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Je suis naturellement grand, beau, j’ai le teint buriné par le soleil et le sourire enjôleur et des mocassins à gland, un très gros zizi et une absence totale de lucidité sur mes qualités et mes défauts !

J'ai un blog sur lequel j'aime enquiquiner le monde : Petites chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition...

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Le père, c’est « le chef de famille » et la mère « repasse »

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Aujourd’hui, je tombe sur une dépêche « AFP ». Rédigée avec la patte inimitable « AFP », avec ce cachet si particulier « AFP », avec ces vrais morceaux de petits bouts de vécu « AFP » dedans, elle ne pouvait qu’attirer mon attention. En plus, ça parle de sexisme et d’enfants illettrés. Comme elle était d’importance, elle a été gentiment été copiée puis collée dans différents organes de cette presse que le monde du facsimilé nous envie. Une analyse s’impose.



Avant d’aller plus loin, cette dépêche se retrouve ici ou encore . Notez que le travail de l’un des sites aura consisté à insérer des retours chariots (qui montrent toute la finesse d’analyse du média en question) alors que l’autre aura trouvé la brillante idée d’insérer une jolie photo en chapeau de la dépêche. Tout ce travail sur le matériel brut de l’AFP est véritablement ébouriffant.

Pour rappel, les subventions directes à la presse (c’est à dire, votre argent) se montent cette année à plus d’un demi-milliard d’euros. On appréciera la bonne utilisation de ces fonds.

Demaerd Bisounoursland Security - Division Gros Calins
Et justement, à quoi ont été employés les fonds ? A nous narrer l’histoire rocambolesque d’un dictionnaire écrit par des écoliers, afin de les inciter à écrire et éviter ainsi l’écueil de l’illettrisme dans lequel l’Education Nationale s’emploie pourtant à les flanquer en toute bonne foi. L’idée, au départ, est comme d’habitude à la fois simple et parfaitement idiote : puisque les élèves savent à peine écrire, plutôt que reprendre leur enseignement avec des bases solides et des méthodes éprouvées, appliquons-nous à leur coller un exercice complexe et qui n’a pas été déjà fait auparavant ce qui nous évitera ainsi tout benchmark infamant. Faisons pondre à des élèves de grande section jusqu’au CM2 plusieurs milliers de définitions sur des mots divers et variés, collationnons l’ensemble et déclenchons ensuite une bonne polémique de vierges effarouchées lorsqu’on commencera à lire le résultat.

Parce qu’il faut comprendre que les définitions produites par des élèves au cerveau pas encore suffisamment lavé sont remplies d’abominables évidences machismes que seul un passage par l’Éducation Nationale, citoyenne et responsable, pendant une douzaine d’années, permet d’amoindrir.

Vous pensez que j’exagère ? Que nenni. Il suffit de lire la dépêche, phrase à phrase.

Le père, c’est « le chef de famille » et la mère « repasse »

Repasser, cela signifie qu’on porte des chemises proprettes avec, pourquoi pas, des petits pulls. Si la chemise est sous le petit pull, il n’y a alors pas besoin de la repasser, morbleu ! Dès lors, plutôt que d’interdire, le gouvernement devrait lancer une campagne d’information sur les tissus sans repassage, et aussi une campagne de formation des hommes au repassage, pardi ! Si les hommes refusent de repasser, c’est à leur(s) femme(s) de se révolter et pour cela, rien de plus simple : la menace de devoir aller au travail avec une chemise froissée aura tôt fait d’éliminer cet insoutenable esclavage du fer.

Bon.

En fait non, il est probable que les hommes iront juste au travail avec leurs fringues froissées, et au bout d’un moment les casual-fridays deviendront des casual-semaines, puis on inventera des « chic-friday » comme dans les compagnies qui embauchent des geeks sans maman ou sans femme pour repasser, et où tout le staff s’habille en punk depuis au moins dix ans.

« Le Dictionnaire numérique des écoliers, qui comprend 17.000 définitions écrites et illustrées par des élèves de la grande section au CM2, a été lancé en septembre 2010 par la Direction générale de l’enseignement scolaire, dans le cadre du plan national de prévention de l’illettrisme. »

Et moi qui croyais que pour ne plus être illettré, il fallait apprendre à écrire, alors qu’en réalité, un dictionnaire en ligne suffisait ! Le progrès est fulgurant : on se demande si c’est l’accès à un dico, écrit par des tout-petits enfants, qui combat l’illettrisme, ou si c’est le fait de devoir écrire une définition qui fait mieux le travail qu’une page de lettres et une dictée. Et d’ailleurs, le résultat est flagrant. Si flagrant que je suis absolument zoutré que le gouvernement, dans sa grande inconséquence, ait osé couper la prise au dictionnaire en question, au risque de favoriser l’illettrisme ! Quelle horreur !

