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Jacques SAPIR

Jacques SAPIR

Diplômé de l'IEPP en 1976, a soutenu un Doctorat de 3ème cycle sur l'organisation du travail en URSS entre 1920 et 1940 (EHESS, 1980) puis un Doctorat d'État en économie, consacré aux cycles d'investissements dans l'économie soviétique (Paris-X, 1986).
A enseigné la macroéconomie et l’économie financière à l'Université de Paris-X Nanterre de 1982 à 1990, et à l'ENSAE (1989-1996) avant d’entrer à l’ École des Hautes Études en Sciences Sociales en 1990. Il y est Directeur d’Études depuis 1996 et dirige le Centre d'Études des Modes d'Industrialisation (CEMI-EHESS). Il a aussi enseigné en Russie au Haut Collège d'Économie (1993-2000) et à l’Ecole d’Économie de Moscou depuis 2005.

Il dirige le groupe de recherche IRSES à la FMSH, et co-organise avec l'Institut de Prévision de l'Economie Nationale (IPEN-ASR) le séminaire Franco-Russe sur les problèmes financiers et monétaires du développement de la Russie.

Le coût d’un maintien dans l’euro

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L’Union européenne traverse aujourd’hui crise majeure. Ceci a pu être constaté dans l’absence total d’enthousiasme avec lequel furent célébrés les soixante ans du Traité de Rome. L’union européenne ne fait plus recette.

A l’origine de cette crise on trouve l’Euro, qui déséquilibre économiquement l’UE et la rend incapable d’intégrer au moins une partie des réfugiés qui se pressent à ses portes. Pourtant, la monnaie unique se voulait le couronnement de la construction européenne. En réalité, elle cause son déclin, elle provoque sa ruine et elle pourrait la conduire à la mort. Elle corrode les fondations économiques et sociales des pays qui l’ont adopté, elle met à mal le modèle social et elle s’avère contradictoire avec la démocratie. La monnaie unique suscite aussi, peu à peu, la montée de comportements tyranniques, un gouvernement de règles qui s’oppose au gouvernement des lois votées par les Parlements. C’est cela qui produit en réaction, mais qui aussi justifie, une vague dite « populiste » sans précédent et sans égal.

Seule l’Allemagne semble y échapper ; ce n’est pas un hasard. L’Euro a été conçu par et pour l’Allemagne. Permettant une sous-évaluation de la monnaie allemande, sous évaluation qui a été évaluée à -15% par rapport à ce que devrait être le taux de change d’un Deutsch Mark maintenu, l’Euro entraine aussi une surévaluation des monnaies de pays comme la France, l’Italie[1] et l’Espagne[2]. Cela se traduit par l’énorme excédent commercial structurel de l’Allemagne au détriment de ses voisins, un excédent commercial qui porte en lui la fin de l’Union européenne.

Graphique 1

img class="aligncenter size-large wp-image-5854" src="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2017/03/A-01-Allemagne-Exced-Com-500x307.jpg" alt="" width="500" height="307" srcset="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2017/03/A-01-Allemagne-Exced-Com-500x307.jpg 500w,

Sources : base de données du FMI (octobre 2016)

Cet excédent aurait dû produire une réévaluation de la valeur de la monnaie allemande, tout comme il aurait, normalement, conduit à la dépréciation de la valeur des autres monnaies par rapport à la monnaie allemande. Or, ceci est impossible du fait de l’Euro dont le fonctionnement ici s’apparente aux parités de change du « bloc-Or » de sinistre mémoire dans les années 1920 et 1930. Ce « bloc-Or », encensé par les uns, mais décriés par les autres, fut un des principaux propagateurs de la crise de 1929 en Europe.

