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Bernard Marois

Bernard Marois

Bernard Marois est diplomé d’HEC, MBA de l’Université Columbia de New York et docteur en sciences de gestion. Il est actuellement professeur emeritus au Groupe HEC.

Il écrit régulièrement dans des revues spécialisées, telles que Banque Magazine, La Revue Francaise de Gestion ou Les Echos.

LE SURENDETTEMENT - UN MAL PERNICIEUX

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L’endettement total des pays industrialisés (dette publique +dette privée) dépasse désormais 350% de leur PIB. C’est un véritable pic dans la lente montée depuis les années 60, avec une accélération certaine depuis 10 ans. Le précédent record a été établi au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Certes nous avons connu des épisodes critiques d’endettement (crise latino-américaine des années 80 ; crise asiatique 1997-1999), mais les victimes du surendettement étaient alors des régions périphériques. Cette fois-ci, c’est le cœur du système économique mondial qui est touché : Etats-Unis, Europe (zone euro, mais aussi la Grande Bretagne), Japon. Même la Chine commence à inquiéter (système bancaire opaque, bulle immobilière, etc…).

Aujourd’hui, nous examinerons uniquement, le surendettement public. Le Japon remporte la palme avec 200% du PIB, mais 94% des investisseurs de titres japonais étant des résidents, le désendettement pourra être mené d’une façon relativement simple en spoliant les nationaux qui, par ailleurs, sont censés avoir profité directement de la gabegie de l’Etat nippon. Celui-ci, dans le même temps, devra continuer à combattre la déflation qui règne au Japon depuis plus de 20 ans. Autant dire que l’avenir de ce pays semble définitivement compromis et ce n’est pas les prévisions démographiques, considérées comme catastrophiques, qui vont venir soulager l’économie nippone.
En ce qui concerne la zone euro, le cas de la Grèce apparaît également désespéré. Avec environ 200% d’endettement, avant prise en compte de la restructuration de la dette privée, ce pays est rentré dans une spirale négative (récession de 6% en 2011 et de 4% en 2012 ; déficit budgétaire de 8% ; fuite des capitaux), dont il ne pourra pas sortir, tant qu’il disposera d’une monnaie, l’euro, surévaluée d’au moins 40%, au regard des structures économiques de la Grèce. Quant au Portugal, il est en train de suivre l’exemple grec et ne devrait pas tarder à redemander l’aide de la BCE et du FMI.

Le prochain sur la liste est l’Italie. Avec un endettement de plus de 120% du PIB, ce pays est obligé de consacrer un montant croissant de ses recettes publiques à la charge de sa dette, alors que la cure d’austérité imposé par Mario Monti mène l’Italie à la récession, sans pour autant rétablir l’équilibre budgétaire. Notons également que plus de 50% des investisseurs d’obligations italiennes sont des non-résidents.

Et l’on pourrait continuer avec d’autres pays. L’Espagne, par exemple, dont l’endettement public atteint « seulement » 70%, risque de voir sa dette grimper rapidement, d’une part, parce que celle-ci est sous-évaluée (en particulier, au niveau des collectivités locales) et, d’autre part, en raison d’une croissance du déficit budgétaire, à rebours des autres pays de la zone. Si on ajoute à cela le chômage(1) (plus de 23% de la population) et l’éclatement de la bulle immobilière, en cours de réalisation, et ses conséquences sur le secteur bancaire espagnol, on a tout lieu d’être inquiet. Quant à la France (je réserve cette analyse pour un prochain édito), la proximité de l’élection présidentielle, avec ses surenchères de dépenses, ne va pas améliorer la situation (dette publique proche de 90% du PIB ; déficit budgétaire au-dessus de 5%).

Le cas des Etats-Unis est particulier. Avec une dette de 85% du PIB et un déficit budgétaire colossal, ce pays est un candidat certain pour entrer dans la liste des Etats surendettés. Mais les Américains bénéficient d’un gros avantage : le dollar, monnaie internationale incontournable. Ce « privilège » leur permet d’envisager un rétablissement financier, en étalant les mesures de rééquilibrage de leur budget sur une longue période, quitte à laisser le dollar se déprécier.

Pour terminer cet éditorial, on insistera sur le caractère délétère du surendettement : c’est une sorte de drogue, dont les effets ne se font sentir que lorsqu’il est trop tard : la confiance des investisseurs s’évapore alors très rapidement (2) et vient ensuite l’heure des bilans : les agences de notation dégradent les acheteurs d’obligations publiques, exigent d’abord des rémunérations plus élevées pour couvrir le risque, puis refusent de refinancer les dettes et arrive ainsi le défaut de paiement et la restructuration ( cas de la Grèce). A titre d’exemple, l’Argentine qui a subi cette crise du surendettement en 2000-2001, a mis plus de 10 ans pour en sortir, et au prix d’une dévaluation du peso de plus de 60% !

En conséquence, il serait utile que nos candidats à la Présidence de la République aient en tête ces faits, de façon à s’attaquer à notre surendettement avant qu’il ne soit trop tard.

 

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite à HEC Paris

Président d’Honneur du Club Finance HEC

 


(1) Le chômage entraîne une baisse du niveau de vie, donc moins d’impôt et un déficit budgétaire accru.

(2) Pendant 10 ans (2000-2010), les obligations grecques n’ont supporté qu’une marge de 100 points de base par rapport à l’Allemagne. Début 2011, le « spread » a brusquement atteint 1800 points de base. Aujourd’hui la Grèce ne peut plus emprunter sur les marchés.

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