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Bernard Marois

Bernard Marois

Bernard Marois est diplomé d’HEC, MBA de l’Université Columbia de New York et docteur en sciences de gestion. Il est actuellement professeur emeritus au Groupe HEC.

Il écrit régulièrement dans des revues spécialisées, telles que Banque Magazine, La Revue Francaise de Gestion ou Les Echos.

L’Inde, prochain géant économique ?

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Avec 1,2 milliard d’habitants, soit 1/6 de l’humanité, sur 2,5% de la superficie du globe (3,3 millions de km2 environ, c’est à dire 6 fois la France), l’Inde est le deuxième Etat le plus peuplé derrière la Chine, avec une densité de 330 h/km2 (106, pour la France). Cependant, on prévoit que dans 10 ou 15 ans compte-tenu des évolutions démographiques divergentes (politique de l’enfant unique en Chine), c’est cette dernière qui sera le pays le plus peuplé de  la terre.

En terme de PIB, la Chine représente près de 4 fois l’Inde ; le poids de la première dans la production manufacturière mondiale s’est élevé à 18,9% en 2009  (contre 7,5% en 1999), alors que l’Inde est passé seulement de 1,1 % à  2% en 10 ans. La production chinoise génère 10,90 dollars par heure travaillée alors que la production indienne n’atteint que 0,8 dollar (les Etats Unis dégagent eux, 51,20 dollars par heure travaillée). Actuellement, l’Inde est la dixième puissance économique mondiale mais seulement la 140ème (sur 208) pour le revenu par habitant. On voit donc que le rattrapage indien ne fait que commencer et que ce pays se situe au niveau de la Chine d’il y a 30 ans.

Quels sont les atouts de l’Inde ? D’abord une croissance forte depuis de nombreuses années, à un rythme annuel de 7% (et même 8,6% au premier trimestre 2010). Ensuite, des compétences fortes dans un certain nombre d’industries (l’informatique, mais aussi la pharmacie ou l’automobile)(1) ; l’usage assez répandu de la langue anglaise ; un régime démocratique, à structure fédérale forte et un vivier de cadres de bon niveau, compte tenu d’un système éducatif en nette amélioration, sans compter le développement récent d’un marché financier actif (on a enregistré des levées de fonds supérieures à 25 milliards d’équivalents euros sur la bourse indienne en 2010), ce qui va favoriser une nouvelle vague de privatisation partielle (Cool India, Hindustan Copper, Indian Oil Corporation, etc.).

Il existe, par contre, de nombreux obstacles. Mentionnons, par exemple, la corruption qui touche à tous les secteurs et, en particulier, au système politique, une bureaucratie tatillonne qui freine l’essor industriel ; une mortalité infantile encore élevée et une malnutrition généralisée, due à l’extrême pauvreté des trois-quarts de la population. Bien que les famines aient dans l’ensemble disparu, l’agriculture qui occupe encore 65% de la population active(2) (contre 27% dans l’industrie) reste peu productive (0,7% de la croissance au premier trimestre 2010). Par ailleurs, 48% de la population est analphabète (35% pour les hommes ; 61% pour les femmes), bien que le taux d’alphabétisation progresse rapidement. Enfin, le contexte culturel et religieux est peu porteur : l’existence des « castes » demeure forte dans les campagnes, les conflits potentiels entre Hindous (83% de la population) et musulmans (11%, ce qui en fait le deuxième Etat musulman du monde, après l’Indonésie) peuvent provoquer des embrasements incontrôlables, d’autant plus que l’Inde est en état de guerre larvée avec son voisin pakistanais musulman (le Cachemire reste une pomme de discorde permanente). Pour terminer, notons que l’hygiène et la pollution sont également des contraintes sévères (saleté des villes, présence des vaches « sacrées », inégalités devant les soins, bidonvilles envahissants, etc.).

Pourtant, le « goulot d’étranglement » le plus rédhibitoire réside dans l’absence totale d’infrastructures modernes : pas d’autoroutes, pas de TGV, peu d’adductions d’eau et de tout à l’égout. Aussi, le gouvernement indien a prévu de construire 50 000 km de routes, dans les 4 prochaines années, ce qui correspond à un investissement de 500 milliards de dollars. Il devra donc faire appel au secteur privé qui assurera 35% de ce coût (contre seulement 5% en 2003).

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(1) Certaines entreprises indiennes sont mondialement connues, telles Mittal, Tata ( la « Nano ») ou Reliance.

(2)  Il est prévu que 250 millions d’Indiens vont quitter la campagne dans les 20 prochaines années !

En effet, les finances publiques indiennes sont obérées par une dette dépassant 80% du PIB et un déficit public supérieur à 10%. L’autre nécessité est de développer les ressources énergétiques : l’Inde doit construire des centrales représentant 160 000 MW d’ici 2017, ce qui implique des investissements supérieurs à 400 milliards de dollars.

On voit donc que le défi qui attend l’Inde est énorme. D’un point de vue pratique, les besoins de ce pays peuvent être également analysés en terme d’opportunités pour les entreprises françaises, à l’exemple d’Essilor qui a suivi une démarche proactive pour servir les clients locaux dans les zones rurales.

Souhaitons que cette société soit imitée par bien d’autres entreprises hexagonales.

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite HEC PARIS

Président d’Honneur Club Finance HEC

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