L’Allemagne avait ainsi une balance commerciale déficitaire de -1,4% du PIB en 1999 ; elle se retrouve avec un excédent de plus de 8% en 2015. Surtout, cet excédent ne cesse de s’accroître depuis l’introduction de l’Euro. Les crises désormais sont permanentes depuis 2010. Elles conduisent a des politiques budgétaires stupidement restrictives adoptées pour « sauver l’Euro », qui entrainent une chute historique des investissements pesant non seulement sur la croissance mais sur le bien-être des populations. Les crises à répétition entre les pays de l’UE les dressent les uns contre les autres, et menacent la coopération européenne comme jamais auparavant. L’Euro constitue un défi et un danger pour l’état d’esprit européen. Le constat est désormais partagé par de nombreux économistes. Qu’il s’agisse de Lord Mervyn King, l’ancien gouverneur de la Bank of England ou Banque centrale du Royaume-Uni, qui vient de publier un livre[3] où il étrille l’Euro, de plusieurs prix Nobel, dont Joseph Stiglitz[4], ou d’un livre co-écrit par plusieurs économistes[5] – tous pensent de même. De fait, le nombre d’économistes de renom aujourd’hui opposés à l’Euro ne cesse de monter.

Ils ne sont pas les seuls. Des politiques de premier plan, comme Oskar Lafontaine (ex dirigeant du SPD et fondateur du parti Die Linke[6]), Stefano Fassina, ancien ministre du gouvernement de centre-gauche en Italie[7], ont joint leur voix aux critiques. Ces critiques sont le versant policé de la montée des mouvements populistes dans les différents pays européens, que ce soit le Mouvement 5 étoiles en Italie, PODEMOS en Espagne, le Front National en France, ou des mouvements similaires au Pays-Bas et même en Allemagne (avec l’AfD qui vient d’entrer dans le parlement de la Sarre à l’occasion des élections régionales allemandes). Et cela nous mène à une question évidente: pourquoi donc l’Euro a-t-il été mis en place ?

  1. L’histoire de l’Euro
Le projet est ancien. La réflexion sur une monnaie unique européenne date de la fin des années 1960 avec le rapport Werner[8]. Les obstacles étaient, eux aussi et déjà, bien connus. En 1977, le président de la Commission européenne de l’époque, le Britannique Roy Jenkins, proposa la création d’une monnaie unique pour les pays qui composaient alors la Communauté économique européenne. Mais il liait sa proposition à un budget communautaire dont le montant s’élèverait à 10 % du produit intérieur brut (PIB) des Etats membres. Cette idée était techniquement logique, mais elle fut politiquement rejetée par la totalité des pays concernés. Elle l’est toujours aujourd’hui, alors que le budget de l’Union européenne ne dépasse pas les 1,25% du PIB. Or, sans budget fédéral, l’Euro ne peut fonctionner. Malgré cette faiblesse, on a institué l’Euro tout en sachant que le budget dédié à son fonctionnement était insuffisant. Cela appelle plusieurs explications.

Depuis la fin des années 1980, et en particulier avec le Traité de Maastricht entré en fonction en 1993 et qui a créé l’Union européenne s’est ainsi affirmé un projet politique : mettre en place des institutions fédérales ou encore supranationales. Or, ces institutions avaient été, et sont toujours, rejetées par les peuples européens à chaque fois que l’on a consenti à leur demander leur avis. Rappelons-nous le projet de Traité Constitutionnel, rejeté par référendum par la France et les Pays-Bas en 2005. Il fallait donc ruser. Les dirigeants européens ont donc consciemment construits des institutions incomplètes, dont l’Euro est le meilleur exemple, en espérant que les crises naissant de cette incomplétude amèneraient les peuples à consentir, dans l’urgence, ce à quoi ils s’étaient refusés de manière raisonnée. Mais, cette ruse a failli. Les crises se sont multipliées, les unes après les autres. Pourtant, aucune n’a pu engendrer ce dépassement fédéral que les pères de l’Euro appelaient de leurs vœux. Le gouvernement français est bien seul, aujourd’hui, à porter le projet fédéral. Même le gouvernement allemand, qui fut longtemps son meilleur allié, se détourne désormais d’une logique politique qui ferait peser sur ses seules épaules le fardeau de la mise en place de ce fédéralisme. Ainsi se contente-t-elle de défendre un statu-quo qui l’avantage à l’évidence.