En filigrane, l’action vigoureuse du gouvernement pose la question de savoir ce qui est mieux : une population sexiste ou une population illettrée ? Bizarrement, l’illettrisme semble donc plus souhaitable que le sexisme. Soit.

La suite nous apprend que « Certaines définitions (…) ne sont pas admissibles en l’état » et « même si le problème concerne une minorité de définitions », le ministère « a décidé sans attendre de suspendre la mise en ligne » sur le site internet du Centre national de documentation pédagogique (CNDP), a indiqué le ministère interrogé par cette bande de gros pachydermes mous de l’AFP. Ce qui est parfaitement logique : si une population illettrée est préférable à une population sexiste, il convient de retirer d’internet l’intégralité du dictionnaire, le temps pour le Comité De Nettoyage Pédagogique (CDNP) de vérifier toutes les définitions et d’en expurger celles par trop sexistes. Leu saiksimse, yl ne pasra papar mwa. Pourre l’ilétrimse, sa se négossie.

Le site « restera provisoirement fermé » dans l’attente d’une « révision » du processus de validation par le CNDP, et de « la relecture et réécriture » des définitions incriminées.

Oui mais attention ! On doit immédiatement savoir une chose : ce Comité De Nettoyage Pédagogique, là, est-il bien constitué d’enfants de la grande section au CM2 ? Et puis d’ailleurs, ce travail des enfants pour faire un dictionnaire a-t-il été rémunéré ? Comment peut-on ainsi accepter, en République du Bisounoursland, de nos jours, le fait de faire travailler des enfants à un dictionnaire, qui plus est supposé servir réellement de référence ? Comment peut-on laisser travailler des enfants, j’insiste, à une époque ou des étudiants et autres djeunzs ont tant de mal à trouver un job d’été ou même un stage rémunéré ? Combien un tel dictionnaire aurait-il permis de créer d’emploi s’il avait été correctement et normalement payé et réalisé par une équipe de personnels spécifiques, par exemple de syndiqués du Livre CGT ? La situation est insoutenable : selon toute vraisemblance, non seulement ce dictionnaire a été réalisé par des enfants non rémunérés (ce qui est formellement interdit, bande d’esclavagistes), mais en plus, il l’a été au détriment d’une classe sociale qui ne demande qu’à travailler ! L’abomination de cette révélation fera dresser tous les poils de n’importe quel socialiste imbibé d’égalité et de solidarité citoyenne participative !

On apprend qu’en outre, le ministère a demandé à l’Inspection générale une « évaluation » de « l’ensemble du dispositif ». Dans un pays normal, l’inspection générale va bien évidemment conclure que des enfants ont été exploités dans un sweat-shop gouvernemental, que les services publics sont devenus des services d’esclavage des petits. En conséquence, les responsables seront lourdement récompensés et des innocents, choisis au hasard, seront sévèrement punis par du bon illettrisme propre, sans sexisme, logique et limpide comme de la vodka premier prix, payée avec votre argent. Dans un souci d’équité et d’apaisement transgénérationnel, le terme Méga-Cafouillage ne sera pas employé.

Tiens, dans le texte de l’AFP consciencieusement reproduit partout, on peut lire la phrase suivante :

« Le site internet spécialisé dans l’éducation « vousnousils » et le site « leplus.nouvelobs.com » donnent quelques exemples : Une « femme » est « une maman, une mamie ou une jeune fille. Elle peut porter des bijoux, des jupes et des robes. Elle a de la poitrine. »

Alors hum, il me semblait qu’on disait « Nous Vous Ils », dans cet ordre, mais c’est probablement faire du mauvais esprit que de souligner que la deuxième personne du pluriel soit maintenant en première position ou confondue avec la première ; après tout, pourquoi pas. Mais dans ce cas, je m’insurge contre cet insupportable sexisme qui ne nous fait pas plutôt dire « Vous Nous Elles », ou bien « Vous Nous Elles Ils » pour des raisons égalitaires, voire « Vous Nous Eux », ou encore … euh ah je ne sais plus mais vous comprenez la gravité de la situation. Et surtout, on note ici l’insupportable discrimination des mères sans poitrine qui portent des pantalons. C’est violent.

