
Cet enthousiasme s’explique par le programme politique de Shinzo Abe, qui consiste à ouvrir en (encore plus) grand les vannes des dépenses publiques et du crédit, en faisant acheter cette dette par la banque centrale japonaise : Selon le business Time, le parti de Shinzo Abe prévoit d’engager un nouveau plan de relance de 2400 milliards de $ (40% du PIB japonais). Le japon n'était pourtant pas un modèle de rigueur avant cette élection: Bien au contraire, sa situation budgétaire était plus qu’alarmante, avec un déficit voisin de 10% du PIB en 2012, et une dette publique prévue atteindre 236% du PIB en brut et 144% du PIB en net pour 2013...Presque de quoi élever la Grèce, l'Espagne et le Portugal au rang de bons élèves, mais cela n'inquiète visiblement pas Shinzo Abe, décidé à progresser encore plus vite sur la route de la fuite en avant dans la dette.
La hausse de la dette publique japonaise n'avait jusqu'ici inquiété personne, parce qu'elle fonctionnait suivant un modèle bien éprouvé : la balance commerciale excédentaire, grâce à un solide secteur privé exportateur, fournissait au japon et aux ménages épargnants une manne qui les aidait à acheter la dette publique de leur pays, pour préparer (terme bien optimiste dans le contexte actuel !) leur retraite.
Aujourd'hui, ce modèle touche à sa fin : la balance commerciale japonaise est devenue négative de façon régulière depuis 2011, pour la première fois depuis plusieurs décennies :

Shinzo Abe va donc devoir faire tourner la planche à billets pour financer le déficit public, dans l’hypothèse (probable) où la demande des épargnants japonais ne suffirait plus à absorber ce flot de nouvelles dettes. Et c'est là que le cas japonais nous intéresse, puisque ce mode de financement du déficit public est aussi celui qui a été choisi par la FED (avec ses programmes de quantitative easing à répétition), et la BCE (via ses rachats directs ou indirects de dettes publiques des pays d'Europe du Sud, qui font que l'Europe est devenue aujourd'hui une sorte d'état fédéral où les pays d'Europe du Nord subventionnent ceux du sud, bien entendu sans la moindre consultation démocratique des peuples concernés).
Le Japon est engagé bien plus loin que l'Europe et les USA sur la route du surendettement, il serait donc logique que ce soit la première grande économie à subir une crise de la dette à grande échelle (donc non contrôlable par l'action d'une banque centrale), avec une dévaluation de sa monnaie et une restructuration massive de sa dette publique. Ce n’est sans doute pas encore d’actualité, et le plan du nouveau premier ministre pourrait provoquer une nième reprise fantôme en 2013…Mais le jour où cette crise se produira, ce sera le signal de fin de partie pour toutes les autres économies qui suivent actuellement le modèle japonais, à commencer par les USA.
Surveillez donc attentivement ce qui se passera au Japon dans les trimestres à venir !
En attendant cela, les économies européennes et américaines semblent s'engager de plus en plus dans la "japonisation", c'est à dire une situation associant une stagnation économique et boursière, des taux proches de zéro, une inflation faible, et une dette publique en progression rapide sous l'effet de la répétition des plans de "relance" ou de "stabilisation".
Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d'année 2012, et à très bientôt sur objectifeco.
Loïc Abadie