Nous sommes dans une impasse. Ne pouvant aller au-delà, et n’osant pas retourner en deçà, nous sommes condamnés à la crise. Au-delà, l’Euro détruit lentement les vieilles nations au sein desquelles s’était construite et consolidé la démocratie. Avec le traité sur la coopération et la gouvernance, dit aussi TSCG, que François Hollande fit ratifier en septembre 2012, c’est la maîtrise du budget, élément essentiel de notre souveraineté, qui est retirée aux élus de la Nation. Les politiciens organisent ainsi leur propre impuissance pour fuir leurs responsabilités. On réaffirme alors un dogme : « l’Euro protège ». Mais, de quoi, et comment, cela n’est jamais dit, et pour cause… « L’Euro favorise la croissance » est un autre point du crédo, que démentent pourtant les faits les plus évidents. L’Euro n’est pas – et ne peut pas être – un objet économique. Il n’est même pas un objet politique. Il est devenu un fantasme, celui qui dévoile en réalité ce grand désir de nombreux responsables et dirigeants politiques de se fondre dans une masse indifférenciée pour échapper à leurs responsabilités.

  1. La « bonne nouvelle » des économistes et l’imposture
Il faut donc revenir sur les origines de l’Euro. Il nous fut présenté comme une terre de grandes promesses ; mais elle s’est depuis, transformé en celle du grand mensonge. Tels les trois mages des évangiles, trois principales contributions, celles de Robert Mundell, de R. McKinnon et de Peter Kennen, sont venues porter la « bonne nouvelle ». Pourtant, des études récentes montrent le contraire.

La théorie des zones monétaires optimales (ou ZMO) a été énoncée par l’économiste Robert Mundell en 1961[9]. Elle entend fonder les raisons théoriques de l’existence de zones où il serait avantageux d’avoir une seule et même monnaie. Deux ans plus tard, c’est Allan Robert McKinnon qui apporta sa pierre à l’édifice[10]. Il explique que plus l’ouverture d’une économie sur l’extérieur est importante, plus l’importance du taux de change s’en trouve réduite. L’intérêt d’un ajustement par le taux de change devenait faible. Quant à Peter Kennen[11], il montrait que, si l’économie d’un pays était diversifiée, cette diversification réduisait l’ampleur de ce que les économistes appellent des « chocs exogènes », et permettait à ce pays d’être lié à d’autres par un taux de change fixe. De ces travaux, on pouvait donc déduire qu’un pays avait intérêt à se lier à d’autres par une monnaie unique sous réserve que le capital et le travail soient parfaitement flexibles, qu’il soit très ouvert sur le commerce international et que son économie soit largement diversifiée. Certains économistes avaient déduit des mouvements monétaires extrêmement importants qui s’étaient produits de 1975 à 1990 que la sensibilité des exportations (et des importations) au prix de ces produits était faible dans l’économie moderne. S’était alors développée l’idée que le commerce international se jouait essentiellement sur la qualité des produits. De même on a prétendu démontrer que des pays tireraient des avantages économiques importants d’une monnaie unique. Cette dernière était censée engendrer une augmentation très forte des flux commerciaux entre les pays de la zone monétaire ce que prétendait démontrer Andrew K. Rose[12]. Une littérature extrêmement favorable aux unions monétaires se développa, décrivant les monnaies nationales comme des « obstacles » au commerce international[13] et à l’augmentation de la production et des échanges potentiels[14]. L’union monétaire européenne allait créer les conditions de réussite de la « Zone Monétaire Optimale[15] », dans un mouvement qui semblait devoir être endogène[16].

Il y eut les déclarations imprudentes de divers hommes politiques affirmant que l’Euro allait conduire, de par sa seule existence, à une forte croissance. Jacques Delors et Romano Prodi ont affirmé que l’Euro allait favoriser la croissance européenne de 1% à 1,5% par an et ce pour plusieurs années[17]. Ils furent bien mauvais prophètes, car la croissance de la majorité des pays de la zone Euro se situe sous la ligne des 2% par an.

