Pour que j'aie tort, ce qui est évidemment possible, vu que la situation actuelle est bien plus complexe que celle de 2007, et que nous n'avons pas de réel précédent historique sur lequel s'appuyer pour analyser la situation, il faudrait :
- Un bon accord des partis politiques aux USA, et de l'ensemble des pays de l'eurozone, pour poursuivre la politique de fuite en avant dans la dette sans limite de durée. On verrait alors la FED racheter la dette publique américaine autant que nécessaire, et la BCE faire de même avec la dette des pays d'Europe du Sud (mais aussi celle de pays comme la France).
- Que la Chine poursuive et intensifie également sa politique de soutien à l'expansion d'une bulle de crédit axée sur l'immobilier et le surinvestissement.
- Que le marché accepte cette situation, c'est à dire qu'il continue à accorder sa confiance aux pays pratiquant les politiques de fuite en avant cités plus haut, sans dévaluer leurs monnaies.
Si ces conditions sont vérifiées, alors on peut parfaitement imaginer que l'Europe et les USA rééditent à leur manière le modèle japonais, avec une dette publique qui dépasserait 100, 150 puis 200% du PIB, tout en conservant des taux très bas (les banques centrales absorbant à volonté les dettes émises pour financer les déficits publics), avec une inflation très réduite.
Qu'est-ce que cela donnerait sur les marchés ?
Quelque chose comme ceci, c'est à dire des marchés englués dans un range horizontal ou faiblement baissier, avec des vagues de hausse ou de baisse de 2 à 5 ans en moyenne, et des épisodes de récession faible à modérée entrecoupés de reprises anémiques.
Nikkei de 1993 à 2012 :

Soyons clair : Nous savons tous que l'intervention des banques centrales ne débouchera jamais sur une vraie création de richesses. Imprimer des bouts de papier ne pourra jamais permettre à un pays de retrouver une croissance réelle (seuls quelques illuminés comme le président du Zimbabwe ou le prix nobel Paul Krugman croient à ce genre de fables), et nous en avons aujourd'hui de nouveau la preuve, avec le retour du Japon dans une récession assez marquée (PIB en recul à un rythme annualisé de -3,5%), et en passe de perdre son seul grand atout, à savoir sa balance des paiements qui était excédentaire jusqu'ici.
Par contre, ces banques centrales (et les gouvernements qui les ont mises en place) sont capables de remplacer une crise courte mais intense (restructuration de la dette en excès) par une longue période de marasme (qui sera suivie ensuite par une crise encore plus sérieuse, issue inéluctable de toute fuite en avant dans la dette).
Les graphiques du SP500 américain et de l'Eurostoxx commencent aujourd'hui à ressembler de plus en plus fortement à celui du Nikkei, à savoir un range plus ou moins horizontal de longue durée.


Et nous avons des points communs avec le Japon : une démographie vieillissante et une dette publique qui progresse régulièrement, sans que cela ne provoque de tensions sur les taux des emprunts publics (en dehors du cas particulier de l'Europe du Sud).
Que faudra-t-il faire dans un tel contexte ?
1) S'intéresser à d'autres pays pour les investissements en actions (Thaïlande, Inde, Brésil par exemple) pour échapper à la stagnation des indices européens et américains sur le long terme.
2) Pour les investissements en Europe, privilégier les petites valeurs offrant un fort rendement sur dividende et / ou une décote importante. Tous les supports indiciels sont interdits dans un contexte "japonais" à l'investisseur de long terme, puisque les indices ne progressent pas (et que l'inflation, même faible, finit par éroder le capital détenu). Il existe aujourd'hui de nombreuses petites valeurs cotées en bourse offrant un rendement de plus de 6% avec un niveau de risque raisonnable qui méritent tout notre intérêt.
3) Investir une partie de son patrimoine en or et monnaies solides (type dollar singapourien).
4) Limiter les tentatives de spéculation à la baisse : Le biseau ascendant que j'ai décrit aux USA dans mes derniers points marchés est pour moi une figure clé. Pour l'instant je privilégie encore le scénario déflationniste "dur", et insiste (raisonnablement) à la baisse à chaque excès d'optimisme, quitte à faire une année "blanche" comme en 2007. Mais si cette figure devait être invalidée (par de nouveaux plus hauts aux USA), alors le scénario "japonais" deviendrait pour moi le plus probable : Je serais alors amené à faire évoluer ma stratégie en augmentant ma part de small caps au sein de mon patrimoine (ma liste de valeurs est prête, et je compte publier prochainement un dossier spécial sur ce sujet), et en limitant les positions baissières à la simple protection du portefeuille, à chaque gros excès d'optimisme.
Je n'en suis pas encore là, et n'envisage quoi qu'il en soit en aucun cas un nouveau marché haussier de longue durée, à un moment où l'aversion au risque est au plus bas depuis l'été 2007, avec un ratio VFICX/VWEHX qui vient de passer sous les 1,72 hier (1,718).

Loïc Abadie