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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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« Explosion de l’euro, saison 2 épisode 1 !! »

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Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !

Mais quel début d’année mes amis, quel début d’année ! Tout d’abord, n’imaginez pas que je sois particulièrement satisfait d’avoir raison… Il y a des fois où, même en ayant raison, on aurait préféré avoir tort tant la situation actuelle est grave et peut dégénérer en chaos finalement beaucoup plus rapidement que ce que l’on pourrait penser ou que ce que l’on voudrait croire. Cela ne retire néanmoins rien à la satisfaction intellectuelle d’avoir eu et d’avoir la bonne approche.

La lucidité permet de voir et de comprendre ce qu’il se passe loin du politiquement ou de l’économiquement correct affiché comme il se doit.

La réalité c’est qu’encore une fois, il était évident que nous allions connaître de nouveaux épisodes de crainte et de peur des acteurs économiques en particulier en Europe, pour l’Europe et pour l’avenir même de la monnaie unique européenne.

L’effondrement du pétrole et les conflits géopolitiques

Entre baisse de la demande, excédent de l’offre, croissance économique mondiale anémique et conflit géopolitique entre pays producteurs de pétrole, c’est l’or noir qui n’en finit plus de s’effondrer depuis quelques semaines. Résultat ? Cette baisse du pétrole ne peut que finir par entraîner les marchés vers le bas, ne serait-ce parce que la plus grosse capitalisation à la Bourse de Paris, pour ne prendre que cet exemple, est la société Total, qui représente plus de 15 % de l’indice CAC 40.

Il ne faut pas oublier non plus que les banques américaines comme canadiennes sont particulièrement impliquées dans le financement de l’industrie nord-américaine au sens large du gaz de schiste. Or ce secteur est non seulement responsable d’une très grande partie de la fameuse croissance économique américaine (qui du coup va commencer à battre sérieusement de l’aile) mais en plus n’est rentable qu’avec un baril dont le prix de vente est au moins supérieur à 70 dollars… Or le pétrole s’approche très dangereusement de la zone des 40 dollars le baril…

Enfin, il est à noter sur le front des relations internationales – la seule annonce importante du président Hollande lors de son intervention sur France Inter d’hier – que le Président français pour la première fois depuis maintenant plusieurs mois semble montrer des signes de détachement vis-à-vis du positionnement américain à l’égard de la Russie. L’inflexion sémantique est particulièrement notable et Hollande semble vouloir faire la paix avec Moscou. Ce faisant, la France retrouve sa place historique de pont entre les USA et la Russie, et c’est évidemment de mon point de vue une excellente chose. Néanmoins, cela risque d’agacer à Washington, et les Américains aiment « punir » la France (expression employée par Georges Bush après le refus de la France de s’engager en Irak). Lorsque nos grands zamis les Zaméricains sont agacés, leurs rétorsions sont généralement économiques.

« Pour François Hollande, il faut désormais trouver une issue rapide au conflit qui, en Ukraine, oppose les rebelles pro-russes et l’armée. « M. Poutine ne veut pas annexer l’Est de l’Ukraine. Il me l’a dit », a-t-il rappelé. Pour aider à désamorcer le conflit, le chef de l’État se dit prêt à se rendre à la réunion internationale qui doit se tenir à Astana le 15 janvier. Pour François Hollande, les sanctions contre la Russie « devront être levées s’il y a des progrès » : « Si la Russie a une crise, ce n’est pas forcément bon pour l’Europe. Je ne suis pas pour la politique du pire. Et le président Poutine lui-même doit savoir s’arrêter, il le paye suffisamment cher. » »

L’euro n’est plus irrévocable

Vous pouvez être pour ou contre, vous pouvez aimer l’Europe et l’euro ou les détester, cela m’importe peu car intellectuellement et économiquement parlant, il ne s’agit pas de savoir si on aime l’euro ou pas mais de savoir si, dans le contexte actuel, l’euro est viable, et je répète depuis des années que ce n’est pas le cas.

Une monnaie unique sur des économies hétérogènes n’est, par définition, pas possible longtemps et à la première crise elle s’effondre. Ceux qui veulent sauver l’Europe et l’euro doivent mettre en place une Union de transfert, c’est-à-dire une Europe avec un impôt européen, des obligations européennes et une Europe où les plus riches payent pour les plus pauvres. Dans un tel cadre, alors oui l’euro est techniquement viable.

Le seul gros souci c’est que les Allemands, aussi sympathiques soient-ils, n’ont pas du tout envie de payer pour tout le reste de l’Europe. Par conséquent, ils refusent (et on peut les comprendre) obstinément toute idée d’Europe fédérale et c’est exactement ce qu’a laissé entendre ce week-end Angela Merkel. Si la Grèce ne veut pas de la gestion budgétaire allemande, alors elle dégage de l’euro…

Ces déclarations rapportées par le journal Der Spiegel ont d’ailleurs commencé à mettre un tel bazar en Europe que « la Commission européenne a voulu couper court aux spéculations, estimant que la présence d’un pays au sein de la zone euro était irrévocable », ce que je trouve cocasse par rapport au titre de mon édito d’hier et de ma conclusion où j’écrivais « désormais l’euro n’est plus irréversible »… Non pas que le Contrarien Matin donne le ton de l’opinion mondiale à Bruxelles, rassurez-vous, plus prosaïquement, nous dirons simplement que tout le monde a bien interprété les paroles de la chancelière allemande comme elles devaient l’être (en tout cas pour ceux qui ont plus de deux neurones).