Graphique 2

img class="aligncenter size-large wp-image-5855" src="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2017/03/A-01-1A-500x361.jpg" alt="" width="500" height="361" srcset="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2017/03/A-01-1A-500x361.jpg 500w,

Source : FMI

  1. Le cauchemar de la réalité
Les recherches conduites sur des données plus complètes et plus rigoureuses, ont fortement réduit, voire annulés, les effets positifs de l’union monétaire[18]. La méthode économétrique utilisée était défectueuse[19]. Ces modèles ne prenaient pas en compte la persistance du commerce international[20]. Ceci devait aboutir à la remise en cause des résultats. Harry Kelejian a repris les diverses estimations des effets d’une union monétaire sur le commerce international des pays membres[21]. Les résultats sont dévastateurs. L’impact de l’Union économique et monétaire est estimé à une croissance du commerce de 4,7% à 6,3%, soit très loin des estimations les plus pessimistes des travaux antérieurs qui plaçaient ces effets à 20%, et ceci sans même évoquer les premières analyses de Rose qui les situaient entre 200% et 300%. En dix ans, on a réduit l’effet de 10 à 1 (de 200% à 20%[22]), puis une nouvelle réduction a ramené ces effets à une moyenne de 5% (un facteur de 4 à 1)[23]. Les effets positifs ont donc été largement surestimés, à l’évidence pour des raisons politiques.

On avait aussi avancé l’idée que l’Union monétaire et financière réduirait les risques des à-coups de la conjoncture économique[24], ce que l’ont appelle le risk-sharing un thème devenu aujourd’hui l’un des arguments des défenseurs de l’Euro[25], régulièrement convoqué pour expliquer que l’Euro « protège ». Mais, le risk-sharing, quand il peut être mesuré, est bien plus le fait de mécanismes budgétaires que de l’unification d’un marché monétaire et financier[26]. Dans le cas de notre zone, il n’est pas évident que l’on ait un quelconque effet de cette sorte[27]. Sur ce point aussi, il est clair que les partisans de l’Euro ont menti.

  1. L’Euro et la faible croissance de l’économie européenne
Or, si l’effet, sur le commerce international produit par une zone monétaire est faible, il faut en déduire qu’inversement l’effet des prix (ce que l’on appelle la « compétitivité coût ») est nettement plus important que ce qu’en dit le discours dominant[28]. Ceci redonne toute son importance aux dévaluations pour restaurer la compétitivité de certains pays.

L’impact du taux de change sur les balances commerciales était connu. La rapidité du « rebond » de la Russie en 1999 et 2000 en particulier[29], a été l’un des principaux arguments allant dans ce sens. Les économistes du FMI ont réalisé une étude assez systématique sur une cinquantaine de pays[30]. Ils ne trouvent aucun signe de la fameuse « déconnexion » tant citée entre les flux du commerce international et les taux de change. L’étude montre qu’en moyenne, pour une dépréciation du taux de change de 10%, on obtient un gain de 1,5% du PIB. L’Euro fut donc vendu aux populations (et aux électeurs) sur la base de mensonges répétés, mensonges enrobés dans un discours se donnant pour scientifique, mais qui ne l’était nullement. Il y a donc eu manipulation, non pas tant des économistes que des politiques qui se sont servis de leurs travaux. Il s’est construit ce qu’il faut bien appeler un mensonge. L’Euro ne pouvait avoir de bases démocratiques.

On peut comparer les taux de croissance annuel entre une sélection des 9 pays les plus importants de la zone et le reste des pays développés. L’écart du taux de croissance moyen est, par an, d’environ 1% entre les pays de la zone Euro et les autres pays. Pourtant, ces pays ont connue eux aussi leur lot de problèmes, qu’il s’agisse des États-Unis ou du Royaume-Uni.

L’écart est encore plus spectaculaire si on le compare aux résultats de la Suède, pays européen qui a justement refusé d’adhérer à l‘Euro, ou au Canada. On mesure ainsi les effets délétères de l’Euro sur la croissance. La crise de la zone Euro a aggravé ce freinage. L’Euro a freiné la sortie de crise, voire a aggravé cette dernière dans de nombreux pays. La crise de 2007-2010 a été plus facilement surmontée dans les pays qui n’avaient pas l’Euro que dans ceux qui l’avaient. L’Euro n’a donc nullement « protégé » les pays de la zone. Si l’on prend en compte le PIB par habitant, meilleur indicateur de la richesse réelle d’une population, un seul pays a vu son PIB par habitant s’accroître de manière conséquente par rapport à 1999, c’est l’Allemagne. C’est d’ailleurs le seul pays de la zone où le PIB par habitant se soit accru après la crise financière, de 2008 à 2015. De fait, l’Allemagne est le seul pays de la zone à avoir des chiffres de croissance comparables à ceux des pays ne faisant pas partie de l’Euro, comme le Canada, le Royaume-Uni, la Suède, ou les États-Unis.

