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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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QE : sauveur, mal nécessaire ou chemin vers la catastrophe ?

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Je vous propose aujourd’hui de réfléchir autour de la traduction de cet article du toujours très sérieux et passionnant Telegraph concernant le risque et les limites des QE, c’est-à-dire des Qantitativ Easing, ou autrement dit plus clairement des “assouplissements quantitatifs” ce qui signifie (on y arrive enfin rassurez-vous) en français intelligible pour tous : l’impression de monnaie, tout simplement !

On peut être contre les QE mais effectivement, ils nous ont, pour le moment, sauvés d’un effondrement systémique d’ampleur biblique et c’est une bonne chose que de voir cela reconnu publiquement.

Mais cela ne veut pas dire que c’est la fin des problèmes, bien au contraire. L’économie est moribonde et surtout les déséquilibres sont partout. Finalement, les QE nous ont-ils sauvés ou a-t-on simplement gagné du temps ?

Vous savez ce que j’en pense et c’est la raison pour laquelle je vous incite à vous préparer à affronter un monde radicalement différent.

Mais lisez cet article traduit pour vous. Il en vaut la peine et alimentera vos réflexions. Ceux qui voudront aller encore plus loin peuvent rejoindre le club des “stratégistes” en s’abonnant à ma lettre mensuelle STRATÉGIES ici.

Charles SANNAT


Il y a 2 semaines, la BCE annonçait une augmentation significative de son assouplissement quantitatif. La BoE et la Fed, bien entendu, ont mis un terme à leur QE mais les effets des programmes précédents sur le système se poursuivent. Comme de nombreux lecteurs l’ont suggéré, il est grand temps de dresser le bilan.

Pendant et après la crise financière de 2007-2009, les QE ont grandement contribué à la stabilisation des marchés financiers, permettant ensuite de générer une reprise économique. Mais une fois celle-ci acquise, ce que les QE ont permis d’obtenir est discutable. Nous avons également obtenu des effets indésirables. Donc, comme c’est toujours le cas en économie, le verdict dépend de quel côté penche la balance, entre les avantages et les inconvénients.

Sous un QE, la banque centrale achète des actifs financiers sur les marchés (le plus souvent des obligations d’État) avec de l’argent qu’elle émet elle-même, augmentant de ce fait l’actif et le passif de son bilan. Dans la pratique, très peu de billets de banque sont imprimés. Il s’agit plutôt de création monétaire électronique. Mais vu que les dépôts à la banque centrale sont échangeables contre des billets de banque, décrire cette opération par le raccourci « création monétaire » est acceptable.

Cette politique semble extraordinaire, voire même imprudente. Mais elle fait partie des manuels standard d’économie depuis des générations (sous le terme d’opérations d’open market). De plus, elles étaient recommandées non seulement par John Maynard Keynes, mais aussi par Milton Friedman.

Cela dit, leur portée a des limites et il ne s’agit pas de la panacée. Mais parfois, le système monétaire faillit de façon spectaculaire. Lorsque cela arrive, les véritables ingrédients de la prospérité – le dur labeur, les investissements et les progrès technologiques – sont impuissants pour contrer le tsunami de l’effondrement monétaire. C’est dans ce contexte qu’entre en scène la création monétaire.

Durant la Grande Dépression des années 30 aux États-Unis, la production a chuté de 30 % et le chômage a grimpé à 25 %. La masse monétaire s’est contractée de 25 %. Même si les diverses écoles de pensée ne sont pas d’accord sur les causes précises, elles s’accordent toutes à dire que la contraction monétaire a joué un rôle énorme. À l’époque, l’US Federal Reserve n’a fait que très peu pour enrayer ce processus. À vrai dire, elle l’a probablement exacerbé.

Par contre, après 2008-2009, ce qui aurait pu être un remake de la Grande Dépression fut empêché par des taux d’intérêt bien plus bas et le QE. La baisse de la production de notre Grande Récession, de 4 à 5 %, fut mineure par rapport à celle des années 30.

Certains critiques reconnaissent que sans l’intervention des banques centrales, nous aurions assisté à un effondrement économique. Mais ils affirment que cela aurait été une bonne chose. Un système purgé de ses mauvaises habitudes et de ses institutions bancales aurait été plus sain une fois l’économie remise sur pied.

Pourtant, il n’est pas acquis que l’effondrement des années 30 a débouché sur une purge bénéfique. En Allemagne, il a engendré l’émergence d’Hitler. Aux États-Unis, la misère des soupes populaires ne fut effacée que vers la fin de la décennie, lorsque la production de guerre permit de relever la demande totale.

D’autres critiques affirment que la reprise engendrée par le QE n’est que temporaire, que le système succombera à un épisode d’hyperinflation ou tombera dans une nouvelle crise générée par les distorsions financières engendrées par les QE.

Mais une inflation significativement plus élevée n’est pas la conséquence inévitable de toute cette création monétaire. Cette politique peut être inversée vu que les banques centrales peuvent remettre sur le marché ces obligations qu’elles ont achetées. Elles peuvent également imposer des niveaux de réserves obligatoires aux banques afin d’absorber la monnaie excédentaire ou encore augmenter les taux d’intérêt.

L’exemple du Zimbabwe, qui a créé des quantités invraisemblables de monnaie jusqu’à connaître l’hyperinflation, n’est pas un exemple de QE qui a dégénéré. Il fut le résultat de l’incompétence du gouvernement, incapable de lever les impôts nécessaires pour couvrir ses dépenses et qui a recouru à cette ficelle pour combler le trou.

En fait, alors que la crise monétaire est terminée et que le système monétaire est toujours sévèrement perturbé, la pertinence de l’achat d’obligations gouvernementales, qui sont par nature très liquides et supposément le type d’actif le plus sûr, par des dépôts liquides à la banque centrale est questionnable. Cela pourrait être inapproprié. En principe, bien sûr, cela peut aider un pays à dévaluer sa monnaie. Mais même ce canal a semblé ne pas marcher la semaine dernière pour la BCE. Et, bien sûr, la dévaluation n’est pas la solution pour tout le monde.

En ce qui concerne les distorsions créées par les QE, elles existent sans l’ombre d’un doute. Il y a quasi une bulle sur le marché des obligations d’État. De plus, certains marchés immobiliers, aussi bien ici (Royaume-Uni) qu’à l’étranger, semblent gonflés, et sont donc dangereux. Mais je pense que ces distorsions sont plus le fait de la période prolongée de taux planchers que nous vivons plutôt que des QE. Même s’ils n’ont pas arrangé les choses.

Les QE ont également un impact sérieux sur la distribution. Dans la mesure où ils ont permis de gonfler la valeur des actifs, ils ont bénéficié à ceux qui les possèdent tout en punissant les épargnants. Et, se propageant par les banques, on peut dire qu’ils ont profité aux banques et aux banquiers, ce qui est considéré comme une incidence néfaste aux États-Unis, si pas ici (ce qui mène à la question de savoir si les « hélicoptères monétaires », qui sautent l’étape des banques, seraient plus efficaces et équitables. J’en parlerai dans un autre article).

Nous devons certainement tous espérer le retour rapide de la « vertu monétaire » même si, comme Saint-Augustin, j’ajouterais « pas encore ». En fait, si nous devions assister à une nouvelle implosion monétaire, je serais pour davantage de QE. Cependant, pour les économies en phase de redressement, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, les QE ont déjà atteint, et peut-être dépassé, les limites de leur utilité.

Source The Telegraph ici 
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