Honnêtement, on se demande à quoi pouvaient s’attendre les gens qui donnent des définitions à écrire à des jeunes enfants. Peut-être l’Inspection Générale et le Comité de Pureté des Cerveaux Nationaux aurait-ils dû intervenir à la base pour demander aux professeurs de retoucher les définitions, afin qu’elles soient plus politiquement correctes, moins violemment en prise avec le monde normal et réel. Peut-être même aurait-on dû donner la définition directement aux enfants plutôt que leur demander ce qu’ils voient autour d’eux, puisque ce qu’ils observent d’en bas et comprennent avec leur petits crânes de choupinets est à ce point méprisable et honteusement immature. Peut-être que l’EdNat devrait directement s’appliquer à laver les cerveaux dès le plus jeune âge exactement comme elle sait si bien le faire (en cours d’économie ou d’histoire par exemple) chez les — un peu — plus vieux, ou exactement comme elle le reproche aux (vilains) cathos qui enseignent leurs (vilaines) croyances dès la petite enfance, plutôt que demander leur avis (moralement répréhensibles) à des petits cons sexistes qui n’ont aucune expérience de la vraie vie à six ans (les cons) et ne savent pas que, contrairement à ce qu’ils observent à la maison, non, une femme ne doit pas repasser, ni avoir de poitrine, ni porter de robes car c’est bien sûr se soumettre de la façon la plus vile au capitalisme financier de la spéculation apatride au sexisme glauque d’une société française insupportablement conservatrice et rétrograde qui ignore les tissus infroissables et le bonheur radieux de porter une chemise frippée !

Vous me suivez ? Non ? Si ? Un Peu ? Ne partez pas, le texte de l’AFP continue !

Le « père » est « le mari de la maman, sans lui la maman ne pourrait pas avoir d’enfants. C’est le chef de famille parce qu’il protège ses enfants et sa femme. » Quant au mot « mère », il est défini par la phrase : « Ma mère repasse les affaires de toute la famille ».

On baigne en pleine horreur sexiste, j’en ai des palpitations !

Que le père soit le mari de la maman est suffisamment atroce sans qu’en plus on doive apprendre de front, brutalement et sans ambages que la maman ne puisse pas avoir d’enfant sans lui, alors que l’inverse se rencontre couramment ! Ce dictionnaire satanique, digne des pires régimes talibans (et de nos heures les plus sombres) ose poser comme une évidence que le chef de famille est le père, conception là encore rétrograde et conservatrice (avec des morceau de capitalisme, de libéralisme et des petits bouts d’apatrides qui en veulent à l’Humanité). Tout ceci est tout simplement inacceptable et justifie complètement son retrait du net : en effet, le chef de la famille est l’agent de police, ou le juge, les seuls habilités à défendre la femme et les enfants, a posteriori bien sûr, en cas d’agression (généralement inévitable, rendons-nous à l’évidence) dans la mesure où toute intervention armée ou musclée de la part du papa sera sévèrement punie, et l’agresseur dédommagé comme il se doit.

En revanche, « le travail réalisé en classe par les enseignants adhérents au projet n’est pour sa part pas remis en cause », indique le ministère, qui souligne que « l’élaboration de définitions par les élèves est un outil pédagogique opportun pour l’acquisition du vocabulaire, priorité dès l’école maternelle pour prévenir l’illettrisme ».

En lisant tout ça, j’ai du me munir d’une cuiller pour ramasser les morceaux de ma mâchoire tombée trop fort. Les zorribles définitions sexistes vérifiées, puis soumises par les enseignants de l’Épuration Nationale, forment malgré tout un travail « pas remis en cause ». La lutte contre l’illettrisme révèle un sexisme flagrant et troporibl qui n’a pas semblé défriser un seul des employés de l’État mais ça n’est pas grave, le travail a été fait et bien fait, tout baigne, arrêtons donc les serveurs.

Dico des écoliers sexistes et méchants

Dans ces conditions on peut se demander pourquoi le dictionnaire est mis hors ligne, et pourquoi une commission de nettoyage va devoir tout se retaper et tout réécrire de façon pure et citoyenne alors que non, on ne remet rien en cause. Ça doit venir de la logique limpide que le service public exploite, comme les petits enfants gratuits, le tout payé avec votre argent que vous avez osé gagner avec votre chemise repassée dans le plus pur sexisme décadent du capitalisme financier de la spéculation apatride du conservatisme familial insupportablement lettré, qu’on saura mettre au pas dans un illettrisme non sexiste, propre et salvateur, et surtout martelé avec soin dans le cerveau des cinq à dix ans qui sont des petits cons sexistes.

La brève de l’AFP contient à peine plus de 300 mots, et dans ces 300 mots, toute l’imbécilité, toute la stupidité crasse de notre société momifiquement correcte ressort d’un seul coup. C’est, véritablement, une performance pour cette Agence d’être ainsi parvenue à concentrer autant d’abrutissantes idioties, tant de son fait à elle que du fait de l’Éducation Nationale.

Je dis chapeau.

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