clairement (pour ceux qui veulent comprendre) que des pays, et pas des moindres, vont faire faillite. Sans doute après les élections allemandes du 22 septembre.

Alors de vous à moi, maintenant que les choses sont dites y compris par un mamamouchi, que les zéconomistes sérieux se fichent ostensiblement de la tête de hareng de notre sinistre de l’Économie, que le gouverneur de la plus grosse banque centrale européenne affirme que les pays doivent faire faillite, je crois qu’il est temps d’accélérer nos préparatifs.


Charles SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/

Ceci est un article 'presslib', c'est à dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, Directeur des études économiques.  Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitementwww.lecontrarien.com 


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