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Charles Sannat

Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information (secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Économique d'AuCoffre.com en 2011. Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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1 000 milliards... de mille sabords!

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Nombre de commentaires : 2 réactions
Mes chères contrariées, mes chers contrariens,

Vous savez quoi… la crise serait en passe d’être finie… Ça faisait quoi, une semaine environ que l’on n’avait pas osé nous resservir ce discours désormais totalement éculé ? Eh bien voilà, ça recommence. Cette fois, c’est Moscovici qui se fend d’une déclaration pour nous dire que tout va mieux que bien. D’un autre côté, vu que la fin du monde c’est dans 29 jours maintenant, il est grand temps de rassurer les masses populaires.

Alors, une fois n’est pas coutume, l’actualité économique est aujourd’hui très riche… en drames et psychodrames notamment européens, puisque aux États-Unis c’est la journée du « Merci-donnant » (Thanksgiving) et que tout est fermé y compris Wall Street.

Il est vrai que le Président du monde libre Barack Obama a fait preuve d’une auguste mansuétude en graciant deux dindes… Il y a des informations que je dois vous donner. C’est important.

Non, ce qui est important, c’est la dernière déclaration de Moscovici. Il en a sorti une bien bonne aujourd’hui.

Zone euro : les conditions de sortie de crise « en passe » d'être réunies

Figurez-vous donc que le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, a dit jeudi devant le Sénat que « les conditions d'une sortie durable de la crise de la zone euro semblent en passe d'être réunies ».

Bon, heureusement, il tempère vite ses ardeurs, partant du principe que ce que ma grand-mère disait était juste, à savoir que si le ridicule ne tue pas, il peut quand même faire mal (elle était très forte ma grand-mère). Donc il précise sa pensée : « Je le dis avec prudence mais détermination, au lendemain d'une réunion avec l'Eurogroupe où nous n'avons pas tout à fait réussi à trouver une solution pour la Grèce, mais nous le ferons dès lundi », a déclaré le ministre en présentant le premier budget du quinquennat Hollande aux sénateurs.

Là, il y a deux choses drôles dans la phrase. « On n’a pas tout à fait réussi à trouver une solution pour la Grèce »… Sans blague. Cela fait cinq ans qu’ils essaient désespérément de sauver un pays condamné. La deuxième, c’est « nous le ferons lundi »… entre temps, l’agenda est chargé, vu qu’ils se rencontrent tous ce soir nos mamamouchis pour tenter de se mettre d’accord sur un budget européen… Pas gagné tout ça.
Donc Moscovici continue avec un « il est fondamental que ce pays qui a fait tant d'efforts trouve du côté de ses partenaires européens la solidarité dans le bon respect des finances publiques de nos États », a-t-il ajouté.

Je comprends donc qu’il faut que l’on aide la Grèce, mais sans que cela ne nous coûte d’argent, ce qui vu la situation de la Grèce et la liste de ses créanciers (c’est-à-dire nous) va s’avérer relativement complexe, d’où le blocage actuel.
L’idée c’est donc qu’il faut trouver une idée pour faire croire à tous que l’on aide la Grèce (et surtout aux marchés) mais sans débourser un centime d’euro ou presque… Compliqué.

Pour mémoire, les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis dans la nuit de mardi à mercredi pour se mettre d'accord sur le versement d'un prêt à la Grèce de 44 milliards d'euros, et trouver un terrain d'entente avec les autres créanciers publics, en premier lieu le Fonds monétaire international (FMI).

Oui car le FMI aussi a donné pas mal de sous à la Grèce et le problème du FMI, c’est que même si Christine Lagarde est française, les actionnaires du FMI ne sont pas qu’européens et tous les autres ont sifflé la fin de partie. Le FMI, ce n’est pas un FME (européen) réservé à l’Europe. Or les engagements du FMI à l’égard de la Grèce se comptent en dizaine de milliards de dollars.

D’où la déclaration de Lagarde : « Des progrès ont été faits, mais il en faut encore un peu plus. »

Enfin, juste pour information, alors que déjà la moitié de la dette grecque avait été effacée, elle devrait quand même atteindre 190 % du PIB en 2014 !! C’est ballot.

Mais ce n’est pas tout : il y a aussi le psychodrame du budget européen. Et là, cela s’annonce coton, surtout quand les Britanniques s’en mêlent. Le propre des Anglais étant de vouloir soutirer le maximum d’avantages à l’Union Européenne, en payant beaucoup moins que les autres. Thatcher avait d’ailleurs obtenu une très grosse exemption pour le Royaume-Uni.

