Tous les paramètres économiques des pays développés (USA, Europe, Japon) sont aujourd'hui au beau fixe.
L'économie est en croissance, cette croissance s'accélérant même sensiblement en Europe depuis le milieu de l'année 2016, au point que même un pays totalement fossilisé dans une épaisse couche de strates successives de socialo-étatisme (euh je voulais dire au modèle social envié par le monde entier comme chacun le sait), c'est à dire la France, parvient aujourd'hui à en profiter.
Alors pourquoi imaginer que dans ce contexte les marchés pourraient voir leur cycle haussier engagé depuis 2009 s'arrêter en si bon chemin ?
Je vois trois raisons à cela :
1) Le système économique mondial est devenu tellement endetté qu'il devient incapable de résister à une hausse des taux même mineure.
La cassure récente de la hausse des marchés en février l'a bien montré. La hausse observée aux USA est insignifiante au regard des précédents historiques, et en Europe elle est quasiment inexistante. Et pourtant cela a suffi à faire décrocher les marchés : Cela nous montre tout simplement que les banques centrales ont fini par griller toute leur marge de manoeuvre après de multiples plans de relance artificiels basés sur la baisse des taux, l'expansion de la dette et depuis peu le quantitative easing. Au prochain problème, elles ne pourront plus rien faire (à part peut-être tenter d'acheter directement des actions sur les marchés, mais dans ce cas, elles se retrouveraient vite propriétaires de presque toutes les actions cotées en bourse après quelques mois de manipulations,et la crise reprendrait !).
Taux à 10 ans US (source : fred research), en rouge la hausse microscopique qui fait trembler les marchés en ce moment...
Taux à 10 ans allemands (là on ne voit quasiment plus la hausse "microscopique" !)
2) Les valorisations aux USA sont extraordinairement élevées, et comparables au sommet de la bulle internet des années 2000.
Une société comme Alphabet (Google) par exemple capitalise aujourd'hui 700 milliards de $ (près de 25% du PIB d'un pays comme la France). Elle capitalise plus de 6 fois son chiffre d'affaires annuel, plus de 5 fois ses capitaux propres tangibles, et environ 30 fois son cash flow !
Pourtant Google domine déjà complètement son marché et ses perspectives de croissance sont forcément limitées dans les années à venir, au sein d'un marché publicitaire qui n'est à la fois pas extensible à l'infini, et très dépendant de la conjoncture (en cas de crise, les entreprises coupent dans leur budget publicitaire, qui forme l'essentiel des recettes de Google aujourd'hui.
Et encore c'est loin d'être le plus mauvais exemple parmi les fleurons de la bourse américaine. Au moins Google est une société largement bénéficiaire, avec de bonnes marges et un bilan en bonne santé.
Si vous prenez le cas de Tesla, on obtient de la part des investisseurs sur cette action un niveau de croyance et d'irrationnalité qui relève plus de la religion que de l'évaluation financière, et qui n'est possible que tout près d'un sommet de bulle majeur.
Tesla capitalise aujourd'hui 45 milliards de $ (on était à plus de 60 il y a quelques semaines), 11 fois ses capitaux propres, des dettes financières de plus de 2,4 fois ses capitaux propres, et n'a produit jusqu'ici que des pertes et des cash flows négatifs sur les dernières années. Elle ne doit sa survie qu'à la fois des investisseurs qui viennent régulièrement la renflouer.
N.B : si vous souhaitez arrêter d'acheter des actions sur la base de rêves qui se termineront mal, mais savoir au contraire évaluer une société de façon précise et objective, et surtout trouver celles qui sont vraiment bon marché et à l'opposé de Tesla, cette formation pourra vous aider vraiment.
3) Le niveau de l'indice PMI manufacturier allemand (on pourrait faire exactement la même observation en Europe) témoigne d'un haut de cycle.
Le PMI manufacturier allemand a réalisé un plus haut historique début 2018, au dessus de 62. Bonne nouvelle me direz vous !
Mais regardez de plus près les dates des précédents sommets de cet indice au dessus de la zone des 59-60 :
- été 2000 (juste avant le marché baissier de fin 2000-2003)
- mi-2006 - printemps 2007 (quelques trimestres avant la crise de 2008)
- mi 2010-mi 2011 (avant la crise de la zone euro et une correction des indices européens de l'ordre de 30%).
Regardez maintenant ce second graphique, qui porte sur les délais de livraison des fournisseurs en Allemagne. Les points bas du graphique signalent des délais de livraison allongés du fait d'une forte activité économique et d'une forte demande. Ils coincident presque parfaitement avec les sommets de cycle et précèdent les retournements baissiers du marché de quelques trimestres au maximum, avec un seul faux signal en 2004.
Alors est-ce que les marchés peuvent crasher tout de suite ?
C'est une possibilité, mais je n'ai pas pour l'instant la réponse à cette question : mes indicateurs fondamentaux aux USA n'indiquent pour l'instant pas de risque de récession à brève échéance jusqu'à la fin 2018. Malgré tout l'étau commence à se resserrer avec par exemple un spread de taux entre le 10 ans et le 2 ans US qui se réduit à 0,5%. Ce n'est pas encore une inversion de la courbe des taux et un vrai signal d'alarme, mais on commence à s'en approcher.
L'indice DAX allemand est aujourd'hui sur une ligne de support oblique majeure (celle de la tendance haussière en cours depuis 2009).
Ce support résiste depuis 9 ans maintenant, si il devait être cassé dans les mois à venir, ce ne serait pas bon signe (surtout après le fait que les indices européens n'ont pas progressé depuis maintenant trois ans).
Les sommets de cycle sont parfois longs et usants pour les investisseurs, et nous sommes sans doute aujourd'hui entrés dans un sommet de cycle. Ils peuvent être courts, ou au contraire durer quasiment un an (comme en 2000 et 2007), période pendant laquelle :
- Il est à la fois difficile d'investir à la hausse dans des valeurs décotées (en sommet de cycle, les valeurs encore achetables et bon marché sont souvent des petites capitalisations peu liquides, qui sont très intéressantes en temps normal pour l'investisseur de long terme, mais peuvent devenir difficiles à vendre quand si le marché se retourne à la baisse)
- Mais il est aussi difficile d'engager des stratégies baissières agressives, parce que le marché sans tendance réelle alterne des phases de baisse parfois brutales et des rebonds qui ramènent les indices près de leurs plus hauts.
L'essentiel dans ce contexte est d'être prêt et d'avoir les bons outils pour le moment où le retournement arrivera.