Tableau 1

Comparaison entre la croissance des pays de la zone Euro et 5 autres pays de l’OCDE

  PIB en 2015, indice 100=1999 Taux de croissance moyen sur 1999-2015 Taux moyen sur 1999-2007 Taux moyen sur 2008-2015
Belgique 125,6% 1,43% 2,23% 0,6%
Finlande 128,2% 1,56% 3,73% -0,6%
France 122,2% 1,26% 2,11% 0,4%
Allemagne 121,5% 1,23% 1,64% 0,8%
Grèce 104,7% 0,29% 4,07% -3,4%
Italie 102,9% 0,18% 1,48% -1,1%
Pays-Bas 121,6% 1,23% 2,28% 0,2%
Portugal 106,2% 0,38% 1,52% -0,8%
Espagne 130,6% 1,68% 3,74% -0,3%
Total 9 pays de la zone Euro 119,1% 1,10% 2,18% 0,0%
Canada 142,3% 2,23% 2,80% 1,7%
Suède 140,2% 2,14% 3,24% 1,0%
Royaume-Uni 134,9% 1,89% 3,00% 0,8%
Etats-Unis 137,5% 2,01% 2,65% 1,4%
Source : base de données du FMI

La chute est importante pour les autres comme dans le cas de la Grèce (-3,2% par an depuis 2008). Elle est significative pour la Finlande, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. Si l’on retirait l’Allemagne de l’échantillon on verrait que le bilan de la zone Euro est encore plus négatif.

La chute des investissements, elle aussi spectaculaire, compromet pour sa part le développement de l’économie pour les prochaines années et annonce l’équivalent d’une décennie perdue pour les pays de la zone Euro. L’investissement s’est contracté dans la plupart des pays considérés. La chute, faible en ce qui concerne l’investissement global, est significative pour l’investissement par habitant. Cela se traduit par le non-renouvellement du stock de capital par personne. Le contraste est alors saisissant avec les pays ne faisant pas partie de la zone Euro.

Tableau 2

Chute de l’investissement productif

  Investissement global Investissement par habitant
  Niveau de 2015 en pourcentage de 1999 Taux de croissance annuel moyen Niveau de 2015 en pourcentage de 1999 Taux de croissance annuel moyen
Belgique 120,8% 1,2% 109,8% 0,6%
Finlande 114,9% 0,9% 107,9% 0,5%
France 122,9% 1,3% 111,9% 0,7%
Allemagne 96,2% -0,2% 97,1% -0,2%
Grèce 47,2% -4,6% 46,7% -4,7%
Italie 77,2% -1,6% 73,0% -2,0%
Pays-Bas 97,0% -0,2% 90,6% -0,6%
Portugal 53,6% -3,8% 52,6% -3,9%
Espagne 100,5% 0,0% 86,5% -0,9%
9 pays de la Zone Euro 98,3% -0,1% 92,5% -0,5%
Canada 163,2% 3,1% 138,2% 2,0%
Suède 157,8% 2,9% 142,2% 2,2%
Royaume-Uni 123,8% 1,3% 111,9% 0,7%
Etats-Unis 120,2% 1,2% 104,4% 0,3%
Source : base de données du FMI



Graphique 3

img class="aligncenter size-large wp-image-5856" src="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2017/03/A-01-InvPerCap-500x304.jpg" alt="" width="500" height="304" srcset="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2017/03/A-01-InvPerCap-500x304.jpg 500w,

Source : Base de données du FMI

 Les seuls pays qui échappent à cette tendance sont la Belgique, la Finlande et la France. Cette contraction est importante en Italie et en Espagne, et catastrophique au Portugal et en Grèce. Ces derniers pays ont le même niveau d’investissement que celui qui était le leur au milieu des années 1980. La partie du continent européen qui vit sous le joug de l’Euro a donc vu le capital fixe par habitant stagner depuis 1999. Or, ce dernier est constitué de choses concrètes, comme des logements, des infrastructures, des routes, des ponts, des voies de chemin de fer ou des aéroports, des systèmes d’adduction d’eau, des systèmes de communication, mais aussi un capital plus directement productif, composé de machines, de bâtiment pour loger ces machines, et ainsi de suite.