« «L’appartenance à l’euro est irrévocable», a déclaré Annika Breidthardt, porte-parole de l’Union européenne (UE) au cours d’un point de presse, rappelant que cette règle était inscrite dans le Traité de Lisbonne, signé en 2007, «article 140, paragraphe 3». «Nous n’allons pas entrer dans des spéculations et des scénarios qui risquent d’être interprétés dans un contexte qui ne se pose pas», a ajouté un autre porte-parole, Margaritis Schinas. »

Les marchés baissent fortement… parce qu’ils ont peur de l’explosion de l’euro !!

Les marchés démarrent donc logiquement assez mal l’année avec une belle baisse de presque 3,5 % sur la Bourse de Paris, en Grèce c’est un carnage (en Russie n’en parlons même pas…).

L’euro baisse à un plus bas de 9 ans et c’est paradoxal…

Pour certains, cette baisse de l’euro s’expliquerait par l’arrivée prochaine du QE européen lancé par Draghi… Je ne crois pas du tout à cette interprétation des événements car si les marchés étaient persuadés que Draghi aura bien les mains libres pour lancer un énorme QE (impression monétaire massive), alors les marchés devraient monter… S’ils baissent, c’est parce que justement les « zinvestisseurs » ont peur, et à très juste titre, que la BCE ne puisse pas se lancer dans un programme de rachat massif d’actifs en raison de l’opposition allemande… constante depuis 7 ans maintenant, le tout avec des conflits portés devant les juridictions et la volonté germanique de faire appliquer les traités… Et les traités n’autorisent pas le financement direct des États.

Je pense donc que ce qui fait baisser l’euro ce n’est pas l’éventuel QE européen, qui sera au mieux très décevant et au pire inexistant, mais bel et bien les craintes de sortie de la zone euro de la Grèce…

Or, là encore, c’est paradoxal (enfin pas vraiment vous allez très vite comprendre). Si la Grèce, qui est l’économie la plus moisie d’Europe, sort de la zone euro alors l’euro en réalité deviendrait plus fort car il n’aurait plus à supporter le poids mort de la Grèce. Je parle bien évidemment de l’économie et des dettes, pas du peuple grec qui endure les pires souffrances économiques depuis maintenant presque 7 années. Résultat logique : si le maillon le plus faible sort, à ce moment-là la « chaîne » globale devient plus forte et l’euro sans la Grèce devrait, en réalité, s’apprécier… Si nous poussions logiquement le raisonnement, si tous les pays sortaient pour ne laisser plus que l’Allemagne dans l’euro alors l’euro serait la monnaie la plus forte au monde…

Conclusion : si l’euro baisse, ce n’est pas parce qu’il va y avoir un QE européen lancé par la BCE.
Si l’euro baisse, ce n’est pas parce que la Grèce pourrait sortir de l’euro.
Si l’euro baisse, c’est parce que la sortie éventuelle de la Grèce risquerait de créer un précédent politique majeur avec, partout en Europe, des partis politiques eurosceptiques qui n’attendent que cela et dès lors, c’est le risque d’explosion de l’euro qui revient comme prévu et, comme je l’ai écrit à de multiples reprises, sur le devant de la scène en cette nouvelle année 2015.

Logiquement donc nous assistons à une baisse de l’euro, à une appréciation du dollar américain et des autres devises hors euro (nous pouvons mettre le rouble de côté). Logiquement, nous avons aussi assisté à une forte hausse de l’or coté en euro… (Or nous achetons et vendons notre or en euro… C’est donc le critère essentiel pour nous autres, européens.) Et l’or vient même de se payer le luxe de franchir un seuil très important : celui des 1 000 euros l’once !!!

Logiquement, nous voyons également les emprunts d’État des nations européennes les plus solides, à commencer par l’Allemagne, atteindre de nouveaux plus bas historiques… Les « zinvestisseurs » préfèrent avoir de la dette allemande ne rapportant rien mais l’assurance d’obtenir de futurs marks plutôt qu’être juste détenteurs d’euros pouvant disparaître…

C’est donc bien la peur du désaccord politique qui désormais mène la danse en Europe et nous devront faire le choix politique le plus crucial de ces 30 dernières années. Soit nous voudrons collectivement plus d’Europe, soit nous ne voudrons plus de cette Europe et par conséquent de cet euro qui ne fonctionne pas.

Il arrive un moment où l’on doit quitter le monde de l’incantation et de l’idéologie pour se concentrer sur la réalité des faits. C’est ce qui commence enfin à se passer, et la volatilité sur les marchés ne fait que matérialiser ces inquiétudes autour d’une question fondamentalement politique. Le calme sera sans doute ramené par quelques déclarations bien senties auxquelles tout le monde voudra encore croire mais à un moment, il faudra des actes et plus seulement des mots pour s’occuper de nos maux. Et ce moment c’est l’année 2015.

Il est déjà trop tard, préparez-vous.

À demain… si vous le voulez bien !!

Charles SANNAT

 

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