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Gilles Lerat

Gilles Lerat

Ingénieur de formation, j’ai sauté dans le bain de la création d’entreprises dès ma sortie de l’école. Je me suis spécialisé dans la sécurité informatique. Après avoir revendu ma société à un groupe informatique, je me suis dirigé vers le cinéma, ce qui n’est peut-être pas la meilleure option, compte tenu de l’environnement économique actuel.

Je suis à la fois émerveillé en permanence par les prouesses technologiques actuelles et extrêmement inquiet des défis qui nous attendent sur les plans énergétiques, économiques, et surtout sur le plan démographique.

Entreprendre dans le milieu du cinéma - Le distributeur

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Le distributeur.


L’avantage du distributeur est qu’il peut choisir à partir du produit fini.

Contrairement au producteur qui doit partir à l’aventure (avec l’argent des autres le plus souvent), le distributeur a le loisir d’observer le film déjà tourné et de mesurer ses chances de réussite. Même s'il choisit parfois de s'engager sur scénario, pour réduire ses coûts.

Chaque année, un très grand nombre de productions cinématographiques sont créées, dont seule une minorité va sortir sur les écrans. Il y a des films dont on sait dès le début qu’ils sont forcément destinés au marché du DVD (Ghostmaker, Shark Attack III,…)

Mais avec l’augmentation massive du nombre de productions de qualité, il y a de plus en plus de films dont on pense qu’ils se retrouveraient sans problèmes dans une salle obscure, et pour lesquels cela n’est pas le cas. On pense par exemple à Freelancers (aka Unités d’Elite) avec 50 Cents et Robert de Niro ou plus près de nous à Killing Season avec John Travolta et … Robert de Niro (encore lui).

De même, chaque année, il y a par ailleurs dans le petit monde de la distribution au moins une « success story » : le film dont personne ne voulait, qu’un distributeur finit par prendre sans trop y croire lui-même. Je donnerai seulement 2 exemples. Le premier d’entre eux est le film « Une Séparation », film du réalisateur iranien Asghar Farhadi, que Memento Films Distributions a raflé pour moins de 40 000 Euros, … et qui a dépassé le million d’entrées ( et on ne parle ici que des droits cinéma).
Le second exemple est encore plus emblématique : il s’agit de «Entre les murs » de Laurent Cantet pour lequel la distribution n’était pas acquise et qui a fini par gagner la Palme d’Or à Cannes .

Il y a aussi les films dont personne ne veut, qui sortent finalement en DVDs, et dont on ne saura jamais rien.
Je pense qu’un film comme Act of Valor, même s’il aurait été probablement démoli par la critique française, aurait pu prétendre à une carrière en salles honorable.
J’ai manqué en 2012 de le distribuer et je le regrette d’autant plus  qu’il m’était proposé sans minimum garanti, et avec une cross-collatéralisation des risques sur les bénéfices des chaines et du DVD/VoD.

Une fois le contrat avec le producteur signé, le distributeur doit encore estimer le nombre de salles qui idéalement vont accueillir le film.

S’il prend un trop petit nombre de salles, il amoindrit de lui-même le potentiel commercial du film, et donc ses recettes futures. A l’inverse, s’il distribue le film dans un trop grand nombre de salles, il prend le risque de boire la tasse au niveau financier. Car chaque salle va lui facturer des frais de bobine numérique (les VPF), et il devra en plus assurer un niveau minimum de dépenses marketing. L’équilibre est essentiel pour le succès financier du film.

En fait, en raison du très grand nombre de films dont j’ai parlé précédemment, il est rare qu’un film soit surdistribué. Le problème inverse est plus fréquent : le distributeur ne trouve pas assez de salles, ou plus précisément, pas assez de salles appropriées. Il lui faut donc négocier avec les exploitants l’octroi de salles. Bien souvent, cela s’effectue en contrepartie de la mise à disposition ultérieure de films au potentiel jugé plus intéressant.

Pour les films en langue étrangère, il revient au distributeur d’estimer si un doublage s’impose (c’est le cas de beaucoup de films commerciaux) ou bien si la seule version sous-titrée suffira (c’est majoritairement le cas des films d’art et d’essai).
La traduction du sous-titrage n’est pas la même que celle du doublage, à cause notamment de la synchronisation avec les lèvres des acteurs qui entraîne des contraintes spécifiques dans le choix des mots.

