Je voyais ce moment arriver à la fin de la crise mais il a débarqué bien plus vite que je ne le pensais, notamment aux USA.
Rappelons les différentes étapes d'une fuite en avant de plusieurs décennies dans les pays occidentaux (et au Japon) pour tenter de contrer les effets d'une démographie vieillissante et de relancer une croissance en voie d'épuisement :
Etape 1 : simple baisse des taux pour relancer le crédit et ainsi la consommation.
Cette étape a démarré en gros durant les années 1990, puis s'est accélérée après l'implosion de la bulle internet en 2001-2002. L'appétit pour le crédit était encore important et les capacités d'endettement des ménages suffisantes pour pouvoir créer un cycle de croissance "acheté à crédit" par l'endettement des ménages (et un peu des entreprises).
Etape 2 : Quantitative easing
A partir de 2008, l'implosion de la bulle de crédit aux USA fait que les capacités d'endettement des ménages devenaient trop limitées, et la simple baisse des taux ne suffisait plus. Les banques centrales ont alors utilisé la planche à billets du quantitative easing, mais de façon indirecte, en rachetant des obligations pour baisser les taux d'intérêt, mais aussi commencer à financer la hausse des déficits publics.
Ces liquidités déversées dans le système ont généré des bulles d'actifs multiples, qui ont surtout profité aux plus riches (qui avaient déjà du patrimoine), et assez peu aux autres classes sociales.
Dans certains pays comme le Japon, la banque centrale a gonflé directement la bulle d'actifs en achetant sur le marché des paniers d'actions (ETF sur le Nikkei).
Etape 3 : helicopter money
A un moment, malgré des taux au plancher à zéro, et des bulles d'actifs générales, les interventions précédentes ne suffisent plus pour pousser la population (totalement saturée de crédit) à consommer plus.
Au cours de l'étape 2, l'état a pu commencer à "découvrir" le fruit défendu, c'est à dire la possibilité de laisser filer les déficits grâce au financement des banques centrales. Lors de l'étape 3, cette découverte va s'étendre à l'ensemble de la population.
Cette fois le maître du jeu n'est plus la banque centrale, mais l'état lui-même, qui va distribuer directement de l'argent à la population pour qu'elle consomme, en faisant financer ses dépenses et déficits à taux zéro (ou presque) par la banque centrale.
C'est ni plus ni moins que le retour à la classique planche à billets massive des siècles précédents !
Avec le Cares act, les américains ont ainsi pu toucher un chèque "covid" de 1 200$, et chaque chômeur américain se voit attribuer une allocation plus que généreuse de 600$ / semaine (2400 $ / mois !). Ceci jusqu'en juillet, mais pouvant être étendu jusqu'en fin d'année dans de nombreux cas comme l'explique la CNBC
Des centaines de millions d'américains viennent donc de découvrir avec émerveillement que l'argent gratuit pouvait tomber du ciel, sans qu'il y ait besoin de travailler pour consommer ensuite. Et que apparemment, cela n'avait absolument pas attaqué le pouvoir d'achat du dollar. Un vrai conte de fées d'argent gratuit et sans effort donc, et évidemment ils en redemandent !
Dans un récent sondage, ils étaient ainsi plus de 80% (quasiment autant à droite que à gauche de l'échiquier politique) à souhaiter que le chèque de 1200$ devienne mensuel. Avec santé gratuite pour tous et autres aides.
75 ans de stabilité et de prospérité déjà, rappelons le, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. De quoi donner le sentiment à un pays, ou une civilisation d'être totalement invulnérable et à l'abri du risque, de quoi croire à l'existence de l'argent gratuit également et à la force éternelle du dollar US.
Si le peuple le veut, les politiques suivront sans doute. Après le "Cares act", un "Heroes act" est donc en préparation, avec 3 000 milliards de $ d'argent gratuit à la clé. Il sera sans doute révisé par le Sénat républicain, mais finira par passer sous une forme ou une autre. Le déficit public américain devrait être proche de 20% du PIB en 2020. Autant en un an que sur les six dernières années cumulées !
Il y a quand même deux gros soucis avec l'argent gratuit :
- Toutes les expériences historiques du même type se sont soldées par une catastrophe (destruction de la valeur de la monnaie concernée et du pouvoir d'achat des citoyens : Weimar, Zimbabwe, Vénézuéla et Amérique latine).
- Si l'état vous donne de l'argent gratuit pour consommer et vivre agréablement, vous n'avez plus aucun intérêt à travailler et à produire des richesses. Comme dans tout pays socialiste qui se respecte en fait. Et là aussi quand une grosse part de la population n'est plus motivée à produire des richesses, ça se termine forcément très mal.
Tous les ingrédients sont donc maintenant en place pour une catastrophe économique et sociale sans précédent historique sur les dernières décennies. A court terme, l'argent gratuit réussira peut-être (ou pas) en me donnant tort dans mon opinion baissière sur les marchés...difficile à dire encore : L'Europe par exemple est nettement plus timide dans l'utilisation de l'"helicopter money" que les USA.
A plus long terme par contre, je ne vois que trois investissements possibles pour fuir la catastrophe qui s'annonce, qui sont l'or, le pétrole et les fonds de certains pays qui ne suivent pas la fuite en avant de l'Occident : Par exemple la Russie, en tant que place de marché la moins chère du monde, et le Vietnam qui a un des plus gros potentiels de croissance du monde (avec une démographie optimale pour les 10-15 ans à venir) et pourrait bénéficier à plein du regain de tension entre la Chine et les pays occidentaux.