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Bernard Marois

Bernard Marois

Bernard Marois est diplomé d’HEC, MBA de l’Université Columbia de New York et docteur en sciences de gestion. Il est actuellement professeur emeritus au Groupe HEC.

Il écrit régulièrement dans des revues spécialisées, telles que Banque Magazine, La Revue Francaise de Gestion ou Les Echos.

LE SECTEUR DU LUXE : UN ATOUT POUR L’INDUSTRIE FRANCAISE

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Alors que nos performances à l’exportation restent fort médiocres (entre 2000 et 2010, la France est passée du 4ème au 6ème rang mondial, avec une part de marché en baisse, de 4,7% à 3,5%), le secteur du luxe français demeure florissant.
Au niveau mondial, les premiers marchés du luxe sont : les Etats-Unis et le Japon,  clients traditionnels du savoir-faire français. On peut y ajouter, bien sûr, les marchés européens, et, plus récemment, les grands marchés émergents, avec, en particulier, les «  BRIC ».
Les BRIC  (Brésil, Russie, Inde et Chine) représentent 40% de la population mondiale et 50% de la croissance annuelle de notre planète (60% en 2014). Pour le secteur du luxe uniquement, la Chine représentait déjà 12 milliards de dollars en 2010, avec une prévision de 30 milliards en 2015. L’Inde, avec 1,6 milliard de chiffre d’affaires en 2010, devrait atteindre 4,2 milliards en 2015.

Le Comité Colbert regroupe 75 sociétés de luxe françaises, dont le chiffre d’affaires cumulé représente 25 %  du marché mondial ; le marché chinois compte déjà pour plus de 12% des recettes réalisées par les maisons de luxe françaises et presque 20%, si l’on prend en compte « la Grande Chine » (avec Hong-Kong,  Macao et Taïwan). En 2020, ce marché sera le premier mondial, avant les Etats-Unis ou le Japon. Freiné par des bannières tarifaires, le marché du luxe indien connait néanmoins une croissance de 20% par an. Quant à la Russie, sa croissance est plus faible (5% par an). Notons également la progression remarquable du Brésil : plus de 15% en 2010, avec en poids prépondérant  des grandes métropoles (Rio, Sao  Paolo).

On retrouve ces tendances, au niveau des entreprises françaises. Ainsi, par exemple, LVMH détient plus de 800 magasins en Asie, à comparer avec 570 points de vente aux Etats-Unis. De même, PPR a ouvert ces dernières années une centaine de boutiques en Chine. Quant à Hermès, il compte déjà 18  magasins en Chine et 5 autres seront ouverts d’ici 2014 ; en outre, la société a créé une marque chinoise, Shang Xia, qui va compléter son implantation locale. Mentionnons aussi Chaumet qui réalise 25% son chiffre d’affaires en « Grande Chine » (et vient d’ouvrir 2 nouvelles boutiques à Chongqing, grande métropole de la région Ouest).
Tous ces exemples illustrent très bien comment le secteur du luxe français a su tirer parti de ses avantages comparatifs : des marques prestigieuses ; un savoir-faire reconnu mondialement ; des entreprises conquérantes qui profitent du phénomène de mondialisation pour s’implanter dans les pays d’avenir.
Quelles leçons en tirer ? Tout d’abord un démenti apporté aux tenants de la société « postindustrielle », qui considèrent que les usines ou les ateliers de fabrication sont  des vestiges d’une ère révolue. Comme l’Allemagne le démontre tous les jours, il est indispensable de sauvegarder l’industrie dans notre pays. Il serait illusoire de penser que nous pouvons assurer notre futur uniquement avec les « services ».

Deuxième leçon à méditer. Il faut oser s’implanter sur les marchés en devenir, à savoir les pays émergents. Certes, le coût d’implantation est élevé, mais le retour d’investissement est en proportion avec les efforts déployés. Cela nécessite une persévérance et une patience certaines, que le « court-termisme » ambiant ne favorise pas, malheureusement.

Enfin, dernier enseignement : il faut renforcer nos « avantages comparatifs », c'est-à-dire identifier les secteurs pour lesquels nous avons des atouts compétitifs (1), tels que la pharmacie, l’économie de la connaissance, l’agro-alimentaire, l’industrie touristique, etc., de façon à y appliquer les recettes qui ont déjà fait leur preuve dans nos secteurs d’excellence, à savoir : le nucléaire, le spatial et l’aéronautique. Bien sûr, cela suppose d’amplifier nos efforts d’investissement  sur ces secteurs,  malgré la crise et des coûts de production parfois trop élevés, dûs en grande partie au poids des charges sociales. C’est à ce prix que nous pourrons espérer garder notre rang dans la compétition internationale.

Bernard MAROIS
Professeur Emérite à HEC PARIS
Président d’Honneur du Club Finance HEC

(1)    Il s’agit donc de redonner ses lettres de noblesse à une véritable « politique industrielle ».
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