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Henri Dumas

Henri Dumas

Libéral convaincu,  je tire des expériences de ma vie une philosophie et des propositions.
Le tout sans prétention de vérité.
Mon blog : www.temoignagefiscal.com

 
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Bercy ou l'abattoir d'Alès

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Après avoir évité les loups, les luttes gratuites entre mâles dominants, les courses folles dénoncées par Panurge, je paissais tranquillement dans ma prairie, bien moins verte que certaines mais suffisante pour moi, en compagnie de ma brebis et de mes agnelets déjà grands. Enfin, c’est ainsi que je me voyais.

Soudain, Martino, Garcia, Giugleur, Jourdes, Jean Pierre, Prieuret, Wolf, Adam et les autres ont surgi.

Enleveurs à l’abattoir de Bercy, ils m’ont jeté sans ménagement dans la benne de leur camion de ramassage, en compagnie d’inconnus enlevés eux aussi à leur vie paisible, à leur prairie, à leur famille.

Pendant le voyage vers l’inconnu, tous dans la benne se révoltaient et criaient. Les employés de l’abattoir passaient de temps en temps et donnaient un grand coup de pied dans la benne en nous ordonnant de nous taire.

Au terme de cet horrible voyage j’ai été, sans ménagement, suspendu par un pied au dessus d’une fosse à misère.

J’ai couiné violemment. Plus je couinais, plus les employés de l’abattoir se marraient.

Mes forces s’épuisaient.

Il faut dire que derrière les grilles de la benne, pendant l’interminable voyage, nous avions gaspillé en vain nos forces pour alerter ceux qui, dehors, ne se doutaient de rien, tout affairés qu’ils étaient à dévorer leurs saucissons et méchouis au soleil.

Nous avons aussi sollicité, sans succès, les ONGPC (Organisations Non GratuitesParticulièrement Chères) que l’on appelle en langage familier les “avocatsfiscalistes”. Nous avons même tenté de joindre Brigitte Bardot, dont l’indifférence nous a désespérés.

Nul ne nous a accordé le moindre regard, la moindre compassion. Nous n’avions pas compris qu’ils considéraient notre sacrifice nécessaire à leur propre bien être.

Alors que je commençais à perdre conscience, la tête en bas au bout de mon crochet, sont apparus les experts que j’avais sollicités, car les enleveurs m’avaient dit goguenards, en me jetant dans la benne, que j’en avais le droit.

Mon regard devenait flou, cependant je percevais nettement la complicité qui régnait entre les employés de l’abattoir et les experts. J’entendais vaguement leurs discussions sur la qualité de mes pâturages, puis de ma viande et enfin sur les besoins de la population en viande de mon type.

Il parlait aussi de leur mission essentielle au service d’une divinité qu’ils appelaient“le peuple”.

Pendant ce temps, je couinais toujours mais de plus en plus faiblement, alors que la plupart de mes compagnons d’infortune s’étaient tus depuis déjà longtemps.

Entre deux malaises, j’ai pu comprendre qu’il était question des animaux domestiques en règle générale, dont je faisais partie du fait de mon acceptation de paître dans les prairies organisées et sécurisées, ce qui donnait des droits sur moi à ces messieurs.

Il en aurait été autrement si j’étais resté sauvage, mais alors prétendaient-ils ma vie aurait été beaucoup plus difficile, moins protégée.

Toujours est-il qu’en tant qu’animal domestique je faisais partie de la race des“contribuables”. Cet animal, le “contribuable”, n’a que deux qualifications possibles, soit il est du type mouton tondu régulièrement, soit il est du type cochon tué et dépecé jusqu’au dernier morceau au terme de sa courte vie.

La discussion engagée en dessous de moi consistait justement à me classer dans une de ces catégories, visiblement personne n’était d’accord.

Les experts penchaient pour la première qualification, les enleveurs pour la seconde justifiant leur enlèvement.

En gros, étaient qualifiés de moutons ceux qui ne pipaient mot et de cochon ceux qui couinaient forts.

J’ai alors compris que mon compte était bon, que seul un arrêt de l’abattoir, comme celui d’Alès, était de nature à me sauver la vie. Peu probable.

A partir de là, je n’en ai eu plus rien à foutre.

J’aurais juste voulu avoir le temps de dire à ceux que j’aime de ne jamais accepter d’être domestiqués, de rester sauvages, même si c’est parait-il très dur.

Qu’ils sachent que l’herbe est verte aussi ailleurs, que la liberté n’a pas de prix, que la propriété de sa personne et de ses biens vaut plus qu’une prairie sécurisée, que les connards n’ont qu’à se démerder seuls, que leur abattoir fermera un jour, peut-être plus tôt qu’ils ne le croient.

Bien cordialement. H. Dumas
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