Budget de l'UE : le sommet des grands ciseaux

Les 27 chefs d'État et de gouvernement de l'UE ont entamé jeudi à Bruxelles un sommet marathon pour un grand marchandage sur le projet de budget européen pour la période 2014-2020, mais aucun accord ne pourra être obtenu sans sacrifice des uns et des autres.

D’après l’AFP, le premier arrivé, le Premier ministre britannique David Cameron, a donné en trois phrases le ton du sommet et mis la pression sur ses partenaires.

« Je ne suis pas content du tout [des propositions sur la table], je vais négocier durement pour obtenir un bon accord pour les contribuables britanniques et européens et je veux conserver le rabais britannique », a-t-il déclaré avant un entretien de plus d'une demi-heure avec le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

M. Cameron s'est gardé de prononcer le mot « veto » comme il avait menacé de le faire lors du dernier sommet des dirigeants européens le 19 octobre.

C’est sûr que le mot « véto », tout de suite, ça a tendance à limiter la phase de dialogue « constructif » pour nous faire rentrer directement dans la phase de crise aiguë.

Il s'est ensuite réuni avec deux de ses alliés, le Suédois Fredrik Reinfeldt et le Néerlandais Mark Rutte, comme lui partisans d'une réduction drastique des dépenses proposées.

Le concept britannique est de réduire les dépenses de l’Europe d’environ 20 % et de faire peser une forte partie de la rigueur sur l’Europe qui, du coup, diminuerait ses aides et ses programmes, mais ce qui allègerait d’autant les finances publiques des grands états qui sont aussi les plus gros contributeurs au budget européen.

David Cameron a demandé à M. Van Rompuy que l'on taille dans le budget alloué aux grandes interconnections transfrontalières pour les Transports, l'Energie et l'Internet et que l'on réduise le nombre de fonctionnaires européens, a-t-on appris de source diplomatique.

Remarquez, la réduction du nombre de fonctionnaires européens n’est pas forcément une mauvaise idée. Très, voire trop bien payée, plein d’avantages, et pléthoriques, la fonction publique européenne n’est pas l’une des plus économiques au monde, ni l’une des plus efficaces. Sauf peut-être pour nous pondre des lois sublimes sur la taille minimum de la noix de Corrèze… (Si si, cette règlementation existe je vous assure.)

Paris cherche le soutien de l'Allemagne, car Cameron a dans son collimateur l'enveloppe allouée à la Politique agricole commune (PAC), premier poste de dépense du budget, ardemment défendue par la France.
C’est vrai que la PAC c’est le moyen pour la France de retrouver une grosse partie de ce que l’on donne et cela représente une part non négligeable des revenus de nos exploitants agricoles.
Le problème de la PAC, c’est qu’elle coûte effectivement une fortune à l’Europe. Se poser la question de sa réforme n’est pas absurde mais… un président normal ne voudra jamais la voir remise en cause, car cela serait de nature à provoquer quelques manifestations paysannes d’ampleur. Déjà que le nouveau pouvoir se met à dos les opposants au mariage pour tous, et les opposants au vote pour tous… si en plus les paysans se rebiffent, cela finira par faire beaucoup. Or nos amis socialistes détestent avant tout… les problèmes.


« Nous n'aurons pas d'accord avant vendredi soir, au mieux », a estimé le Premier ministre finlandais Jyrki Katainen.
La perspective d'un échec du sommet n'est pas exclue par Angela Merkel. « Un nouveau sommet européen sur le budget est possible début 2013, en cas d'échec », a-t-elle déclaré mercredi.
« On ne peut rien exclure », a confirmé le Premier ministre belge Elio di Rupo. « Nous avons tous nos propres souhaits. Je ne suis pas certain qu'on y arrivera. La négociation est très complexe », a renchéri son homologue néerlandais Mark Rutte.

C’est sûr que vu comme cela, ils ont tous l’air de partir vainqueurs !!

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, s'est ému mercredi de la tournure prise par les négociations, dans lesquelles les pays les plus riches ne jurent que par une baisse des dépenses. « Couper, couper, couper. Tout le débat porte sur la façon de réduire. On ne discute pas de la qualité des investissements », a-t-il déploré.

C’est vrai qu’il peut déplorer Barroso, le petit souci, c’est que plus personne n’a d’argent dans la mesure où depuis cinq ans les finances des plus gros états sont exsangues en raison notamment d’un soutien massif aux banques.