C’est bien pourquoi la stagnation de cet investissement par habitant, voire sa diminution, présente une telle menace pour le niveau de vie futur des populations européennes. A contrario, les pays qui ne sont pas dans l’Euro, la Suède, le Royaume-Uni, pour n’évoquer que les pays européens, le Canada et les États-Unis pour l’Amérique du Nord, ont continué à accroître le capital par habitant.

On constate ainsi les aspects extrêmement délétères de l’euro que ce soit sur l’économie française ou sur celle d’un grand nombre de ses voisins, à l’exception de l’Allemagne. Cette dimension doit être gardée à l’esprit dans le débat qui s’ouvre sur l’euro dans le cadre de l’actuelle campagne présidentielle. Quels que soient les risques, imaginaires ou réels, que comporte une sortie de l’euro, il convient d’avoir conscience qu’un maintien dans l’euro nous conduira à un approfondissement de toutes les tendances négatives que nous connaissons depuis ces dernières années. Le coût d’un maintien dans l’euro excède de loin les risques qu’une sortie de ce dernier nous ferait courir. L’euro, établit sur des mensonges et des approximations répétées se conclut d’ailleurs par d’autres mensonges, ceux sur les risques qu’une sortie de l’euro est supposée nous faire courir.

Notes

[1] Bagnai A., « Italy’s decline and the balance-of-payments constraints : a multicountry analysis » in International Review of Applied Economics, n°20, 2016, pp. 1-26.

[2] IMF, 2016 External Sector Report, 18 juillet 2016, Washington, International Monetary Fund, Washington, D.C.

[3] King, Mervyn A., The End Of Alchemy: Money, Banking And The Future Of The Global Economy, Londres, Little, Brown (à paraître)

[4] Stiglitz Joseph E., The Euro: And its Threat to the Future of Europe, New Yok, Allen Lane, 31 mai 2016, (à paraître)

[5] Coll. L’Euro est-il mort ?, Paris, Editions du Rocher, 2016.

[6] La déclaration se trouve dans le journal Neues Deutschlandhttp://www.neues-deutschland.de/artikel/820333.wirbrauchen-wieder-ein-europaeisches-waehrungssystem.html ainsi que sur le blog d’Oskar Lafontaine : http://www.oskar-lafontaine.de/linkswirkt/details/f/1/t/wir-brauchen-wieder-ein-europaeischeswaehrungssystem/

[7] Fassina S., « For an alliance of national liberation fronts », article publié sur le blog de Yanis Varoufakis par Stefano Fassina, membre du

Parlement (PD), le 27 juillet 2015, http://yanisvaroufakis.eu/2015/07/27/foran-alliance-of-national-liberation-fronts-by-stefano-fassina-mp/

[8] Aris M. et N. M. Healey, « The European Monetary System », in N. M. Healey, The Economics of the New Europe, Londres-New York, Routledge, 1995, p. 45-67

[9] Mundell R., « A theory of optimum currency areas », in The American Economic Review, vol. 51, n°5,‎ 1961, pp. 657-665.

[10] McKinnon R.I., « Optimum Currency Area » in The American Economic Review, Vol. 53, No. 4, 1963, pp. 717-725

[11] Kenen, P.B., “The Theory of Optimum Currency Areas: An Eclectic View, ” in Mundell R.A. et A.K. Swoboda (edits) Monetary Problems of the International Economy, Chicago, Ill., Chicago University Press, 1969.

[12] Rose, A.K., « One money, one market: the effect of common currencies on trade », Economic Policy Vol. 302000, pp.7-45 et Rose, Andrew K., “Currency unions and trade: the effect is large,” Economic Policy, Vol. 33, 2001, 449-461.

[13] Rose, A.K., Wincoop, E. van, « National money as a barrier to international trade: the real case for currency union », American Economic Review, Vol. 91, n°2/2001, pp. 386-390.

