
(graphique : Bloomberg)
Et les taux longs espagnols, bien qu'ayant baissé depuis l'annonce du plan, restent à des niveaux élevés et proches de 6% :

Nous sommes ici bien loin d'une action offensive de rachats massifs de dette, visant à ramener ces taux à leurs niveaux d'avant crise.
L'explication de cette situation est bien sûr à chercher du coté de l'Allemagne : Ce pays est lourdement exposé à la crise des dettes souveraines des pays d'Europe du Sud, via trois canaux :
- L'endettement de son système bancaire, à levier très élevé (le leverage ratio des grandes banques allemandes est supérieur à 25, parfois 30 ou 35).
- La créance de la balance Target 2 que la Bundesbank détient vis à vis de la BCE, donc indirectement de l'Europe du Sud.
- Les engagements de l'état allemand dans les plans de "stabilisation financière" européens (programmes également connus sous le nom de "cavalerie" ou de "fuite en avant dans la dette").
Cette exposition peut être estimée à au moins 50% du PIB allemand, on comprend donc aisément que l'Allemagne cherche à éviter toute crise conduisant à la dislocation de l'eurozone, en particulier avant les échéances électorales de 2013.
Mais dans le même temps, les électeurs et contribuables allemands n'ont aucune envie de prendre à leur charge le train de vie des ménages d'Europe du Sud.
Angéla Merkel en est donc réduite à jouer l'équilibriste, c'est à dire faire juste ce qu'il faut pour éviter la dislocation de l'eurozone, tout en maintenant le plus de pression possible sur les pays d'Europe du Sud pour les contraindre à plus de rigueur et calmer ainsi l'électeur-contribuable allemand.
Cette politique permet certainement de gagner un peu de temps, mais elle n'empêchera pour moi pas l'implosion de l'eurozone.
Une union monétaire formée de pays très inégaux sur le plan de la compétitivité, et dotés d'un marché du travail limitant fortement l'ajustement des salaires conduit obligatoirement à des déséquilibres massifs entre les balances des paiements des pays membres, qui aboutissent ensuite à un surendettement intenable pour les états les plus faibles.
Pour sortir de l'impasse créée par une union monétaire en voie de dislocation, il n'y a que deux solutions :
1) Arrêter l'union monétaire et retourner aux monnaies nationales, avec au préalable un programme de restructuration des dettes généralisé. C'est pour moi la voie saine et raisonnable, vu que nous sommes dans un contexte où il sera impossible d'ajuster les salaires au niveau qui serait nécessaire au rétablissement des équilibres de compétitivité entre pays membres de l'union.
2) Mener une politique de transferts de fonds massive et durable des pays les plus compétitifs vers les pays les moins compétitifs : L'Europe du Nord subventionnerait alors fortement l'Europe du Sud pour combler les trous au fur et à mesure qu'ils se creusent. Cette solution est souhaitée bien entendu par les keynésiens partisans du fédéralisme européen, et elle est de nature typiquement socialiste et collectiviste. Elle n'est pour moi pas viable, car il s'agit d'un jeu où tout le monde sera perdant :
- Les entreprises d'Europe du Nord verront leur compétitivité étouffée par les prélèvement fiscaux et sociaux nécessaires pour renflouer l'Europe du Sud.
- L'Europe du Sud vivra sous régime d'assistanat, et les entreprises d'Europe du Sud ne pourront toujours pas retrouver la compétitivité nécessaire, à cause d'une monnaie trop forte pour elles (les rigidités salariales ne permettant pas les ajustements nécessaires).
L'économiste Jacques Delpla, en tant que fédéraliste et partisan du maintien de l'euro est partisan de la seconde solution, via sa proposition d'allocation chômage européenne. Je ne partage pas évidemment pas ses vues, mais il a au moins le courage d'annoncer clairement la couleur, et d'aller au bout de sa logique keynésienne, contrairement à beaucoup d'autres qui n'osent évidemment pas avouer aux contribuables leurs intentions réelles et les conséquences du fédéralisme (une autre proposition de cet économiste étant de taxer massivement le patrimoine des français pour restructurer la dette publique...Les lecteurs de ce site apprécieront comme il se doit cette belle idée keynésienne ...et surtout se méfieront du jour où un responsable politique s'en emparera !).
On notera que ce même économiste annonce la faillite prochaine de l'Espagne et du Portugal, d'ici deux à trois ans, tout en pensant que la restructuration de la dette de ces pays permettra d'éviter l'implosion de l'eurozone. Nous verrons bien, mais pour ma part je ne crois pas aux miracles, surtout dans ce type de situation de grande crise où les dissensions incitent plus à la séparation qu'aux accords d'union
Loïc Abadie