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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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« L’odyssée de l’or… 2013 »

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Mes chères contrariées, mes chers contrariens !

En ce début janvier, il est difficile de passer à côté du sujet de l’or et des métaux précieux. L’or traverse une période difficile et cela pourrait durer pendant le premier trimestre 2013. 

Et l’or dans tout ça ?

L’or est le baromètre de la force des monnaies, soit de leur valeur intrinsèque. Si les monnaies sont fortes, c’est-à-dire qu’elles remplissent leur fonction de stockage de valeur, l’or n’a strictement aucune raison fondamentale de monter.

 
La FED souffle le chaud et le froid 

Sur le fond, rien n’est pour le moment réglé. L’Europe s’enfonce dans la récession globale en raison des multiples plans d’austérité qui préfigurent des cessations de paiements et des faillites d’États à terme. C’est la théorie de l’insolvabilité par la récession. Au bout du chemin, seul l’or pourra permettre de sauver une partie de sa fortune.

Aux États-Unis, la croissance économique actuelle repose essentiellement sur un recours massif à plus d’endettement et le débat de ces derniers jours sur la falaise fiscale montre bien à quel point sans nouvelles dettes point de salut pour l’économie américaine. 

Pendant ce temps, la FED, qui augmente ses QE de toutes parts, vient de faire des déclarations fracassantes laissant entendre que tout allait mieux que bien et que l’économie US étant sur la bonne pente, il serait envisageable « éventuellement » peut-être, sous certaines conditions et avec pleins de conditionnels employés à tous les niveaux, que les QE cessent à partir de fin 2013. 

Conséquence logique, si les QE cessent, alors les monnaies vont retrouver au bout du compte une valeur. Et cette valeur retrouvée signera l’arrêt de mort de l’or comme valeur refuge, et le métal jaune pourra initier un cycle de baisse qui durera aussi longtemps que durera le dynamisme économique. 

Dans le même temps et pour relativiser la pertinence des propos de la FED, je vous rappelle au risque d’être très insistant, le débat autour du fiscal cliff… Couper dans les dépenses ferait replonger immédiatement l’économie américaine en récession… Nous dirons que tout cela est quelque peu contradictoire n’est-ce pas ? 

Faut-il s’inquiéter pour les cours de l’or ? 

À court terme oui. Le mouvement baissier de l’or peut nous amener à tester de nouveaux points bas dans les prochaines semaines ou prochains mois.

À moyen terme, je reste particulièrement serein, même si à court terme cela ne retire rien à une position inconfortable particulièrement pour celui qui est rentré sur l’or récemment.

Pourquoi le cycle haussier de l’or n’est pas terminé ? 

En réalité, le point clé c’est le couple « endettement/croissance ». 

D’un point de vue basic, et pour prendre un raccourci, dans un pays ayant 100 % de dettes sur PIB et si ce pays doit payer 2 % de taux d’intérêt sur sa dette, cela veut dire que ce pays doit générer plus de 2 % de croissance sur PIB pour maintenir sa solvabilité « macro-économique ». 

Le problème, et vous l’aurez vite compris, c’est que si pour générer une croissance supérieure à 2 %, ce qui est le besoin des USA pour rester solvable, je dois créer disons 8 % de nouvelles dettes sur PIB, ce qui est encore le cas des USA, et que je n’obtiens qu’une croissance inférieure au montant des nouvelles dettes, ce qui encore une fois est le cas des États-Unis, alors je dégrade mon couple « endettement/croissance » et je me rapproche encore plus vite d’une situation d’insolvabilité.

Autre point important : les taux d’intérêt. Ils peuvent être vecteurs d’insolvabilité. Nous avons particulièrement pu mesurer cette possibilité en Europe. Sur des niveaux de dettes élevés, comme c’est le cas en Italie par exemple sans même parler du cas grec, une augmentation des taux n’est plus soutenable dès que ces derniers avoisinent ou dépassent les 5 % durablement. 

À l’instar du Japon depuis 30 ans, c’est désormais l’ensemble des pays occidentaux des deux côtés de l’Atlantique qui sont pris dans le piège des taux bas. 

Or ce qui fait la valeur d’une monnaie, c’est bien sûr le « prix » de cette monnaie. Et ce prix est matérialisé par les taux d’intérêt.

Si la croissance revient, l’inflation repartira, surtout avec les quantités astronomiques de monnaies créées ces dernières années par l’ensemble des banques centrales. 

À partir de ce moment-là, l’économie mondiale rentrerait dans un paradoxe quasiment insoluble. D’un côté, il faudrait augmenter les taux pour éviter que la monnaie soit durablement dévalorisée par une inflation de plus en plus forte alors que d’un autre côté, laisser les taux s’apprécier trop fortement mènerait immédiatement la plupart des pays, USA en tête, à la faillite quasi immédiate. 

