Comme c’est aujourd’hui la journée de l’Europe, je tenais à partager avec vous un moment d’émerveillement sur une nouvelle innovation keynésienne proposée par un valeureux technocrate européen, qui repousse toujours plus loin les limites de l’absurde et pourrait permettre d’éradiquer définitivement tous les déficits budgétaires.
Vous le savez sans doute, tous les pays d’Europe du Sud (mais aussi la France et quelques autres) ont des déficits publics insoutenables sur le long terme, et la récession qui s’étend de nouveau en Europe n’arrange rien à la situation, en réduisant les recettes des états et en augmentant les demandes d’allocations sociales diverses.
Mais heureusement, Mario Monti, un technocrate de la commission européenne récemment nommé à la tête du conseil italien (sans cette perte de temps inutile appelée « élection », qui pourrait gâcher la fête européenne) a trouvé la solution miracle, détaillée par l'AFP :
Jusqu’ici un budget public était établi en faisant le total des recettes et le total des dépenses, et il y avait déficit quand l’administration dépensait plus qu’elle ne gagnait.
Mais si la proposition de Mario Monti est adoptée, on pourra retirer du total des dépenses les « investissements stratégiques d’avenir » de l’état (la définition de "l'investissement stratégique étant bien entendu laissée au choix des technocrates définissant les comptes publics), et « pendant trois ans les investissements dans (l'internet à) haut débit ou l'agenda numérique ».
Une fois notre total de dépenses ainsi « recalculé » et « réduit », il n’y aura plus de déficits publics en Europe, et les états pourront dépenser encore plus en « investissements stratégiques d’avenir » (comme ils l’ont déjà fait jusqu’ici avec les brillants résultats que nous observons aujourd’hui, en Grèce par exemple), tout en ayant un budget « équilibré ».
Vous pourrrez aussi profiter de l’occasion et de cette journée festive européenne pour dire à votre banquier de ne plus inscrire dans la colonne débit de votre compte vos achats d’ordinateurs, de voitures, de rénovation de votre maison, parce que ce sont des « investissements stratégiques d’avenir ». Il sera sans doute très réceptif.
Une fois que l’équilibre budgétaire aura ainsi été restauré dans toute l’Europe grâce à cette comptabilité innovante (on pourrait même obtenir de larges excédents si on enlève suffisamment d’ "investissements stratégiques d’avenir" dans le calcul des dépenses, pourquoi pas en Grèce dès 2012 par exemple), il restera juste un petit problème à régler :
Il faudra quand même placer de la dette auprès d’investisseurs pour financer les « investissements stratégiques » qui ne sont plus des dépenses, mais qui coûteront quand même des sous bien réels. Et il n’est pas du tout certain que ces investisseurs se basent sur la « nouvelle comptabilité » pour évaluer le risque et le taux associé pour leur emprunt.
A moins que les technocrates de la BCE décident d’imprimer des billets pour les payer directement.
Dans les deux cas, il est très peu probable que la comptabilité sauce Monti aide à restaurer la confiance en Europe !
Cette invention constitue malgré tout pour Mr Monti un « des chemins qui puissent mener à plus de croissance sans sacrifier des principes chers aux Allemands et à moi-même »…bravo à lui d’arriver à garder son sérieux en prononçant cette phrase !
Un achat massif de matériel informatique à la Chine, permis par un bidouillage comptable et payé par nos emprunts , va donc créer d’innombrables emplois en Europe, tout en rétablissant l’équilibre budgétaire de nos pays. La logique technocrate et keynésienne au centre du projet européen est quand même magnifique non ?
La suite du discours de Mario Monti vaut également le détour, vu qu’il nous promet que « "L'Europe est à un tournant important: il faut à la fois maintenir le cap en matière de stabilisation économique et renforcer les mesures pour une croissance durable et la création d'emploi"
Nous allons donc « maintenir le cap en matière de stabilisation économique » (les grecs et tous les autres pays retombés aujourd’hui en récession apprécieront). L’IBEX 35, indice de la bourse espagnole est aujourd’hui sur le point de casser ses plus bas de 2009, la « stabilisation économique » est en marche !
Quand à « renforcer les mesures pour une croissance durable et la création d'emploi », voilà qui promet également au vu des résultats déjà obtenus :
taux de chômage en Europe
Les « mesures pour une croissance durable et la création d’emploi » à l’œuvre depuis 2008 (plans de relance, quantitative easing et autres) ont ainsi permis au taux de chômage de passer de 7% en 2008 à 10,9% aujourd’hui dans l’union Européenne, et d’exploser à plus de 20% en Espagne et en Grèce. Nous attendons donc maintenant leur « renforcement » !
Mario Monti constate enfin que « une fracture s'est créée entre les élites, les dirigeants et les peuples. Il est très difficile de trouver un bon équilibre »…Cette fois il est dans le vrai, ça risque effectivement d’être très difficile à l’avenir. Et certains technocrates européens à la comptabilité innovante risquent d'ailleurs d’en faire les frais.
Joyeuse fête de l’Europe à toutes et à tous !
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Loïc Abadie