Tiens ! Justement, à propos des banques, revoilà Dexia et son univers impitoyablement moisi…

L'enfer Dexia : la potentielle dissolution prochaine de la banque belge menace tout le système financier européen

Le site Express.be nous apprend que récemment, la banque Dexia a été éliminée de la liste des banques systémiques, celles dont le dépôt de bilan pourrait constituer une menace pour l’économie toute entière. C’est le conseil de Stabilité Financière (FSB) qui a considéré que la banque en démantèlement n’était plus « too big to fail ».

Ce qui est très drôle une fois ce postulat posé, c’est la suite de l’article, tout en sachant je le rappelle que Dexia est la banque qui a tout raté sauf les stress tests…

Pour autant, les problèmes de fond n’ont pas été résolus. Le 21 décembre prochain, (je ne suis pour rien si cela coïncide avec la fin du monde, au moins ça fera diversion donc il faut que je vous en parle quand même) les actionnaires réunis en assemblée générale extraordinaire ont été appelés à statuer sur la poursuite des activités de la banque ou sa dissolution, et à valider le principe d’une augmentation de capital de 5,5 milliards d’euros. Dans un rapport détaillé, le conseil d’administration de la banque, qui souhaite la poursuite de ses activités, les a avertis qu’une dissolution de la banque pourrait avoir des « conséquences systémiques très graves », que l’Express n’hésite pas à qualifier d’ « apocalyptiques ». C’est à la 35e page de ce rapport (.PDF) que l’on en prend toute la mesure :

« Si la banque ne parvient pas à obtenir les 5,5 milliards d’euros d’augmentation de capital, elle sera mise en dissolution. Celle-ci entraînerait la revente en urgence de ses actifs bradés, ce qui entraînerait de fortes pertes.
Mais sa dissolution rendrait également immédiatement exigibles l’ensemble des dettes contractées par la banque : celles-ci se montaient à 386,5 milliards d’euros au 30 septembre 2012. Il faut également ajouter les contrats de produits dérivés dont le montant théorique à la même date s’élevait à 605 milliards d’euros. Au total, la banque devrait donc payer 991,5 milliards d’euros. Dexia ne parviendrait jamais à réunir une telle somme et serait donc en situation de défaut.
Compte tenu de la taille de la banque, ce défaut constituerait une véritable menace pour l’ensemble du système financier européen, indique le rapport. Il impacterait l’ensemble de la zone euro, affectant la liquidité des opérateurs du marché financier, suscitant un mouvement de panique « avec un risque important de contagion dans la zone euro », précise-t-il.
Comme elle détient un portefeuille de 20,049 milliards d’euros au 30 septembre, la liquidation de ce portefeuille à prix décotés aurait un impact sur la valeur des obligations de plusieurs pays de la zone euro (plus de 70 % de ce portefeuille est constitué d’obligations de la zone euro), et elle déstabiliserait les marchés secondaires de plusieurs pays de la zone euro.
Le défaut de Dexia entraînerait le déclenchement des garanties accordées par les gouvernements de la Belgique, de la France et du Luxembourg le 9 octobre 2008 pour certains financements obtenus par ses filiales DCL (Dexia Crédit Local), DBB (Dexia Banque Belgique, aujourd’hui Belfius Banque et Assurance), et BIL (Dexia Banque Internationale à Luxembourg, aujourd’hui Banque Internationale à Luxembourg), plus d’autres garanties octroyées le 16 décembre 2011 pour des prêts obtenus par Dexia et DCL. Au total, ces garanties obligeraient ces pays à payer immédiatement 73,4 milliards d’euros.
La dissolution de Dexia pose aussi le problème social inhérent au licenciement des quelque 3 600 salariés du groupe répartis entre la France et la Belgique. »

Je ne sais pas si vous avez bien lu les chiffres. On parle de presque 1 000 milliards d’euros. Soit 4 années de recettes de l’État français (on ne parle même pas de nos pauvres amis belges) ou encore 50 % de notre PIB.
Dexia tombe, la France tombe, la France tombe, l’Europe s’effondre. L’Europe s’effondre et c’est la fin du monde… Le tout le 21 décembre 2012.

Il n’y a pas à dire, ces Mayas, ils étaient forts tout de même !!

Charles SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com





 

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2 commentaires

  • Lien vers le commentaire leBerger jeudi, 29 novembre 2012 20:29 Posté par leBerger

    Très bon ! Comme d'hab :D

  • Lien vers le commentaire jay vendredi, 23 novembre 2012 16:03 Posté par c_idem

    Merci pour cette article sur Dexia.

    Au moins, si un jour on la question au dirigeants de Dexia, il pourront dire qu'on pouvait pas voir venir l'effondrement : Même les stress testeur ont rien vu.

    Fallait prendre de la distance: se mettre en haut de la pyramide de Chichen Itza.