Mon analyse est que dans tous les cas, y compris celui d’une reprise de la croissance qui devrait soit dit en passant dépasser des taux de 5 à 6 % pour rendre crédible toute hypothèse de remboursement des dettes souveraines – ce qui ne sera pas le cas –, les monnaies actuelles sont condamnées à perdre de la valeur, donc in fine à ce que l’or en prenne. Peu importe les mouvements spéculatifs à court terme, ils ne sont que l’écume des choses. 

Alors pourquoi l’or baisse ?

L’économie est devenue un sujet politique crucial. Il s’agit de « l’enjeu » majeur. Tout doit être vu et compris sous cet angle. 

Je m’explique. Dans un monde normal (normal quand le Président est normal), lorsque tout le monde est endetté, la demande d’argent nécessaire pour équilibrer les déficits et financer les dettes augmente. Logique. Si la demande de quelque chose augmente, en général le prix de ce quelque chose augmente aussi. Pensez au prix de mes huîtres pendant les fêtes. Un véritable scandale culinaire. Bref, le prix de l’argent étant les taux d’intérêt, les taux devraient exploser. Or ils baissent au fur et à mesure que la demande augmente et ce depuis 2008. 

Il s’agit d’une hérésie économique. Mais c’est normal, puisque nous ne sommes plus dans un monde normal…

Si le marché « faisait » le prix comme il se doit, nous aurions tous fait faillite depuis cinq ans !! Pour éviter cela, et parce que l’économie est un enjeu crucial pour la stabilité des pays, les États ont donc fourni dans le cas de la BCE les liquidités nécessaires aux marchés pour continuer à faire baisser les taux, tandis qu’aux États-Unis, la FED rachète carrément les bons du Trésor américains. 

Le marché des taux n’est donc plus libre, il ne peut globalement que baisser, ce qui prouve d’ailleurs la gravité de la situation.

Pour l’or, il en est de même. La bataille autour du métal jaune est féroce. Il faut protéger les banques qui empêchent au nom de la FED les cours de l’or de monter et de montrer ainsi au monde entier que les monnaies ne valent plus rien ou presque. Or nos économies, plus que jamais, reposent fondamentalement sur la confiance.

La hausse de l’or est mauvaise pour la confiance. Il faut donc la maîtriser coûte que coûte.

Mais ce n’est pas le seul argument. Je pense même que ce n’est pas le plus important. Des cours bas permettent d’amasser de l’or physique à moindre coût et de reconstituer les réserves des banques centrales. Ces réserves seront sans doute dans quelques années la pierre angulaire d’une refonte et d’une réforme du système monétaire international.

C’est la raison pour laquelle les banques centrales sont redevenues ces dernières années des acheteuses nettes d’or.

Où peut aller le cours de l’or ?

Dans ce contexte, on peut parfaitement voir l’or plonger jusqu’à 1 500 dollars l’once d’or. À ces niveaux, la Chine, pour ne citer qu’elle, et ses achats massifs soutiendraient certainement les cours sur ces niveaux. L’or ne devrait donc pas baisser en dessous de 1 400 dollars l’once.

Au bout d’un moment plus ou moins long et indéterminé, tout le monde se rendra compte que la croissance sans dette est une illusion… À ce moment, l’or pourra repartir de plus belle surtout après une telle consolidation. 

Fondamentalement, l’or restera dans son mouvement haussier tant que perdureront l’ensemble des problèmes économiques, dont aucun n’est résolu ou en voie de résolution si ce n’est par la magie des déclarations publiques et de la création monétaire.

Si on arrête les injections, alors l’économie américaine replongera. 

En tant qu’épargnant, celui qui souhaite se positionner sur l’or peut faire le choix d’attendre en prenant le risque de « rater » le point bas, ce qui est souvent le cas. Nous avons tous tendance à acheter haut lorsque la « panique » nous guette, et à ne pas acheter lorsque les cours sont faibles en espérant qu’ils baissent encore…

Alors le meilleur conseil que je puisse donner à ceux qui veulent placer en or ou diversifier leurs avoirs, c’est d’acheter tous les mois pour lisser et moyenner leur cours d’entrée. Si les cours baissent vous en profiterez, si les cours s’envolent… vous serez déjà en partie placé.

Mais ce qu’il faut retenir avant tout, c’est qu’il faut faire abstraction du bruit de fond pour se concentrer uniquement sur les fondamentaux économiques. 

Sur ce front-là, pour le moment, il n’y a aucune amélioration sensible. 2013 sera peut-être une année inconfortable pour les détenteurs d’or, ou une formidable opportunité pour se renforcer.

Encore une fois, il n’y aura aucune façon facile et indolore de sortir du piège économique que nous nous sommes fabriqué ces 30 dernières années. 

À titre personnel, avec l’or, je suis toujours heureux. Lorsqu’il monte je suis content. Lorsqu’il baisse aussi car je peux en racheter. Alors 2013 sera sans doute une bonne année pour les acheteurs, en tout cas la première partie de l’année. Profitez-en, ce sera sans doute la dernière « fenêtre de tir » avant la chute des monnaies. 

Comme dit ma femme, il n’y a bien que sur l’or que tu vois le métal jaune en rose… Si c’est ma femme qui le dit. 

 
Charles SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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