[14] De Grauwe, P., Economics of Monetary Union, New York: Oxford University Press, 2003. Frankel, J.A., Rose A.K., « An estimate of the effect of currency unions on trade and output », Quarterly Journal of Economics, Vol. 108, 2002, n°441, pp. 1009-25.

[15] Laurentjoye T., La théorie des zones monétaires optimales à l’épreuve de la crise de la zone euro, Formation « Économie des Institutions », EHESS, Paris, septembre 2013.

[16] Frankel, J.A., Rose A.K., « The endogeneity of the optimum currency area criteria », Economic Journal, Vol.108, 449, 1998, pp.1009-1025. De Grauwe, P. Mongelli, F.P., «Endogeneities of optimum currency areas. What brings countries sharing a single currency closer together? », Working Paper Series, 468, European Central Bank, Francfort, 2005.

[17] Sapir J., Faut-il sortir de l’Euro ?, Le Seuil, Paris, 2012.

[18] Bun, M., Klaasen, F., « The euro effect on trade is not as large as commonly thought», Oxford bulletin of economics and statistics, Vol. 69, 2007, pp. 473-496. Berger, H., Nitsch, V., « Zooming out: the trade effect of the euro in historical perspective », Journal of International money and finance, Vol. 27 (8), 2008, pp. 1244-1260.

[19] Persson T., « Currency Unions and Trade : How Large is the Treatment Effect ? » in Economic Policy, n°33, 2001, pp. 435-448 ; Nitsch V., « Honey, I Shrunk the Currency Union Effect on Trade », World Economy, Vol. 25, n° 4, 2002, pp. 457-474.

[20] Greenaway, D., Kneller, R., « Firm hetrogeneity, exporting and foreign direct investment », Economic Journal, 117, 2007, pp.134-161.

[21] Kelejian, H. & al., « In the neighbourhood : the trade effects of the euro in a spatial framework », Bank of Greece Working Papers, 136, 2011

[22] Du travail initial de A.K. Rose datant de 2000 mais réalisé en fait entre 1997 et 1999 « One money, one market: the effect of common currencies on trade », Economic Policy 30, op.cit., au travail de R. Glick et A.K. Rose, datant de 2002, « Does a Currency Union Affects Trade ? The Time Series Evidence », op. cit..

[23] Bun, M., Klaasen, F., « The euro effect on trade is not as large as commonly thought», Oxford bulletin of economics and statistics, op.cit., estiment l’effet « positif » de l’UEM à 3%, ce qui le met largement dans l’intervalle d’erreurs de ce genre d’estimations.

[24] Artis M. et M. Hoffman, « Declining Home Bias and the Increase in the International Risk Sharing: Lessons from European Integration » , CEPR discussion Papers, 6617, 2007 ; Afonso A. et D. Furceri, « EMU enlargement, stabilization costs and insurance mechanisms », in Journal of International Money and Finance , vol. 27, 2008, pp. 169-187 ;

[25] European Commission, (2007), «Focus: cross-border risk sharing: has it increased in the euro area? », Quaterly report on the euro area, n°3, Bruxelles.

[26] Clévenot M et V. Duwicquet (2011), « Partage du risque interrégional. Une étude des canaux budgétaires et financiers aux États-Unis et en Europe », in Revue de l’OFCE 2011/4 (n° 119), p. 5-33.

[27] Duwicquet V. et J. Mazier, (2011), «Financial integration and macroeconomic adjustment in a Monetary Union », in Journal of Post Keynesian Economics, hiver 2011.

[28] C’est le sens d’une note rédigée par P. Artus, « C’est la compétitivité-coût qui devient la variable essentielle », Flash-Économie, Natixis, n°596, 30 août 2013.

[29] Sapir J., « The Russian Economy: From Rebound to Rebuilding », in Post-Soviet Affairs, vol. 17, n°1, (janvier-mars 2001), pp. 1-22.

[30] Leigh, D, W Lian, M Poplawski-Ribeiro et V Tsyrennikov (2015), “Exchange rates and trade flows: disconnected?”, Chapitre 3 in World Economic Outlook, IMF, Octobre 2015.
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