Pour l’aider financièrement dans son entreprise, le distributeur peut compter (sauf si son film est américain) sur l’aide sélective à la distribution, délivrée par le CNC.

Un film acquiert ses lettres de noblesse par la sortie en salles.

Si la sortie en salles n’est pas satisfaisante, le distributeur peut encore espérer se rattraper sur la vente des droits en télévision. Toutefois, Canal+ n’achètera pas un film dont les résultats en salles sont mauvais, sauf si le distributeur bénéficie d’un « output deal » avec la chaîne cryptée, qui fait que celle-ci lui achètera tous ses films quel que soit leur succès au box office.

En revanche, plus la sortie salle est bonne, et plus le film se valorisera auprès des chaînes cryptées et en clair. On parle ici des films étrangers, car pour les films produits en France, le pré-achat des chaînes est en général inclus dans le budget de production du film.

Néanmoins, le secteur souffre. La faute à des coûts d’acquisition de droits (Minimum Garanti plus remontée de recettes) très élevés pour les bons films et … excessivement élevés pour les mauvais ! Les producteurs n’ont pas encore compris que les temps sont durs pour le secteur, et ils peinent à revoir leurs prétentions à la baisse.

La lettre de Vincent Maraval, patron d’une des plus importantes sociétés de distribution, Wild Bunch, a donné le ton. J’en parlerai dans un prochain article, mais il suffit pour l’instant de savoir qu’elle résume le désarroi de toute une profession.


Idées de business.

Parmi les idées de business intéressantes, on peut noter  :

Ø Plateforme de VoD (Vidéo à la demande) : pour respecter la chronologie des médias, les distributeurs ne peuvent pas en principe proposer un film en VoD  en même temps qu’ils proposent le film au cinéma.

A mon avis, il devrait être possible de proposer le film en VoD dans les régions ou aucun cinéma ne diffuse le film. Le CNC pourrait difficilement s’opposer au nom de la chronologie des médias, à ce qu’un film soit proposé simultanément au cinéma dans certaines régions et en VoD dans les autres régions.

Aucune société ne propose ce service. La première à mettre en place un système de géolocalisation basée sur l’adresse IP de l’utilisateur disposera d’une technologie avec un potentiel très intéressant. Bien entendu, il est toujours possible de passer par un proxy, pour masquer la provenance effective de l’émetteur. Sauf que le proxy ralentit la diffusion, et il n’est pas forcément évident de disposer d’un proxy en provenance d’une région en particulier.

Ø Cinéma sur Internet : le cinéma sur Internet, c’est la diffusion en temps réel, en streaming (sans téléchargement) sécurisé à des horaires fixes. Nous ne sommes pas dans le domaine de la vidéo à la demande, mais plutôt de la diffusion cinématographique, même si le spectateur est devant son ordinateur… et prochainement devant sa télévision connectée.


En guise de conclusion.

La distribution cinématographique a coulé de nombreuses sociétés au cours des dernières années.

Comme je l’ai dit en introduction, l’un des intérêts de ce type d’entreprise est la possibilité de sélectionner les films après leur réalisation. Et donc, le distributeur sait dans quoi il s’engage. Son problème est de trouver la perle au milieu d’une rivière de colifichets.
A bien y réfléchir, je trouve que le métier est plutôt ingrat : le couple risque/récompense ne me semble pas à l’avantage du distributeur.

C’est un métier qui nécessite évidemment pas mal de compétences marketing, et qui requiert de savoir jongler avec Internet et les réseaux sociaux ( Facebook, Google+,…)

Ce même Internet, par la diffusion de films pirates, accessibles en téléchargement direct, est également en partie l’ennemi du distributeur.

La distribution cinématographique devra impérativement évoluer, vers plus de partage de risques. Je pense que les minimums garantis devront nécessairement baisser, au profit d’une remontée des recettes plus équitable en cas de succès.


Annêxe.

Les coûts de distribution des films français en 2008, une étude du CNC effectuée par Antoine Trotet.
La chronologie des médias sur Wikipedia.






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